dimanche 31 octobre 2010

Le suicide des femmes en Chine

Extrait du site Lacanchine

Le suicide des femmes en Chine

Avec de 250 000 à 300 000 suicides par an, selon les experts, soit un toutes les deux minutes, la Chine représente un quart des suicides dans le monde, pour environ un sixième de la population. Elle est apparemment le seul pays de la planète où les femmes se suicident plus que les hommes (58 %). Ce sont surtout celles des campagnes qui sont les plus exposées : quand elles n'en peuvent plus, elles avalent des pesticides. « Les gens sont devenus plus fragiles, explique Zhang Chun, directeur du réseau d'aide contre le suicide de Nankin (est), surtout les groupes défavorisés et l'élite. Depuis l'ouverture, les changements sociaux rapides et les contradictions entre les valeurs traditionnelles et modernes ont fait perdre aux gens leur équilibre psychologique », note-t-il, « beaucoup essaient de retrouver leur équilibre par la course à la fortune ».
Dans la Chine désormais 4e puissance économique mondiale, le suicide est la première cause de mortalité des 15-34 ans. Le pays est aussi l'un des rares où les ruraux se suicident plus que les citadins. « Le nombre de suicides à la campagne est trois fois celui des villes », indique Yang Qing, professeur de psychologie à l'Université de Shenzhen (sud). Huo Datong, premier psychanalyste à avoir ouvert un cabinet en Chine, voit de plus en plus de troubles névrotiques et psychotiques. « Avec les réformes, la société est devenue plus compliquée, l'individualisme plus fort et les problèmes psychiques de plus en plus graves », explique M. Huo, contacté à Chengdu, dans le Sichuan (sud-ouest). « On voit dans les hôpitaux psychiatriques beaucoup de patients psychotiques à cause du développement économique qui a (entraîné) une dissolution des liens parentaux et familiaux, un isolement des autres ». « La pression du travail est devenue plus grande qu'avant, les gens sont plus angoissés (...) les symptômes névrotiques sont devenus plus fréquents », ajoute-t-il.
Les Chinois, tiraillés entre modèles communiste, confucianiste et capitaliste, n'ont pas non plus de dieu vers lequel se tourner. « Ici ce n'est pas comme dans les pays occidentaux où la plupart des gens croient en une religion », relève Zhu Wanli, un psychologue de Chongqing (sud-ouest), « la majorité des gens n'ont pas de croyance ». Et si les Chinois vont dans les temples, c'est souvent pour brûler des bâtonnets d'encens censés leur apporter... la fortune.



Quand les chinois quittent le train en marche…

(China Trade Winds (HK) Ltd - Éditorial n° 39)


2-8 décembre 2002

Tous les ans, 2 millions de chinois veulent se donner la mort, et 287 000 réussissent. Le suicide est la première cause de mort pour les 15-34 ans (19 %). Avec un tiers des suicides sur Terre, la Chine détient le record de morbidité : consciente du risque majeur, la mairie de Pékin finance (2 millions Yuans) le premier Centre de Recherche et Prévention du mal. Choix rare, révélateur de l’urgence, les rênes du Centre ont été confiées à un étranger : le Dr M. Phillips (US), qui dévoile (30.11.2 002) dans Lancet, prestigieuse revue médicale, deux ans d’enquête sur 519 suicidés en Chine et dresse leur « autopsie psychologique ».
Il en ressort un portrait-type très différent du reste du monde.
La femme y tient le premier rang (52 %, 1/4 de plus que la moyenne mondiale). 84 % des cas sont au village.
63 % se tuent au pesticide.
63 % seulement sont malades mentaux (contre 90 % à l’Ouest) : le suicide chinois est un acte plus impulsif qu’ailleurs.
L’étude fait une découverte majeure : le suicide chinois dépend non d’une, mais de plusieurs causes cumulatives parmi lesquelles : 1. un autre suicidé dans l’environnement du malade, 2. une tentative précédente, 3. une dispute, et — avant tout ! — 4. la pauvreté.
Après le diagnostic, le traitement : cette petite équipe (33 médecins/infirmières) combattent sur tous les fronts des facteurs à risque en même temps :

a.    Dès qu’un suicide a eu lieu dans une collectivité (usine, école, hôpital), le centre envoie un psychiatre pour prévenir les suicides en chaîne.

b.    Face au stress de la ville, le désespéré anonyme trouve sur le site internet du centre, un « kit de premiers soins », ou échange avec lui par e-mail.

c.    Pour tout suicidé en urgence dans trois hôpitaux de Pékin, le centre envoie un médecin offrir la première assistance et former ses collègues (qui, jusqu’à présent, ne soignent que la blessure physique).

d.    Fer de lance, le premier téléphone rouge anti-suicide ouvre (5.12.2002) son service gratuit (pour Pékin), cinq lignes 24 heures/24 (n° 800-810 1117). Pour chaque appel, cinq buts : permettre l’épanchement du malade, évaluer le risque de passage à l’acte, détecter la maladie mentale, offrir des options de réponse au drame présenté (ex : l’infidélité du mari), offrir d’autres aides (ex : conseil juridique, ou protection contre la violence conjugale).

Face à l’océan de détresse cachée, ces efforts peuvent sembler un fétu. Mais le Centre est la première et seule source d’aide de ce type en Chine, rêvant d’inspirer une structure nationale – premier pas pour remonter la pente !



Un système de prévention de suicides à l'étude en Chine

(Le quotidien du Peuple)


Un(e) Chinois(e) se donne la mort toutes les deux minutes. La Chine répertorie chaque année environ 280 000 suicidé(e)s.

Face à ce fait, le gouvernement chinois accélère la mise en place d'un programme national de prévention des suicides, considérés comme relevant du problème de la santé mentale.

Ce plan consiste à conjuguer les efforts des couches sociales pour régler ce problème, a expliqué Qi Xiaoqiu, chef de la division du contrôle des maladies du ministère de la Santé publique, lors d'un atelier international sur ce sujet. Des experts chinois et étrangers y ont discuté une structure de ce programme.

La Chine, qui représente 20 % de la population mondiale, enregistre pourtant un quart du total des suicides du monde. Le suicide y est devenu le premier facteur de décès de la population âgée entre 15 et 34 ans.

Cependant, à la différence des autres pays, la Chine connaît à la campagne un taux de suicide de loin supérieur à celui en ville. 58 % des suicidés ont mis fin à leurs jours avec le pesticide, en vente libre dans la région rurale.

Un autre aspect anormal est que la Chine est l'un des rares pays ayant un taux de suicide plus élevé chez le sexe féminin que chez le sexe masculin. Chaque année, plus de 150 000 femmes se donnent la mort et 1,5 millions de femmes tentent d'agir ainsi, dans ce pays, selon Wu Xuehua, conseiller auprès de la Fédération chinoise des femmes.

vendredi 29 octobre 2010

L'ajustement de la Culture traditionnelle avec le capitalisme

A partir de la structure que j'ai construite en classant les grands symboles de la culture chinoise "immortelle", il est apparu un équilibre global entre quatre modalités d'énergies symboliques qui se distinguent et s'opposent les unes par rapport aux autres.
Schéma que je reformule ainsi :
Dans la pratique, mes amis chinois passent d'un mode symbolique à l'autre. Une des méthodes est la juxtaposition. Par exemple, les symboles du Phénix et du dragon vont être mis face à face dans les décorations murales ou les vêtements. Par exemple, cette robe propose de face un dragon, avec sur les cotés et sur le dos, une série de Phénix.


Une autre méthode est la segmentation. Dans un "sujet qui fâche", différents domaines vont être identifiés, et il va y avoir rupture de "l'ossature". Ce terme, "ossature", je propose de le prendre au sens propre et au sens figuré. L'ossature doit être considérée à la fois comme le squelette d'un animal - poulet, canard, cochon - et comme le concept qui structure un domaine.

Aussi, je vais faire une équivalence - jugée insolente ou désinvolte - entre une pratique culinaire et une pratique intellectuelle.


La pratique culinaire ... Je le dis franchement : je n'aime pas quand le poids ou la volaille sont débités en petits morceaux, où il y a mélange de la chair et de l'os. Je sais que cette réticence est liée à la culture européenne qui dissocie la chair et les os. Les os sont offerts aux Dieux, et la chair cuite est destinée aux hommes.

Ce que j'y perds, comme gourmet, c'est dans un poulet, la différence entre la chair onctueuse d'une cuisse et la chair dense d'un blanc. Débiter un poulet en petits morceaux, c'est oublier la présence de l'ossature comme articulation, comme système d'articulations permettant le mouvement.

Le problème du "Principe Unique"

Ce blog se donne comme nom "Chine Immortelle". Ce nom est en fait ironique. C'est une question que je pose : "qu'est-ce qui fait que dans la culture chinoise, le thème de l'immortalité est un thème central, récurrent, obsédant ?". Il semblerait que l'immortalité humaine - l'immortalité de l'Empereur jaune qui vécu il y a 3000 ans - soit la manifestation physique d'une dualité réussie.

Le site Chine Eternelle 永恒中国 , promouvant la culture chinoise traditionnelle, fait l'éloge du principe unique, qui est à la fois GLOBALITE et DUALITE :

"Dans la tradition chinoise, rien n'existe qu'il ne fasse partie d'un tout.Ainsi l'univers n'est qu'un immense organisme. Chaque fonction est reliée à une autre et a un sens. Elle appartient à une globalité.D'autre part les chinois ont toujours eu un sens aigu d'une certaine observation, que je qualifierais de dynamique. En effet elle tient compte des changements des mutations et non pas seulement d'un état statique."

"Malgré son apparente complexité, le monde qui nous entoure est en réalité animé seulement par deux forces, ou plutôt par une unique force ayant une double apparence, comme la face et le dos ou le haut et le bas.
Au-delà de la multiplicité des phénomènes, de croyances contradictoires et de connaissances partielles, il existe un principe unique, facilement vérifiable et que tout le monde peut constater, c'est la dichotomie totale de l'univers. Cette dichotomie se manifeste en premier lieu par la coexistence intangible du visible et de l'invisible. La scission à l'origine de toutes choses se retrouve dans les phénomènes d'alternance : le jour et la nuit, le mouvement et le repos, le flux et le reflux, etc…

Cet aspect nous apparaît également dans les systèmes duals : positif-négatif, chaud-froid, féminin-masculin, acide-alcalin, vie-mort, bien-mal, etc. Voilà pourquoi un seul principe explique tout l'univers, ce qui ne veut pas dire qu'il n'y a qu'une seule loi mais qu'une seule permet de comprendre toutes les autres."

En pratique, tout devient alors une question de dosage. Par exemple : dans un plat, il s'agirait d'équilibrer l'acide et l'alcalin.

Dans le site ptitchef.com nous lisons ces conseils pour .. Contrôler l'équilibre acide-base de son organisme

"Quand l'acidité augmente, le corps est plus sensible aux infections, aux douleurs diffuses et la sensation de fatigue est plus importante. Naturellement le PH des cellules du sang du corps humain est de 7,4. C'est à dire légèrement alcalin puisque ce PH dépasse 7 qui est le PH neutre, intermédiaire entre le PH d'un milieu alcalin ou basique (sup 7) et le PH d'un milieu acide (inf 7). Parmi les aliments acides, on compte les viandes, poissons, œufs, le sucre raffiné, les boissons excitantes, l'alcool, les légumineuses, les produits laitiers et les céréales. Le stress quotidien et le manque d'exercice sont aussi responsables d'une acidification de l'organisme, liée au taux d?une hormone : le cortisol.

Si on ingère trop d'aliments acides, l'organisme doit compenser cet excès d'acidité pour maintenir le PH du sang à 7,4 en utilisant ses réserves en bases, par exemple le calcium des os. Ce rétablissement du PH réclame beaucoup d'énergie à l'organisme, ce qui le fatigue et le fragilise. Il est donc conseillé de limiter sa consommation d'aliments acides et d'aider l'organisme dans le maintien du PH du sang à 7,4 en privilégiant les aliments alcalins comme les légumes verts, les légumes secs, les fruits mûrs, les bananes..."

Estimation de la charge acide des aliments

Un repas composé d'un steak, de pâtes avec du parmesan, d'un peu de fromage et d'un dessert sucré, est très acidifiant. Alors que les épinards qui ont un PRAL élevé (indice qui mesure le potentiel acide ou base de chaque aliment) permettent d'équilibrer un repas. Des associations d'aliments comme un féculent (riz ou purée) avec un yaourt sucré en dessert sont très fortement déconseillées si on veut rétablir l'équilibre acide-base de son organisme. Pour favoriser cet équilibre, il est conseillé de diminuer l'apport d'aliments acides ou acidifiants, d'augmenter l'apport d'aliments alcalins, de manger lentement, consciemment, dans le calme et en mâchant bien les aliments, de se promener en la forêt ou en montagne, de pratiquer des activités sportives douces..."

C'est une pratique, oui. Mais la pratique ne suffit pas ! Il a fallu le concept de pH qui considère l'acidité et l'alcalinité dans une une échelle unique :


Qu'est-ce que le pH?

Le pH est une mesure de l'acidité (H +) ou la basicité (OH -) (alcalinité) d'une solution particulière.

pH est techniquement définie comme le logarithme négatif de la concentration en ions hydrogène, symbolisée par pH =- log [H +]. Elle a été introduite pour éviter d'écrire la molarité (moles d'ions d'hydrogène par litre de solution) d'une solution d'une manière maladroite. Par exemple, une solution avec 0.00000007 M d'ions d'hydrogène peut être écrit comme une solution à pH 7. La notion de pH a été décrite par le biochimiste danois appelé Søren Peder Lauritz Sørensen.

Un diagnostic d'absence des médiations

Pour un esprit occidental, les opérations de juxtaposition et de segmentation ne sont pas suffisantes. Nous avons besoin de concept. Nous recherchons des processus dialectique qui induisent des médiations et des confrontations. Par exemple :
- médiation entre le conformisme à la communauté (Phénix) et la transformation collective de la Loi (Dragon)
- médiation entre la conformation passive à tous les signes qui arrivent et de son propre devenir Bouddha

Nous ne trouvons que rarement ces médiations.

Les artistes comme médiateurs

Parfois, il y a des œuvres qui frayent un chemin vers la médiation.

Par exemple, en juin dernier, à Canton, dans une exposition dans le musée d'art moderne, j'ai photographié très vite cette succession d'esquisses et de tableaux où un homme se transforme et devient fer de lance pour un groupe. [Merci de me donner le nom de l'artiste].




Autre exemple, dans la même exposition, la problématique des os est bien posée par ce face à face de deux dessins : à droite, ne jeune fille aux formes harmonieuses, appétissante, et à coté, la même jeune femme où est visible son ossature et son système d'articulation. [Merci de me donner le nom de l'artiste].


Je ne connais pas l'intention de l'artiste. Mais ces deux dessins juxtaposés sont troublants.

Notons que pour les Miao, les montagnes sont les "os du monde".

Récemment, un artiste chinois, Yang Yonglianga eu les faveurs de la communauté artistique mondiale avec ce tableau où les montagnes se révèlent construites par la main de l'homme : on y voit des grues et des pylônes électriques . La thématique traditionnelle "montagne et eau" est transfigurée.

Yang Yongliang : "Shanshui"

Ou encore ce tableau de Zhou Jun où le travail des ouvriers, des "sans papiers" est symbolisé par le rouge des bâches de protection des bâtiments en construction.

Zhou Jun : Scaffolding Series

Ou encore, l'ossature comme tubulures préparant le futur bâtiment :


Zhou Jun : Scaffolding Series

Les médiations symboliques opérées par Deng Xiaoping

Dans les images symboliques de la culture chinoise, les artistes modernes font des opérations qui induisent des médiations entre des termes jusque là juxtaposés. Le corps symbolique de la femme n'est plus l'eau, mais l'ossature. Le corps symbolique de la montagne se nourrit du travail de millions de travailleurs et d'ingénieurs. Le bâtiment n'est plus emblématisé par un Phénix, mais par le rouge des travailleurs.

Au début du siècle, la Chine était un pays divisé, proie des grandes puissance impérialistes. Tous les chinois s'accordent pour dire que le maître d'ouvrage de la Chine moderne grande puissance économique a été Deng Xiaoping.

Je suggère que Deng Xiaoping a, par ses fameuses formules, opéré des médiations symboliques qui ont introduit des tensions et des dynamiques là où il n'y avait que des juxtapositions.

Nous allons nous livrer à ce jeu : replacer les formules de Deng Xiaoping dans la matrice qui figure en tête de ce message.

« Un seul pays, deux systèmes. »,
« Peu importe que le chat soit gris ou noir pourvu qu'il attrape les souris.»
« Le Parti Communiste Chinois doit être le seul guide politique de la Chine.»

Faisons le en deux temps :

1/ Distribuons les éléments dans les quatre cases de la matrice de façon conforme à la tradition

- le codage Yin Yang = il y a des codes à déchiffrer qui parle des opposés et de l'unité globale
- le Phénix = l'unité du pays
- le Dragon = la performance économique
- les incarnations de l'esprit = les leadership du Parti Communiste Chinois


2/ Mettons en tensions et en interactions ces éléments :

- l'unité globale n'est pas une entité abstraite mais un pays concret : la Chine
- le Phénix doit rassembler la dualité de deux systèmes à priori non complémentaires, le capitalisme et le communisme
- le Dragon, ligne d'un groupe d'hommes imposant leur loi, se réfère à la Loi élaboré par les centaines de milliers de membres du PCC
- chaque membre du PCC doit s'impliquer dans la réussite de la performance économique

Nous obtenons alors cette matrice des énergies symboliques, matrice qui propose un Surcodage qui facilite la dynamisme capitaliste. De quelle manière ? Je suggère deux temps logiques :
* 1er temps : le Surcodage ramène toutes les qualités à l'opposition fondamentale Yang /Yin. Cela revient à jeter un voile sur toutes les qualités qui ne relèvent pas directement de ces oppositions, et sur les Objets en général. Du coup, beaucoup d'actions ne sont pas dites "conformes", ou si elles sont conformes, elles le sont en insistant sur les inégalités (par exemple, homme/femme, garçon/fille, citadin/paysan, avec papier/sans papier)

* 2ème temps : les flux différentiels capitalistes peuvent alors s'emparer de ces inégalités, les exploiter, les amplifier. Comme les autres Qualités, comme les Objets en général sont sont le "voile du surcodage", rien ne freine les cycles capitaliste d'extraction des différentes plus-values.

Ce schéma tente de figurer cet "effet de voile" :

jeudi 28 octobre 2010

Approche du capitalisme à la Chinoise

Bilan des messages précédents

Dans le message précédent, l'analyse des manuels expliquant "L'Art de la Chambre à coucher" s'est conclu par le constat d'une dissymétrie entre les Qualités et les Objets. Les Objets-femmes sont considérées dans leur spécificités singulières une fois que la relation sexuelle est cadrée par la manifestation de l'Autorité du Maître de maison.

Je propose ce schéma où les deux natures d'action (Action de préparation + Action Conforme) sont comme déformées par cette minimisation des différences singularisant les femmes.

Cette manifestation de l'Autorité masculine s'organise par la dichotomie entre le Yin et le Yang. Cependant, il apparait que l'union du Yin et du Yang est différente selon les sexes.

L'homme est conçu  comme double : il est pourvu d'un circuit magique féminin, qui double le circuit masculin de la semence. L'Homme est supérieur à la Femme, en tant qu'il est Homme et Femme, et donc capable d'enfanter un Enfant magique.

Cet enfant magique - qui est mâle - sert donc de norme à l'enfant réel enfanté par la femme. Cette norme magique explique pourquoi l'enfant fille est systématiquement dévalué dans la culture asiatique. Cette dévaluation va jusqu'à la destruction de l'embryon fille. Dans un précédent message, nous avons analysé ce mécanisme mis en scène dans le film " The HouseMaid ".

En compensation, il est proposé aux femmes une hiérarchie : première épouse, seconde épouse, première concubine, seconde concubine, etc.. Au sein de la Maison  du Maître, il est également proposé un jardin où est figuré l'Harmonie du Yin-Nature et du Yang-Énergie solaire. Les relations entre individus sont donc médiatisées par deux grands blocs très normalisés.

Voici un schéma synthétisant notre analyse.

Entrée en scène de Gilles Deleuze

Ce résultat de cette analyse m'a amené à évoquer la théorie de Gilles Deleuze qui distingue deux principaux régimes de fonctionnement des sociétés. L'un de ces régimes est caractérisé par le "Sur codage des codes et le contrôle des flux", l'autre régime par une "Multiplicité des codages et l'exploitation des différentiels entre flux".

Tout d'abord, ce que dit Gilles Deleuze du "Surcodage des codes" dans son cours de 1972 à Vincennes :

"Dans une société, il y a des chaînes à tous les bouts, il n'y a pas une seule chaîne, un signifiant majeur, c'est comme une bande où il y a des tas de trucs qui passent, puis un fragment intercepte un autre fragment; il y avait une chaîne, une chaîne signifiante, puis elle intercepte un fragment d'une autre chaîne signifiante.

Par exemple : il y a une orchidée et cette orchidée, dans sa fleur, elle forme un merveilleux dessin de guêpe, bien plus, elle forme les deux corps, bizarre, dans la chaîne phylogénique de l'orchidée, un tout autre fragment de chaîne est pris : une guêpe - il y a un biologiste qui s'occupe de ça et il appelle ça "évolution a parallèle" -, voilà que la chaîne signifiante de la guêpe où le code de la guêpe et le code de l'orchidée, tout d'un coup, se percutent. L'orchidée forme un dessin de guêpe femelle au point où la guêpe mâle se trompe et va sur l'orchidée croyant trouver une guêpe femelle. C'est un fameux court-circuitage, une fameuse interception de deux chaînes; je dirais que dans cette région, il y a une plus-value de code; c'est comme un code animé, une espèce de bio-code, y saute sur un fragment, d'un tout autre code, il se l'approprie, voilà que l'orchidée se met à faire des dessins de guêpe femelle.

Dans les formations sociales non capitalistes, la plus-value est une plus value de code. Par exemple, il y a une plus-value féodale, il y a une plus-value despotique."

Ce qui est étonnant, avec cette exemple de l'orchidée, est la similitude avec la conception traditionnelle asiatique de l'homme. L'homme asiatique est attiré dans son propre corps par la figuration d'une "image de femme".

Quel est l'enjeu de ce surcodage ? Il s'agit de maîtriser, d'éviter l'inondation.

"Toutes les formations sociales avaient cette peur là, que les flux se décodent et se déterritorialisent. La prière des formations sociales c'était : mon Dieu épargnez-nous le déluge, mon Dieu faites que quelque chose ne coule pas; et tout le désir était en jeu et tous les investissements libidinaux de la société étaient en jeu : faites que cet horreur ne se produise pas, faites que l'innommable ne se produise pas, à savoir des flux qui couleraient sans codes ou qui couleraient sans terres."

L'horreur de l'inondation









Le surcodage est une digue qui protège contre les inondations, la famine, la guerre, le pillage, le viol.


Le capitalisme : la multiplicité des flux

Gilles Deleuze propose une triangulation :
"Avec le capitalisme, quel est le grand renversement ? Avec le capitalisme il n'y a plus de plus-value de code.
Il y a une conversion de la plus-value : la plus-value cesse d'être une plus-value de code pour devenir une plus-value de flux. Une détermination du capitalisme ce n'est pas l'existence de la plus-value - car encore une fois elle existe avant - , c'est la mutation de la plus-value de code en plus-value de flux.
La plus-value de flux c'est le résultat du rapport différentiel entre différents types de flux.
* A  partir du travail humain, il y a un rapport différentiel flux de capital/flux de travail, qui est générateur d'une plus-value dite humaine
* A partir des innovations, il y a un rapport différentiel flux de marché/flux d'innovation, qui est générateur d'une plus-value dite machinique.
* A partir des revenus, il y a un rapport différentiel flux de financement/flux de revenus qui est générateur d'une plus-value dite financière."


Figurons cette triangulation des flux avec le schéma suivant :

 Dans le capitalisme, aux flux de base sont associés des flux vecteurs de différence. Par exemple, le  flux des innovations déplacent le flux des marchés des produits. Il faut que les produits meurent pour que d'autres produits arrivent.

Dans la société capitaliste, un flux est décisif : le financement de l'avenir. La thèse de Gilles Deleuze est provocante. Pour que le triangle se boucle, il faut que le financement se garantisse par une différence entre les territoires. Pour que la plus-value se fasse, il le capitalisme a besoin d'un nouveau territoire où le travail humain est exploitable à des coûts moindres.

Et dans les anciens territoires, le capitalisme a besoin de détruire ce qui a été construit. Le capitalisme a besoin de détruire les valeurs qui ont été construites.

Cette analyse a une force explicative lorsque l'on regarde la situation économique mondiale actuelle. D'un coté, des cohortes de travailleurs sont payés quelques euros en Chine, en Inde, au Brésil pour des conditions de travail éprouvantes, tandis que l'autre coté, l'Europe et les États Unis détruisent les emplois bien payés dans leurs usines.

Ce qui est stimulant pour la réflexion est la remise en cause des argumentations paresseuses : le progrès technique et l'innovation amèneraient le progrès social pour tous. Pas du tout : le flux de progrès est croissant pour quelques uns et décroissant pour tous les autres. Et les territoires élus par le progrès relatif tournent .. Par contre, ceux qui détiennent le pouvoir de financement s'enrichissent de plus en plus.

La Chine : le Surcodage par la tradition facilite la multiplicité des flux capitalistes

Il est difficile de contester la pertinence de cette analyse du capitalisme par Gilles Deleuze.

Par contre, je suis critique par rapport à son séquencement historique : d'abord il y aurait les sociétés du surcodage (société despotique, société féodale) puis viendrait la société de la multiplicité des flux (société capitaliste)

La Chine montre comment le surcodage culturel facilite la multiplicité des flux capitalistes. Pour qu'il y ait multiplicité des flux, induction de différentiel sur ces flux, il faut qu'il ait destruction de valeur. Or, il d'autant plus facile de détruire les valeurs que ces valeurs sont ignorées. Ou plutôt, pour parler comme les sociologues que les valeurs ne sont pas légitimes.

Considérons ces extraordinaires paradoxes :

- la Chine célèbre l'Art des jardins mais est un territoire ou la déforestation est la plus grande
- l'Eau est valorisé par le Dragon mais les rivières et les fleuves chinois sont pollués à des concentrations toxiques très élevées
- manger des plats sophistiqués en famille et avec des amis est un des grands plaisirs, mais les plantes, les viandes et les poissons sont bourrés de produits chimiques toxiques

Le lait est vicié par des hormones. Les jouets sont dangereux. Par défaut de soin dans la conception, les écoles s'écroulent, les ponts aussi. Les immeubles s'affaissent en cours de construction.




Les paysans venant construire les villes et les usines restent sans droits et habitent des baraquement de fortune. Des ouvriers fabriquant l'i-phone se suicident.

Des millions de paysans travailleurs et de femmes connaissent ce qu'en Occident on appelle la "la misère sexuelle" tandis que les "nouveaux riches" vont multiplier les jeunes maîtresses.

Le surcodage des valeurs revient à valoriser quelques valeurs et à ignorer les autres. Cela est d'autant plus facile que la Logique des Objets -  la confrontation avec le fonctionnement réel des Objets dans l'action - est esquivée.

Je pose l'hypothèse que la situation chinoise est aujourd'hui régit par un ajustement, par une mise en complémentarité entre le Surcodage en deux blocs et l' enchainement débridé des flux capitalistes.

Ce sera la matière de notre prochain message. Notamment, nous tenterons d'expliquer comment Deng Xaoping a repris la matrice culturelle traditionnelle, tout en la rendant compatible avec un capitalisme quasi sans brides.

mardi 26 octobre 2010

L'art de la Chambre à coucher : esquisse d'une théorie de l'efficacité

Dans un message précédent, nous nous sommes promenés dans un jardin magique. Magique en ce sens qu'il organise la rencontre entre le Yin et le Yang. Par exemple, un pont permet de passer au dessus d'un étang. Le pont figure le Ciel Yang et l'eau figure la Terre Yin.

Artiste d'origine indienne, Anish Kappor figure cette rencontre du ciel et de la terre dans le paysage urbain de Chicago.


Analyse de la force magique

Le but de la magie vise faire réussir une action. Se promener dans un jardin, rêvasser sur un pont, c'est réussir à faire fusionner en nous le Yin et le Yang. Le corps et l'esprit du promeneur accomplissent ce que suggère l'image du pont sur l'eau. Cependant, pour qu'il y ait force magique, il faut une formule, des mots. Dans le jardin visité à Foshan, un panneau nous invitait à s'installer sur le pont et à lire un poème. Lire un poème sur un pont surplombant l'eau : nous faisons vivre en nous l'Harmonie.

Il y a là la suggestion d'une théorie de l'action efficace. Notre action est réussie lorsque une image "pont/eau" guide notre corps et qu'un poème distille dans notre esprit la force de l'harmonie.
Cette action réussie suppose une double préparation : préparer les Objets afin qu'ils fassent "image" et préparer la Qualité afin qu'elle soit "formule se diffusant dans l'esprit". Cependant, cela suppose une succession de deux natures d'action : 1/ l'action de préparation et 2/ l'action d'accomplissement. Cela nous ramène au Tao/Dao qui met l'action sur la qualité de la marche dans la conduite de nos actions

Première esquisse d'un schéma de l'action réussie


Le Tao/Dao met l'accent sur la démarche. Quelle est la bonne démarche pour conduire l'action ? D'abord, il faut une finalité à l'action. L'action doit se donner une norme de jugement interne concrétisant la Qualité qui est visée.

Ensuite, l'action où apparait la Qualité visée doit être préparée par une ou plusieurs actions préalables. Suivre une démarche, ce n'est donc pas seulement enchainer des actions de même nature selon une mise en rang. C'est distinguer entre deux catégories d'action :

1/ l'action jugée conforme à la Qualité visée : "l'Action Conforme"
2/ la ou les actions de préparation du contexte de l'Action Conforme : nous nommerons ces action, "l'Action Préparation"

Préparer la réussite de l'Action Conforme, c'est mettre en place les Objets nécessaires à l'action et attribuer à chacun la Qualité facilitant l'Action Conforme.

J'introduis un schéma de base explicitant les relations entre Qualité Finale, Objet, Qualité de l'objet, Action de préparation, Action conforme, Sujet de l'Action conforme.


Ce schéma peut être complété par le positionnement de l'Image par rapport à l'Objet et de la Formule par rapport à la Qualité

Cependant, nous ne considérons la réussite de l'action que rapport à une Qualité Finale. Si nous exploitons les potentialités du schéma précédent, nous pouvons poser l'existence d'une Logique de l'Objet qui viendrait équilibrer la dimension qualitative.
De faon à équilibrer la Qualité, introduire en seconde dimension,  la Logique de l'Objet, permet de cerner la dimension du magique. Je fais l'hypothèse que l'efficacité magique ne s'appuie que sur la dimension Qualité et ne considère les Objets que lorsqu'ils sont les reflets des Qualités.

Le divorce de l'Objet et de la Qualité

Dans le jardin, arbres, pierres, constructions présentent des spécificités biologiques et physiques. Mais la logique de ces spécificités est minorée. Ce qui est retenu, c'est la capacité d'un arbre a se développer artistiquement dans une taille réduite, c'est l'apparence d'une pierre creusée par du vide.

Je ne cache pas une certaine lassitude  à la confirmation de l'union du Yin et du Yang à propos de n'importe quelle matière ou organisme vivant. A coté du Yin et du Yang, les chinois se donnent comme idoles d'autres qualités magiques : par exemple le chiffre 8.

On pourrait ici parler d'une passivité de la culture chinoise à propos de ces soumissions à ces images, ces formules, ces chiffres magiques.

A ma lassitude envers l'action magique, il apparait évident de m'opposer l'habileté technique des artisans chinois pour le passé, et l'essor technologique et économique de la Chine contemporaine pour le présent et le futur.

Je pose le diagnostic d'une dissociation. D'un coté, les logiques propres des Objets sont ignorées au regard de Qualités activées par l'action magique. De l'autre coté, les logiques des Objets sont découvertes par tâtonnements empiriques, par expérimentation. Le philosophe Gilles Deleuze qualifierait de schizophrène, de schizoïde la culture chinoise. Est qualifiée de schizoïde une personnalité qui est dissociée en deux personnalités distinctes, l'une ignorant le comportement de l'autre. 

Pour Gilles Deleuze, étant donné le diagnostic de la culture chinoise comme culture schizoïde, le développement actuel de économie chinoise dans la modalité du couplage socialisme/capitalisme serait absolument logique. Nous posons cette citation à titre de suggestion : " La production du Schizo, c'est la production fondamentale du capitalisme".

Cela reviendrait à dire que l'action magique faciliterait le développement du capitalisme. La croyance en la magie fait oublier les conditions concrètes de la production et de la consommation. A titre d'exemple, rappelons ce précepte du marketing : " la valeur (au sens de prix) d'un produit, c'est la valeur que lui attribue le désir du client ". C'est le désir créé par la marque qui fait la prix et non la valeur économique réelle. Ainsi, un jean fabriqué pour quelques euros dans un atelier chinois sera vendu plus de 100 euros dans une boutique européenne.

Dans un prochain message, nous reviendrons sur la schizoïdie de la culture chinoise et l'essor d'un capitalisme à la chinoise. En attendant ce message, je suggère cette transcription d'un cours de Gilles Deleuze : Discussion sur la schizophrénie

Pour aborder cette dissociation entre les logiques des Objets et le système de la Qualité Finale, nous revenons sur un sujet déjà traité plusieurs fois ici : la sexualité féminine, mise au service de la sexualité masculine.

Plusieurs fois, j'ai lu dans les manuels contemporains sur les techniques sexuelles de la Chine ou de l'Inde antique qu'elles étaient bénéfiques à la femme. Cette assertion est très discutable. On constate en fait que si la femme doit être excitée, doit s'exciter, il faut que cette excitation contribue à la satisfaction sexuelle du Maître et à la garantie d'une descendance légitime.

Je vais examiner comment les techniques sexuelles sont focalisées sur la Qualité et que les dimensions des Objets de l'action - ici le Maître de maison et ses femmes - sont réduites à des adaptations de détail.

La stimulation et l'encadrement de l'excitation féminine

Tenons nous dans le cadre de la maison chinoise traditionnelle. Dans cette maison traditionnelle, une des Qualités finales sera l'autorité du maître de maison. Cette autorité se concrétise par le comportement public de ses femmes et de ses concubines : discrétion, réserve, respect des rites. La culture chinoise pose que cette autorité naît au sein de la Chambre à coucher. Réussir ses relations sexuelles avec les femmes et les concubines, voilà une action conforme à l'autorité du Maitre de maison.

Est-ce que la Qualité demandée à la Femme est la soumission passive ? Pas du tout. La femme doit être une partenaire à part entière : son plaisir, son excitation sont nécessaire à l'excitation du Maître.

Dans les conseils prodigués par les traités de « L'Art de la Chambre à Coucher " il apparait deux formes de préparation de l'excitation d'une femme. D'une part, il y a l'excitation féminine dangereuse : c'est celle qui permet une emprise sur le Maître. En devenant la préférée du Maître, cette femme prend le pouvoir sur les autres femmes.

D'autre part, il y a l'excitation féminine légitime : celle qui permet aux partenaires de respecter les devoirs de l'épouse et du Maître au regard de la Tradition. La Qualité d'une excitation féminine particulière doit montrer qu'elle est similaire à l'excitation féminine en général.

Donc, la préparation selon le Dao de l'excitation d'une femme consistera à mettre sur le même plan toutes les excitations des femmes. Cela consiste pour le Maître de maison à montrer qu'il n'a de préférence pour aucune excitation féminine.

Ceci étant posé, des conseils existent qui traitent du "comment exciter une femme". Il apparait alors que les femmes sont des Objets distincts, car elles ne s'excitent pas de la même façon.

J'approfondis ici un des schémas précédent, focalisé sur la seule dimension de la Qualité en montrant qu'il y a deux formes de préparation :

1/ Une préparation par le choix d'une Qualité : comment donner à voir l'excitation d'une femme
2/ Une préparation par l'adaptation à un Objet : comment s'adapter à la façon dont une femme s'excite


Considérons maintenant les extraits suivants fournis par Robert Van Gulik sur « la Sexualité dans la chine ancienne ».

Dans le premier extrait, la préparation de l'excitation de la nouvelle femme arrivant dans une maison, consiste à neutraliser l'effet de son excitation sur le Maître. C'est une femme comme les autres, juste une femme de plus. La Qualité commune de l'excitation féminine en vue d'un Coucher conforme passe par le caractère public du rapport sexuel : les femmes de la maison assistent à la besogne.

«  A. Épouses et concubines occupent leurs journées surveiller tous les menus travaux du ménage Une fois qu'elles ont pris soin de leur chevelure, qu'elles se sont mis de la poudre et du rouge sur le visage, qu'elles ont fait de la musique et joué aux cartes, elles n'ont rien pour se réjouir le cœur hormis la charnelle compagnie. Aussi est-il du devoir de tout maître de maison éclairé d'acquérir une connaissance complète de l'Art de la Chambre à Coucher, afin d'être capable de donner satisfaction complète à ses femmes chaque fois qu'il s'accouple avec l'une d'elles ...


B. Au bout de la rue, côté est, vit un homme jeune et vigoureux, de mine imposante; ses femmes se disputent du matin au soir et ne l'écoutent pas. A l'autre bout de la rue, côté ouest, vit un grison qui marche le dos voûté; ses femmes font tout leur possible pour le servir et lui obéir. Comment cela s'explique-t-il? La réponse est que ce dernier connaît les secrets subtils de l'Art de la Chambre à Coucher, tandis que le premier en est ignorant.


C. Récemment j'ai entendu parler d'un certain fonctionnaire qui a pris chez lui une nouvelle concubine. Avec elle il s'est enfermé à clef derrière les doubles portes et ne s'est pas montré de trois jours. Cette conduite a exaspéré violemment toutes ses épouses et concubines. En vérité, voilà la mauvaise manière (de présenter une nouvelle femme dans la maisonnée). La bonne méthode, c'est que l'homme maîtrise son désir, et que sur le moment il n'approche pas la nouvelle venue, concentrant son attention sur les autres. Chaque fois qu'il commerce charnellement avec ses autres femmes, il doit dire à la nouvelle venue de se tenir au garde-à-vous à côté de la couche d'ivoire. Puis, après quatre ou cinq nuits de cet exercice, il peut s'accoupler pour la première fois avec la nouvelle venue, mais seulement en présence de son épouse principale et des autres concubines. Tel est le principe fondamental de l'harmonie et du bonheur qu'un homme souhaite pour ses appartements.»

 Ainsi, cela explique pourquoi dans les estampes chinoises, une femme ou plusieurs femmes assistent aux ébats de leur Maître avec une partenaire, et plus précisément prépare la partenaire au rapport sexuel. Par exemple, cette estampe.



On comprend que dans cette condition de publicité, l'excitation féminine peut être difficile à venir. Alors, les traités donnent des conseils pour s'adapter aux caractéristiques de chaque femme. Dans ce cas, la femme est considéré comme un Objet distinct d'un autre Objet. L'action n'est plus magique : elle passe par un questionnement empirique. Chaque femme a en effet besoin d'une stimulation qui lui est propre.

« Les sentiments de la femme se tiennent profondément cachés. Comment les éveiller et comment reconnaître qu'ils sont éveillés? Pour les éveiller, il faut suivre la méthode qui consiste à servir tout d'abord une liqueur légère à celui qui désire une boisson forte. Les femmes affectueuses, on doit les rendre plus tendres encore par de doux entretiens; on doit exciter les femmes avides par des présents coûteux; on doit allumer les libidineuses par la vue du membre en érection. Il n'est point de principe constant qui gouverne naturellement les sentiments de la femme : ce qu'elles ont sous les yeux n'a jamais de peine à les persuader.»

Concrétisons notre schéma par les deux extraits précédents :

 Des textes détruits et retrouvés, des textes survivants

A propos du second extrait, il faut souligner que les textes traitant de ces conseils pour la chambre à coucher sont des textes qui sont en fait des textes qui ont été détruits en Chine, et préservés au Japon. Ce sont des textes survivants. Apparemment, ces textes sont inconnus des chinois, des femmes et des hommes chinois.

Je pense que cette impossibilité de relire sa propre culture contribue à la méconnaissance des enjeux de l'évolution contemporaine de la culture chinoise.:

« …Examinons à présent le troisième traité Ming, le Tz' e-kin-koang yue-ta-hsien-hsieo-tchen-yen-yi, que l'on abrégera en Hsieo¬tchen-yen-yi. Le titre complet signifie : « Exposé de la Signification de la Culture de la Vérité, par le Grand Immortel de la Splendeur Pourpre et Or ». Autrement dit, l'auteur de ce texte serait TENG Hsi-hsien, qui écrivit le commentaire du Ki-ki-tchen-king.
Ce texte a survécu 1°, dans une édition originale Ming, tirée en bleu sur un long rouleau horizontal, et datée de 1598. Elle est conservée dans la collection de M. K. SHIBUI à Tokyo. - 2°, dans la réimpression japonaise Po-tchan-pi-cheng déjà men¬tionnée. - 3°, dans une copie manuscrite japonaise, sous la même reliure que le Sou-nu-miao-loen, analysé ci-dessus. - 4°, la réimpression en caractères mobiles, qui date de 1910, et qui contient aussi le Ki-ki-tchen-king.


« Le texte s'ouvre sur une préface signée de TENG Hsi-hsien, où l'on peut lire :
Sous la dynastie Han, dans la troisième année de l'ère Yuan-foug (c'est-à-dire 108 av. J.-C.), WOU Hsien offrit à l'empereur Wou le « Mémoire sur la Signification de la Culture de la Vérité », mais hélas l'Empereur ne put faire usage de ce livre. Voici le traité parvenu à ce siècle tardif. Tout un chacun, s'il peut mettre en pratique l'art ici exposé, ne serait-ce qu'un petit peu, fortifiera par là son corps et prolongera sa vie. Et s'il l'applique dans le dessein d'obtenir une descendance, il engendrera des enfants qui seront sages et qui se laisseront élever facilement. Toutefois, il y a certaines choses qu'il faut éviter, et d'autres qui sont tabou. Il faut commencer par en être au fait; c'est seulement ensuite que l'on pourra procéder selon l'ordre indiqué. J'ai formulé la signification de cet art en vingt chapitres, divisant le processus et établissant la succession correcte (de ces diverses étapes), de telle sorte qu'en suivant cette succession, on parvienne au résultat certain. Si l'on se tient fidèlement à cette succession, le bon résultat se réalisera sans faute. Les adeptes qui cultivent la Vérité posséderont cet art facilement.


Wou Hsien, « Le Sorcier Hsien », est un personnage mythique, visiblement confondu ici avec Wou Yen, dont le Sou-nu-king nous dit qu'il initia l'empereur Wou (cf. ci-dessus p. 178-179).


Les chapitres l et II de ce texte exposent ce qu'il faut éviter et ce qui est tabou, ainsi que la préface l'annonçait. Ils disent quelles sont les femmes avec lesquelles il faut éviter de commercer, et les circonstances qui ne conviennent pas à l'acte sexuel; par exemple quand l'homme est ivre, ou quand il se sent faible et las. Le chapitre III nous dit pourquoi l'Art de la Chambre à Coucher, bienfaisant aux personnes qui en possèdent les secrets, peut nuire aux personnes inexpérimentées, et même les tuer. Le chapitre IV campe la partenaire féminine idéale, et la désigne d'un terme spécial, poo-ting, le « Creuset Précieux» des taoïstes. »


Les chapitres V, VI et VII énumèrent les divers signes auxquels on connaît que l'homme et la femme sont dans la condition requise pour l'acte sexuel, et ressemble en ceci aux sections X et XI de l' Yi-hsin-fang.


Le chapitre VII expose les diverses méthodes par lesquelles on peut exciter la concupiscence de la femme, et en décrit les réactions. Ce passage s'ouvre sur un aperçu de la sensibilité féminine. »

vendredi 22 octobre 2010

L'acte sexuel comme pénétration magique de la femme Yin dans l'homme Yang

 Pourquoi le pont chinois est-il un pont magique ? 

Le pont est pierre, passage sur l'eau. Imposition du Yang comme passage sur l'étendue Yin.

 Le site paristimes.net  présentant la symbolique chinoise interprète le pont ainsi :
"Les ponts sont souvent en demi-cercle, en arc-en-ciel, ce pont qui relie la Terre au Ciel. Avec le reflet de l'eau, le cercle se complète, devient Ciel. Le pont, c'est le symbole horizontal complémentaire de celui, vertical, de la pierre dressée ou du pilier d'architecture. Bien sûr le pont a pour première fonction de relier deux rives en franchissant une rivière. Mais symboliquement, le pont est une voie resserrée, un passage obligé qui conduit vers une autre étape de la vie. Et passer d'une rive à une autre, d'un état d'être à un autre, c'est aussi couper un courant, ce qui n'est pas toujours sans risque !"

Mais cela ne suffit pas, pour qu'il y ait force magique, il faut que le pont soit image. Voyons cette photo : dans enchevêtrement urbain, le pont traditionnel fait "image", en se découpant son propre cadre.

 
Ce pont est déclaré magique car à cette image s'associe un poème. Par exemple, un fugitif songe que jamais il ne pourra emprunter les ponts qui mènent à une ville.

Le fugitif1

A l’heure où le soleil va se cacher à l’horizon derrière les mûriers et les ormes,
Je me mettais en marche, inondé de lumière par ses derniers rayons ;
J’allais, parcourant le tableau changeant des montagnes et des rivières,
Et tout à coup je me suis trouvé sous un autre ciel.
Devant mes yeux passent toujours de nouveaux peuples et de nouvelles familles :
Mais, hélas ! mon pauvre village ne se montre pas !
Tandis que le grand Kiang pousse vers l’Orient des flots rapides que rien n’arrête,
Les jours de l’exilé s’allongent, et semblent ne plus s’écouler.
La ville à double enceinte2 est remplie de maisons fleuries,
Et, jusqu’au cœur de l’hiver, les arbres y conservent leur verte couleur.
Le mouvement y est incessant ; tout y révèle la cité fameuse,
Où, de toutes parts, les joueurs de flûte remplissent l’air de sons joyeux.
Elle est certainement belle la ville à double enceinte, mais je n’y ai pas un ami dont le toit soit mon refuge.
J’incline la tête ; je contemple vaguement la perfection du fleuve et de ses ponts.
Les oiseaux, quand le soir vient, retrouvent chacun leur tranquille retraite,
Et, pour moi, ce vaste empire n’est plus qu’un immense désert.
La lune naissante ne jette encore qu’une faible lumière 3,
Et de nombreuses étoiles rivalisent avec elle d’éclat.
Depuis les temps anciens, que de fugitifs comme moi ont parcouru la terre étrangère !
Ai-je bien le droit de me plaindre de mes malheurs ?

Finalement, la magie consiste à trois éléments : des mots, une image, un corps ; et en deux opérations :

- associer des mots à une image

- faire vivre cette image dans un corps.

Nous retrouvons ici la méthode précédemment évoquée du charme destiné à fortifier les forces d'un amant fatigué. 
Ci-contre un "Charme" (Fulu) sous la forme d'un papier ou d'un tissu à  brûler puis à dissoudre et à faire boire à l'amant fatigué ...


Des mots sont écrits dans une image. Puis cette image est donnée à manger au corps. C'est comme si , par cette méthode, le corps ingérait la force du mot.

Regardons un jeu pratiqué par une Nounou lors d'un repas donné à des enfants.

L'objectif est de réveiller un appétit défaillant. Aussi la nounou transfigure la nourriture : un spaghetti devient un "ça tourne". L'enfant ne mange plus un spaghetti mais quelque chose qui "tourne". L'enfant ingère une "qualité" dans son corps. Peut-être après, il se sentira fort quand il s'agira de "tourner", par exemple tourner sur un manège.

Le pont, le jardin, au delà de leur matérialité, sont des images. Ce sont des images magiques, car à la condition d'en jouir (rêvasser sur un pont, se promener dans un jardin..), l'utilisateur acquière les qualités inscrites dans ces images.

Cependant, notons ceci, le jardin est une image ou s'inscrit la force de la Nature, de l'Eau, du Yin. C'est du Féminin, agencé par du Masculin. La femme symbolique se donne à jouir, à manger.

La femme comme image magique fécondant l'homme

La technique du retournement de semence peut s'analyser comme une opération magique de fécondation. Pour l'homme, il s'agit d'ingérer dans son corps la force du Yin. Cela revient à une fécondation.

En Occident, nous avons comme représentation de l'acte sexuel, une opération de pénétration de la femme par l'homme.

A l'inverse, les chinois, à la suite des hindous, se représentent l'acte sexuel comme une "pénétration de la femme dans l'homme". Ce qui de la femme entre dans l'homme, c'est la force magique de la femme. Le sexe de l'homme se métamorphoserait en vulve. Puis, il y aurait donc un point de captation, qui serait en quelque chose "l'utérus de l'homme" où se combinerait le Yin et le Yang. Enfin, l'énergie Yin-Yang, Lune-Soleil remonterait vers le cerveau la façon d'un serpent.

Cette transfiguration nous est figurée par une sculpture de l'artiste britannique d'origine indienne Anish Kapoor, sculpture nommée "The slug". On notera la forme vulvaire et la couleur rouge sang de la coupe



Robert Van Gulik suggère que les fameux charmeurs de serpent hindous sont une mémoire de ce fameux serpent, image de la semence à la fois Yin-Yang.

De fait, c'est un peu plus complexe. Revenons alors à la formulation exacte originaire !

Comment atteindre le nirvana en se faisant soi-même un enfant purifié  (et mâle) ?

De Robert Van Gulik « La vie sexuelle dans la chine ancienne », à propos du mysticisme sexuel indien et chinois

« … La troisième nouveauté apportée par le Vajrayâna, c'était un mysticisme sexuel, hautement spécialisé, fondé sur ce principe que l'on pouvait s'unir complètement avec la divinité et atteindre la félicité suprême, par un processus de méditation à base de coitus reservatus. Gardant ce fait présent à l'esprit, que tout homme a en lui un élément féminin, que toute femme a en elle un élément masculin, ils visaient à éveiller l'élément féminin dans le corps du pratiquant, pour y effectuer une sorte de mariage mystique, par lequel ils surmonteraient la dualité sexuelle et parviendraient à l'Idéal de l'hermaphrodite. A leurs yeux en effet, comme-à ceux de à bien des mystiques en d'autres temps et lieux, l'hermaphrodite était la ressemblance humaine la plus proche de la divinité.

Tucci remarque : « le disciple, grâce à l’acte sexuel, reproduit le moment créateur. Mais il ne faut pas que l'acte s'exécute jusqu’à ses conséquences naturelles ; il doit être maîtrisé par le pranayama (la méthode de rétention du souffle de l'ancien Yoga, R. v. G.), de telle manière que la semence rebrousse chemin, ne coulant pas vers le bas, mais refluant vers le haut, jusqu'à atteindre le sommet de la tête, et de là s'évanouir dans la source incréée du Tout » (TPS, p. 242).

Au principe de ce procédé se trouve la théorie vajrayanique selon laquelle le dualisme sexuel du corps humain réside en deux réseaux nerveux courant le  long de la moelle épinière, à droite et à gauche, nommés respectivement lalana et rasanâ. Lalanâ est femelle, et représente l'énergie créatrice femelle (sakti), la mère; les ovules (rakta, « le rouge »), la série des voyelles et correspond à la lune; définitivement sublimée, c’est le vide (sünyatâ), et aussi-la gnose (prajna). En revanche, rasanâ est mâle, énergie créatrice mâle (purusa), père, semence (sukra), séries des consonnes (kali), et correspond au soleil; définitivement sublimé, c’est la compassion (karunâ), et aussi la praxis (upaya). Aussi longtemps que ce dualisme existe au sein de l'homme, il demeure pris dans le samsâra, la « chaîne des renaissances », et séparé de la divinité.

Afin de surmonter ce dualisme, le pratiquant, uni dans une étreinte sexuelle réelle ou imaginaire avec une partenaire féminine, se concentre sur la pensée-bodhi (bodhicitta), qui réside sous forme de germe dans le nirmâna-cakra, centre nerveux des environs du nombril. L'énergie femelle acquise de la femme stimule la bodhicitta de l'homme, se mélange à sa semence activée mais non répandue, pour former une essence nouvelle et puissante appelée désormais bindu, la goutte, ici « semence transmuée». Le bindu se compose de l'essence des cinq éléments (terre, eau, feu, air et éther), tout comme l'embryon humain; de fait, on compare sa formation dans le corps du pratiquant à la conception normale dans l'utérus (cf. ORC, p. 21); le bindu se fraie un passage en perçant la séparation du lalanâ et du rasanâ ; il ouvre un nouveau réseau nerveux, un réseau a-sexué techniquement appelé avadhutika « le purifié » .

Le bindu flambe vers le haut, le long de ce réseau, vers le dharma-cakra, centre nerveux de la région du cœur. De là s'élève encore vers le centre de la forge, sambhoga-cakra, pour atteindre finalement le usnisa-hamala, le « Lotus du sommet de la tête » ; au cours de son ascension, le bindu a confondu ses éléments constitutifs en une seule et homogène splendeur. Dans le usnisa-kamala, cette splendeur provoque l'union parfaite du sunyata et du karunâ, du prajnâ, et de l'upaya, parachevant ainsi l'identification définitive du pratiquant avec la divinité et avec le Vide : c'est un état de félicité éternelle appelé nirvâna, ou encore mahâsukha.


Le stade décisif du processus, c'est le premier, la formation du bindu, qui s'effectue grâce au stimulus reçu de la partenaire érotique. Certains textes la représentent comme une image évoquée à force de concentration et de méditation; avec elle, l'union est une union spirituelle. Cependant, la plupart des textes affirment qu'il faut que ce soit une femme réelle, déclarant tout uniment que « l'état de Bouddha habite l'organe féminin », buddhatuam yosit-yoni-samâsritam (cf. C. BENDALL citant le Subhâsita samgraha, dans Muséon, 1903-1094), et que l'utérus, en fait, est la science, prajnâ (cf. ITB, p. 102 sq. et aussi SM, p. XXXII).

Certains documents disent que cette femme doit être l'épouse du pratiquant, et convenablement initiée; mais selon d'autres, il peut choisir la femme qu'il veut; ils vont même jusqu'à recommander une femme de basse condition ou une paria, candali ou dombi, qui serait particulièrement adaptée à cet usage. A cet égard, il faut noter que le réseau neutre, auadhûtihâ, s'appelle aussi candali ou dombi.

Ce que l'on vient d'exposer prouve que le Vajrayâna s'appuyait de tout son poids sur une pensée plus ancienne, bouddhique et hindoue. Les trois centres nirvâna, dharma et sambhoga proviennent bien entendu des trois kaya (corps mystiques) du Bouddha : et l'élévation de la Bodhicitta fait écho à la doctrine-Mâhayanique du dasabhumi, des dix étapes à franchir pour atteindre l'état de Bouddha, ce qui est en soi une version de la méditation du yoga hindou. Quoi qu'il en soit, la conception du coitus reservatus offrant un raccourci pour parachever l'illumination, c'est là un élément entièrement nouveau, inconnu sous cette forme dans le bouddhisme pré-Vajrayâna.»

Foshan : le jardin magique

A 100 km de Canton - dans la banlieue - Foschan est la capitale mondiale de la fabrication des produits en céramique. La maîtrise de la fabrication et de la teinture de la céramique remonte à l'Antiquité chinoise. L'Art du Feu, l'art du Yang.

L'air est très pollué. Je sens ma peau couverte de milliers de particules fines. Il fait chaud; J'étouffe. Ma femme me suggère : "Allons visiter le jardin de la maison Lian. Cela nous apportera de la fraîcheur et de la nature".

Je songe : "Oui, cette nature apportera de l'énergie Yin qui équilibrera l'énergie Yang".

Nous croisons une colonne sculptée. Le guide de la ville n'en dit pas un mot. Le passé culturel de la Chine, ici encore, reste mystérieux à force de silence.


Annonce de l'entrée de la maison Lian, famille qui autrefois, était richissime !

L'entrée de la maison ..


Dans la cour, des arbres délicatement sculptés : seraient-ce des images de la femme, dont la nature est mise en forme par l'homme ? Ce sont les premiers signes de la Nature que nous cherchons à rencontrer. Ce sont aussi les signes du statut des femmes dont la maison était à la fois la demeure et la prison : taille réduite, croissance agencée par des formes élégantes à l'œil.



La "maison" comporte de multiples bâtiments, entre lesquels on circule via d'étroites courettes.  Voila la porte d'entrée d'un des bâtiments.


Une exposition présente un certain nombre de curiosités.

Curiosité : une roche traversée par du vide


Curiosité : le poisson vit à la fois de la roche et du vide


Curiosité : le roc comme mémoire de la poussée virile


Le guide m'explique la symbolique des pierres :

"Concentré des énergies vitales en Chine, la pierre est image de la montagne, le trait d'union du Ciel et de la Terre. Elle garde dans sa texture les marques des énergies telluriques, en elle circule le souffle vital. Des très grandes pierres destinées aux cours des palais à la plus petite qui trouve sa place sur un guéridon ou dans un bol ornemental, elles se dressent tantôt solitaires, tantôt en groupes, amoncelées pour former une colline, ou sont tout simplement fichées à l'intérieur d'immenses vasques de granit. Pierres et rochers constituent l'ossature du jardin."

Curiosité : la nature comme énergie irrépressible, immortelle


Ce que dit le guide :
"Comme les montagnes et les pierres dressées, l'arbre est une pointe qui touche le Ciel et par laquelle irradient les influences bénéfiques. Les nodosités du tronc et des branches « impriment » le passage du qi. Les pins, les cyprès, les thuyas, suggèrent l'Immortalité."

Derrière la maison un jardin ! Curieuses ouvertures focalisant la vue sur un arbre de taille réduite.


Le guide dit :
"La composition des jardins chinois utilise des procédés tels que « encadrer la vue », « emprunter la vue », et « bloquer la vue ». « Encadrer la vue» consiste à inclure des fenêtres et portes dans le jardin pour donner l’impression de peintures de paysages. Cette idée peut se résumer par la phrase « attraper les couleurs des quatre saisons et capturer les eaux des dix mille mers ». « Emprunter la vue » consiste à placer des objets miniatures dans l’arrière-plan pour recréer la sensation multi-dimensionnelle des grands espaces."


Dans la cour, à l'arrière de la maison, dans le passage vers le jardin, des oiseaux. En Chine, les oiseaux symbolisent le passage entre un lieu et un autre. Et avant tout, les passages essentiels, celui qui mène de la vie à la mort, et de la mort à vie.




Deux futurs couples viennent faire dans le jardin les photos qui célèbrent leur amour.


Avant de se marier, faire des photos dans un jardin porte chance au futur couple !
Le guide dit :

"Le jardin chinois est un lieu par excellence où le peuple chinois exprime sa conception de sa relation avec la société, la culture, la nature, et le cosmos. Entrer dans ce territoire, c'est pénétrer dans sa propre personnalité. Allant au-delà de la forme extérieure pour saisir l'essence du paysage, le jardin est le support du voyage spirituel.

Art sacré comme la peinture ou la poésie, les jardins chinois sont d’abord lieux de magie: l'homme recrée symboliquement une nature idéale, un cosmos miniature dans lequel il peut s'imprégner du rayonnement du qi des éléments environnants et se régénérer jusqu'à retrouver l'état de bonheur originel, en pleine osmose avec le Ciel et la Terre. En son jardin, le Chinois fait en sorte que soient visibles les traces du passage des énergies vitales, dans la composition des éléments naturels (yin): l'eau, la pierre, la végétation, comme dans celle des éléments fabriqués (yang): les pavillons, les murs, les ponts, les socles.

On ne fait pas que s’y promener, on s'y adonne à une foule d'autres activités;: on y étudie, on y fait de la calligraphie, on y peint, on y regarde des antiquités, on y joue de la musique, on y boit du thé, on y récite des poèmes, on y pratique la méditation - seul ou en compagnie d'un ou deux amis -, pour jouir d'un moment de calme à l'écart des tracas de la vie quotidienne.


L'annonce d'un pont magique. A cette occasion, définition de la force magique comme intégration du poème et de l'image, de l'idée et de la chose : "..Its charm is an integration of poem and picture like scenes all around. It is call charming bridge because the book charm before windows, le quin charm in beside hall, the tea charm in a pot, the bell charm under files, the spring charm in the valley, fat and near, all focused on the bridge"".


Où est le pont magique ? Nous le cherchons des yeux ..


Curieux contraste entre le jardin, avec ses feuillages et ses reflets, et la ville où il s'insère, aux bâtiments peu esthétiques, couverts de poussière, aux façades de toutes époques.


Ah, voilà le pont magique, situé à mi-parcours du jardin.


Cadrons l'image du pont


A propos du pont, le guide dit ceci :
"Les ponts sont souvent en demi-cercle, en arc-en-ciel, ce pont qui relie la Terre au Ciel. Avec le reflet de l'eau, le cercle se complète, devient Ciel. Le pont, c'est le symbole horizontal complémentaire de celui, vertical, de la pierre dressée ou du pilier d'architecture. Bien sûr le pont a pour première fonction de relier deux rives en franchissant une rivière. Mais symboliquement, le pont est une voie resserrée, un passage obligé qui conduit vers une autre étape de la vie.

Nous commençons à faire le tour de l'étang ..



Nous croisons d'autres promeneurs, des promeneuses plutôt : des oies


Une photo mettant en scène l'association d'un saule pleureur et d'une jolie femme donne l'occasion à cette dernière recueillir un peu de la magie du lieu ..


Continuons la promenade, dommage que nous ne pouvons disposer des poèmes qui accompagneraient les images qui s'imposent à nos yeux