vendredi 17 février 2012

Une société sans père ni mari. Les Na de Chine



À propos du livre Une société sans père ni mari. Les Na de Chine

 Cai Hua, Presses Universitaires de France, 1997,

Madeleine Caspani-Mosca   www.lacanchine.com

Pour les anthropologues, la famille et le mariage sont le fondement de toute société. Deux grandes théories s’appuient respectivement sur la filiation et sur l’alliance comme étant à la base des structures sociales.

Si on se réfère à la théorie de la descendance, dont Alfred Redcliffe-Brown est la figure la plus représentative, la filiation constitue la donnée essentielle. Son modèle, « la famille élémentaire », crée trois types de relations sociales : entre parents et enfants, entre frères et sœurs et entre mari et femme comme parents des mêmes enfants.

Quant à la théorie de l’alliance, soutenue à la suite de Marcel Mauss par Claude Lévi-Strauss, elle met l’accent sur l’alliance de mariage basée sur l’échange des femmes entre les groupes : « les réseaux transversaux d’alliance ».

Dans son livre Une société sans père ni mari. Les Na de Chine, l’anthropologue Cai Hua présente le cas unique d’une société dont le système de parenté est complètement différent du reste du monde.

Les Na, une minorité ethnique d’environ 30 000 habitants, vivent dans la province du Yunnan, au sud-ouest de la Chine. Agriculteurs dans les montagnes himalayennes, ils cultivent le riz, le blé, l’avoine, le sarrasin, le maïs, le lin, le soja et d’autres légumes. Dans la plupart des maisonnées, on file et on tisse le lin et on brasse la bière.

Leur religion est un mélange de culte des ancêtres et de bouddhisme tibétain.

Entre 1985 et 1992, Cai Hua effectua quatre longs séjours dans cinq villages du bassin de Yongning et apprit la langue des Na. Dans son livre, il retrace leur histoire de la dynastie des Qing (1698-1911) jusqu’à nos jours et analyse aussi bien la stratification sociale que les structures politique et économique.

Le lecteur découvre dans cet ouvrage une société matrilinéaire constituée uniquement de consanguins, sans l’institution du mariage. Sont considérés comme consanguins tous ceux qui partagent le même ancêtre féminin. Ils possèdent traditionnellement le même « os », vecteur des caractères héréditaires. Dans une maisonnée, les relations de base sont celles mère-enfant et frère-sœur. À la naissance, l’enfant fait partie du groupe de sa mère. Frères et sœurs de diverses générations vivent ensemble sous le même toit toute leur vie en travaillant et en élevant les enfants des femmes.

Au sein de chaque matrilignée, il existe deux chefs (dabu), un homme et une femme : « le chef masculin s’occupe des affaires extérieures, le chef féminin se charge des affaires intérieures ». Ils partagent l’autorité, ne jouissent pas de privilèges particuliers mais travaillent plus que les autres. Pour être chef, deux conditions sont requises : compétence et impartialité. L’autorité découle du mérite personnel et la capacité individuelle prime sur tout. Les ascendants ont le devoir de transmettre aux descendants les connaissances morales et techniques, séparément pour les deux sexes : les femmes pour les filles et les hommes pour les garçons.

Dans la société Na, la pratique de la vie sexuelle est libre entre adultes non-consanguins.

Marco Polo avait déjà noté cet usage des Na qui permettaient aux visiteurs et aux étrangers d’avoir des relations sexuelles avec les femmes si elles étaient consentantes.

Trois modalités de pratiques sexuelles sont détaillées par Cai Hua : la visite furtive, la visite ostensible et la cohabitation.

Traditionnellement, tous les Na pratiquent ce qu’ils appellent la relation d’açia ou visite furtive. L’expression indique une rencontre galante qui se déroule à l’insu des adultes de la maisonnée. L’homme s’introduit dans la chambre de la femme vers minuit et repart à l’aube afin que personne ne l’aperçoive. Hommes et femmes jouissent d’une égalité totale, chacun(e) ayant le droit d’accepter ou de refuser la relation qui peut durer une ou plusieurs nuits, des semaines ou des mois… Mais une asymétrie existe tout de même entre les partenaires : c’est toujours l’homme qui rend visite à la femme et non l’inverse.

La liberté sexuelle entre non-consanguins est totale et chacun peut avoir plusieurs açia, même au cours d’une nuit. Il est par conséquent facile d’initier ou de mettre un terme à la relation.

Dans ce réseau de multi-partenariat, la fidélité n’a pas cours et toute tentative de monopoliser un partenaire est jugée stupide et même honteuse : « le village se moquera [d’eux] pour un bon bout de temps ». Le désir de multiplier les partenaires et celui d’en posséder un seul étant incompatibles, c’est le premier qui prévaut dans l’institution de l’açia.

Dans la visite ostensible ou ouverte, l’homme n’est pas obligé d’éviter les membres de la lignée de la femme. Il existe un privilège sexuel mutuel mais les partenaires continuent tout de même à pratiquer la visite furtive en essayant de ne pas se laisser surprendre. Si le partenaire de la femme arrive, le visiteur est prié de partir. Il n’y a pas de contrainte et la durée de cette relation dépend, encore une fois, des sentiments réciproques.

La modalité de la cohabitation implique, elle, que les partenaires passent ensemble non seulement la nuit mais aussi la journée, « partageant le même pot et le même feu », formant ainsi une unité économique. Il existe toujours un privilège sexuel mutuel dont la transgression est réprimandée seulement si elle est découverte.

La cohabitation représente une solution de crise temporaire lorsqu’il manque un membre dans une lignée. Sa fonction - tout comme l’adoption - est celle de pallier à ce manque qui pourrait menacer la survie de la lignée. La cohabitation a donc pour but la perpétuité de la maisonnée et, en dehors de ce contexte, elle est réprouvée, voire interdite.

Comme dans toutes les sociétés, il existe chez les Na la prohibition de l’inceste. Ceux qui sont issus du même ancêtre féminin sont consanguins et la sexualité entre eux est toujours interdite : « Ceux qui mangent dans le même bol et dans la même assiette ne doivent pas s’accoupler ». Tel est le principe d’exclusion sexuelle des consanguins. Le mot “inceste” n’existant pas dans leur vocabulaire, les Na utilisent plutôt des expressions telles que « se conduire comme des animaux » ou « ne pas connaître les règles ». Une particularité étonnante de la prohibition de l’inceste est l’interdiction d’évocation sexuelle. Par l’intermédiaire de leurs ascendants de même sexe, les enfants, dès l’âge de sept ans, apprennent qu’il ne faut pas parler de sexualité, ni même partager affects ou émotions avec les consanguins de sexe opposé. Il en découle que, dans la maisonnée, garçons et filles ne peuvent pas regarder la télévision ensemble car, à tout moment, une scène romantique pourrait apparaître à l’écran. Il leur est également interdit d’être photographiés ensemble ou de parcourir le même chemin pendant la nuit.

La consanguinité constitue ainsi un fait social différent de la consanguinité biologique. La prohibition de l’inceste, pour les consanguins vivant toute leur vie sous le même toit, est renforcée jusqu’à l’interdiction d’évocation sexuelle.

Les croyances des Na au sujet de la procréation s’expriment à travers des métaphores enracinées dans leur vie quotidienne ; métaphores qui, comme les mythes et les légendes, sont transmises oralement car les Na n’ont pas de langage écrit. Leur mythe de la genèse se réfère à une déesse descendue du ciel après un déluge pour cohabiter avec le seul homme survivant.

La croyance selon laquelle « l’os » de la femme transmet les caractères héréditaires, différencie les Na des Han (l’ethnie chinoise majoritaire) et des Tibétains, pour lesquels l’os vient de l’homme et la chair de la femme.

Dans leur logique de représentation du corps, l’enfant provient uniquement de la femme et la mère seule suffit à légitimer la progéniture. Plusieurs métaphores expriment le concept que le rôle de l’homme dans la procréation est seulement celui d’un « arroseur », le fœtus étant déjà constitué dans le ventre maternel. Les Na disent que « si la pluie ne tombe pas du ciel, l’herbe ne peut pas pousser », et ils expliquent que, dans l’accouplement, le but de la femme est d’avoir des enfants et celui de l’homme est à la fois de s’amuser et de faire acte de bienfaisance vis-à-vis de la femme (et de sa lignée) en l’arrosant.

Le mot “père” n’existe pas dans le vocabulaire Na et le géniteur de l’enfant, non seulement n’a pas d’importance mais n’a pas besoin d’être connu. Par conséquent, les hommes n’ont jamais d’enfants issus d’eux-mêmes au sein d’une lignée. L’oncle maternel joue un rôle équivalent à celui du père à l’égard des enfants et les traite de façon équitable, quel que puisse être le géniteur.

Comme il n’y a pas de père dans la société Na, Cai Hua soutient que le complexe d’Œdipe n’est pas universel. Considérons cependant le complexe d’Œdipe tel que Lacan l’a reformulé dans son retour à Freud.

Pour commencer, Lacan introduit la notion de Phallus symbolique. Pour lui, l’enfant perçoit que la mère « n’est pas toute » et cherche à comprendre le désir de la mère. Ce double génitif représente la relation où chaque membre de la dyade tend à combler le désir/manque de l’autre. Toutefois, cette relation complice est brisée par le père qui vient contrecarrer l’aspiration œdipienne. La relation primaire mère-enfant est, certes, primordiale mais, dès le début, c’est une relation à trois qui est en jeu : non seulement la mère et l’enfant, mais le père comme tierce présence — dans le langage de la mère — extérieure à la dyade, prévenant le risque d’une fusion dangereuse. Le renoncement de la part de l’enfant à être la Chose phallique pour la mère est ce que Lacan appelle la Castration. Elle marque la résolution du complexe d’Œdipe.

Ce que l’enfant doit comprendre, c’est que les aspirations maternelles sont elles-mêmes ordonnées par la Loi (Nomos, en grec), appelée par Lacan « le Nom du Père », dans une homophonie entre “nom” et “non” (à l’inceste). Le Nom du Père est représentatif des lois, langage et culture par lesquels une société se maintient. Le père réel tient la place symbolique de cette Loi, il n’est pas identifié avec elle : il est seulement le porte-parole d’un corpus de conventions sociales nommé par Lacan « le grand Autre ».

Le discours de Lacan est fondamentalement métaphorique : ce qui est en jeu c’est l’opération d’un père symbolique — qu’elle soit accomplie littéralement par lui ou par quelqu’un ou quelque chose d’autre. Le Nom du Père, en rapport avec l’Œdipe, est élaboré et se manifeste dans les rites et les rituels qui sont les produits d’une culture. Ils ont pour but de soutenir un certain ordre social, même si, comme dans la société Na, le père est absent.

Chez les Na, le rituel de la puberté, célébré au cours des festivités du Nouvel An, constitue l’événement le plus important de la vie : garçons et filles qui ont eu treize ans dans l’année deviennent membres à part entière de la société.

Voici quelques étapes de ce rituel complexe.

La mère préside pour la fille qui se tient debout à côté du pilier droit de la maison, pilier qui symbole le féminin. La mère (ou la grand-mère) aide la fille à revêtir de nouveaux habits : jupe, veste et ceinture. Avant l’âge de treize ans, garçons et filles sont habillés de la même façon avec une robe en lin. Après les prières, la grand-mère offre un bijou à la fille, tandis que les autres participants lui offrent de l’argent et lui souhaitent prospérité et beaucoup d’enfants. À partir de ce moment, la fille laisse pousser ses cheveux.

Le rituel pour le garçon est présidé par l’oncle ou le grand-oncle maternel. Le garçon se tient à côté du pilier gauche qui symbolise le masculin. L’oncle revêt le garçon d’un pantalon, d’une veste, d’une ceinture, d’un chapeau et d’une paire de bottes. Après le rituel, le garçon tresse une poignée de cheveux sur le crâne en réalisant une natte d’environ 20 cm qui pend derrière ou est gardée sous le chapeau pendant toute sa vie. Dans la conception des Na, c’est un signe de longévité.


À partir de ce moment, garçons et filles acquièrent le droit de participer aux activités sociales… et amoureuses.

Les empereurs Han, suivis par les communistes, ont toujours exercé de fortes pressions économiques et légales pour imposer les schémas familiaux traditionnels aux coutumes Na.

Après 1656, les Qing exigèrent que la chefferie du Zhifu (le chef Na) devienne héréditaire, signifiant par là que le chef était dans l’obligation de se marier pour transmettre la charge à sa progéniture. Mais les Na ont conservé le principe de la consanguinité matrilinéaire et la pratique de la visite furtive, tout en satisfaisant formellement aux exigences de l’Empire. L’institution du mariage du chef, qui créa une stratification tripartite de la société Na, prit fin en 1956 avec l’avènement du Communisme.

Les communistes, persuadés de la supériorité de la monogamie socialiste, tentèrent en vain d’imposer aux Na les « réformes matrimoniales » (1959-1974 et 1980-1990).

En ce qui concerne l’évolution des modalités sexuelles des Na, Cai Hua pense que l’éducation pourrait avoir plus d’influence que les pressions économiques ou légales.

Les Han ont déployé de grands efforts pour diffuser leur culture parmi les Na en leur envoyant des enseignants parlants chinois. Avant 1950, il y avait une seule école élémentaire avec 20 enfants. Il existe actuellement 40 écoles primaires et un collège fréquenté par 600 élèves. Au début, élèves et enseignants ne se comprenaient pas, mais progressivement les enfants Na ont été sinisés. Ils ont appris que le rôle de l’homme dans la procréation n’est pas seulement celui d’un « arroseur » et ont pris conscience de la présence du père partout ailleurs.

Au sujet des conséquences de l’éducation sur la vie sexuelle des Na, nous voudrions souligner l’importance de l’image du corps qui se réfère davantage à une anatomie imaginaire que réelle et à des croyances plus au moins confuses sur le corps et ses fonctions. L’image du corps, qui prévaut dans une culture donnée, a son existence propre, indépendamment de l’éducation ou d’un savoir objectif. À l’état actuel, nous ne savons pas si les croyances des Na sur la procréation sont vulnérables et susceptibles de changer. Des études ultérieures pourraient éclairer cette question et apporter des éléments de réponse.

Conclusion, le fonctionnalisme structurel de Cai Hua tend à explorer les interrelations à travers lesquelles du sens est produit au sein de la culture Na. Il apporte la preuve qu’ils n’ont pas de mariage mais l’affirmation selon laquelle ils n’ont pas de famille nous laisse dubitatifs : nous pensons, au contraire, que les Na ont de très fortes familles matrilinéaires qui assurent des unités économiques à travers l’institution de la “visite”.

Un problème important, qui n’est pas mentionné dans l’ouvrage, est le taux élevé de MST parmi les Na et la diffusion de l’infection à VIH et ses conséquences.

Nous bénéficions d’un compte rendu historique et économique détaillé et d’une étude méthodique du système de parenté avec ses règles, coutumes et pratiques. Cependant, ce contexte anthropologique précis laisse des questions ouvertes en raison d’un texte personnel limité : presque rien n’est dit des sentiments ou des fantasmes personnels et à aucun moment n’est évoquée l’homosexualité.

D’autres pistes d’analyse et de réflexion, non encore explorées, pourraient donc s’ouvrir au chercheur et au lecteur.

vendredi 3 février 2012

Ai Weiwei : nudité du sage, nudité du pouvoir

Grâce au message posté la dernière fois à propos du tantrisme et des pratiques rituelles de mise en circulation de l'énergie, nous pouvons mieux comprendre la portée des rituels conduits par Ai Weiwei avec les personnes qui entrent dans sa proximité spatiale, que ce soit des admirateurs ou des policiers.

Considérons cette image : un homme, une femme faisant l'amour. Une rencontre entre le Yang et le Yin. Une stimulation mutuelle des chakras, afin que l'énergie se réveille et circule.


Relisons ensemble ici un article reproduit du Libération du 1er octobre 2011 en considérant Ai Weiwei comme un taoiste qui entraine les personnes qu'il rencontre dans un "fucking date", un moment d'amour, où, après la mise à nu, les stimulations de l'esprit deviennent possibles.

Contrairement au journaliste de Libération, qui dit que Ai Weiwei "agit contre le pouvoir chinois", il s'agit d'un "agir avec le pouvoir". Ai Weiwei est la femme, le PCC est l'homme. Ils ne font pas l'amour l'un contre l'autre, mais l'un avec l'autre.  Dans la tradition taoiste chinoise, ce n'est pas méprisant d'être la femme. La femme amène avec elle l'énergie Yin. Cf. la fin de ce post la citation de Lao-Tseu.


L'entrelacement des rituels du disciple et du maître

L'article relate la captivité de l'artiste. Il est difficile d'imaginer dans l'intimité de la cellule de prison, la nature des échanges d'énergie entre l'artiste et ses questionneurs et ses surveillants. Mais je fais l'hypothèse que Ai Weiwei a entrelacé, à la façon des rituels tantriques, ses rituels d'exigence de la vérité et de la transparence et les rituels de violence et de mensonge du pouvoir policier. Voilà la clé de l'oeuvre d'Ai Weiwei : l'entrelacement des rituels dissemblables des rituels du maitre et des rituels du disciple.



Dans le Tantra originel, le maître impose son rituel au disciple. Dans le Tantra selon Ai Weiwei, le Tantra est abordé du point de vue du disciple.

Reprenons les étapes menant à la notion de "rituel du disciple". De qui Ai Weiwei est-il le disciple ? Du maître qui est le pouvoir chinois ! Enlacé au maître, le disciple est parcouru par les énergies du maître. Comme tout chinois, Ai Weiwei est nu dans son étreinte avec le pouvoir.

L'enjeu pour le disciple est de se construire ses rituels propres d'émergence et de circulation de ses énergies. Mais, les énergies venant du disciple ne peuvent circuler que si le maître est lui aussi nu.

Les mises à nu du maître

Comment mettre à nu le maître ? Divers procédés existent :
- manifester la vérité des faits contre la vérité officielle, par exemple en listant et nommant les enfants morts sous les toits de leurs écoles pendant le tremblement de terre du Sichuan en 2008
- mettre à nu le sexe du maître, de façon carnavalesque, en enlevant les habits ou en disant que c'est le moment du "Fuck"
- créer des paradoxes indécidables où le maître perd le pouvoir de la parole et de la légitimité

Dans la prison, Ai Weiwei met en situation paradoxale un policier sur sa "connaissance de l'art" : le policier ne veut pas avouer qu'il ne connait pas Van Gogh. Alors, Ai Weiwei peut tranquillement lui dire : "Si tu ne veux pas avouer que tu connais pas ce que tu dis connaître", alors "Moi, je ne peux pas avouer que je ne connais pas ce que je connais de Ai Weiwei".

Cette situation d'installation des paradoxes de l'énonciation et leur entrelacement est précisément la racine commune du taoïsme et du bouddhisme. Permanence et impermanence des choses deviennent des souffles tourbillonnants l'un à l'intérieur de l'autre.


Evoquons dans notre tradition le paradoxe du Crétois menteur : un crétois dit "Tous les crétois sont des menteurs". Si le crétois dit vrai, alors, lui-même ment. Mais si il ment, il dit la vérité. Si le crétois ment, il dit la vérité. Mais cette vérité est un mensonge. Où est le critère de la Vérité vraiment "vérité" ?

Il faut que le "Non-Etre" dise "Le Non Etre existe" pour qu'émerge le besoin d'un Etre qui dise "L'Etre existe". Cf. Le dialogue de Platon "Parménide".

Début de l'article de Libération (les photos proviennent de Google images)

Enlevé par la police en avril 2011, l’artiste provocateur a disparu pendant 81 jours. Relâché mais sous surveillance, il poursuit ses actions de «subversion» contre Pékin.

A Caochangdi, village de la banlieue de Pékin coincé derrière le cinquième périphérique, un canevas de ruelles boueuses peuplées d’ouvriers migrants ceinture un quartier huppé de galeries d’art en béton brut. C’est ici qu’habite Ai Weiwei, concepteur du célèbre stade olympique en «nid d’hirondelle» des JO de 2008. Plusieurs caméras de surveillance sont braquées sur l’enceinte, un grand carré de briques enlaçant un labyrinthe de bâtiments aux lignes sobres qui fait songer à un cloître. La ressemblance s’arrête là.

Un grand « Fuck » en lettres vertes accueille les visiteurs. Sur les tables traînent des piles de photos de gens nus alignés contre un mur blanc, les bras levés. Presque une marque de fabrique pour Ai Weiwei, qui invite pratiquement tous ses visiteurs à se déshabiller devant son appareil photo.


Cette fascination singulière lui est venue dans l’East Village à New York, où il a vécu pendant douze ans. L’un des ses amis, Bei Ling, se souvient de sa rencontre avec lui, en 1988. «Il avait une tignasse ébouriffée et un gros manteau molletonné de l’armée chinoise. Chaque fois qu’on lui présentait un inconnu, il finissait par lui demander avec un sourire timide, en rougissant même : " Allez, on se met à poil ensemble ! On est à New York, non ?".  Ai, qui s’est lui-même photographié dans le plus simple appareil devant le World Trade Center, a engrangé une collection.

Dans une interview accordée l’hiver dernier à une documentariste chinoise - à qui il a fait son habituelle proposition -, il explique vouloir sublimer la vérité et la transparence. Mais comme tout ce que fait Ai Weiwei, l’allégorie est, in fine, politique : « Le gouvernement chinois est-il lui aussi capable de se mettre à nu ? »

Il y a longtemps qu’il a décidé de s’en prendre à l’autorité en général et à la dictature chinoise en particulier. Dans un de ses clips postés sur le Web, une dizaine d’individus écrivent sur un tableau d’école : «Patrie, nique ta mère !» Il «nique» aussi, dans ses photos insolentes et un tantinet potaches, le Comité central du PCC, le portrait de Mao, la Maison Blanche, la tour Eiffel… Ses clichés de jeunesse s’inspirent beaucoup de Marcel Duchamp et de sa Joconde moustachue sous-titrée «LHOOQ».

Plus mûres, ses dernières œuvres opèrent une sorte de transmutation de la subversion en art. En 2010, à la Tate Gallery de Londres, il a semé sur le sol des millions de graines de tournesol en porcelaine, toutes fabriquées à la main, que le visiteur était invité à faire crisser sous ses pieds. Pour symboliser la profusion de vies chinoises sacrifiées dans l’indifférence.




Pour l’artiste, Internet démocratisera la République populaire. Twitter, dont il a fait son médium, est pour lui, en Chine, équivalent à «une bougie dans une pièce obscure». Tous ceux qui savent contourner la censure du microblog américain s’y retrouvent. « Si vous n’exigez pas le respect de vos droits les plus élémentaires, qu’est-ce qu’il vous reste ? » plaidait Ai Weiwei sur Twitter au printemps, alors que la répression s’intensifiait contre les artistes, les avocats et les démocrates.

«Soupçons de fraude fiscale, bigamie…»

Jusqu’alors miraculeusement protégé par sa renommée, il se demandait quand tomberait le couperet. En avril, au guichet de contrôle des passeports de l’aéroport de Pékin, alors qu’il s’apprêtait à se rendre à Hongkong, des policiers l’ont arrêté. L’artiste a été coiffé d’une cagoule noire, conduit dans un lieu secret, puis dans un autre. Pendant quatre-vingt-un jours, sa famille ignorait où il était détenu.

Il «n’a pas correctement rempli les procédures de départ», ont d’abord affirmé les autorités pour justifier sa disparition, avant d’invoquer des soupçons de «fraude fiscale», de «pornographie» et de «bigamie» (marié, il a un enfant d’une de ses ex-collaboratrices). Il a été relâché au bout de trois mois, et aucun chef d’accusation n’a été retenu contre lui. Ai doit peut-être cette clémence toute relative à l’intercession pugnace de diplomates allemands (il est très célèbre outre-Rhin) auprès des autorités chinoises.

Néanmoins, il reste toujours «placé sous enquête», privé de son passeport. Il lui est interdit de quitter Pékin et d’accorder des interviews à des journalistes étrangers. S’il s’exprimait, la police en civil pourrait de nouveau le faire «disparaître». Et s’il ne parle pas, le même sort l’attend peut-être. Autant parler. Tel un oiseau testant le périmètre de sa cage, il a rompu le silence total qui lui est imposé pour émettre quelques tweets sarcastiques, se présentant comme un «aficionado de pornographie soupçonné de fraude».

Repli tactique / Entrelacement de la liberté et de la prison

Fin août, il est allé un peu plus loin en évoquant sa détention extrajudiciaire dans le magazine américain Newsweek : « Dans ces lieux, rien ne vous est familier. Vous êtes totalement isolé. Vous ne savez pas combien de temps vous resterez et vous êtes persuadé qu’ils peuvent tout vous faire. C’est pour vous une certitude, rien ne vous protège. Pourquoi suis-je là ? Vous perdez la notion du temps, vous devenez presque fou. C’est très dur, même pour ceux qui ont des convictions. […] Pour vous en faire une idée, lisez le Château de Kafka. »

Cet article a déchaîné la colère de la police politique, qui continue de lui rendre des visites peu amicales tous les deux ou trois jours. Ses propos sont mille fois plus feutrés que naguère, quand il ne réclamait rien moins que la liberté de la presse et condamnait publiquement «le régime totalitaire».

Mais aujourd’hui, un repli tactique s’impose. «L’épreuve qu’il vient de subir a été insupportable», confie un proche de l’artiste. Il a perdu une dizaine de kilos en détention, qu’il a repris depuis. Au début, il a donné du fil à retordre à ses geôliers.

En voici un exemple :

L’interrogateur (arrogant) : « Vous êtes un artiste, c’est bien, très bien. Vous savez, j’apprécie l’art moi aussi. J’aime bien Van Gogh et…».

Ai Weiwei : « Ah bon. Savez-vous de quel pays est originaire Van Gogh ? »

L’interrogateur (embarrassé) : « Hum… bien sûr que je le sais… [après un long silence] …mais je ne vous le dirai pas.

Ai Weiwei : « Ah, bien, je vais faire comme vous alors : quand vous me poserez des questions, même si je sais, je ne répondrai pas. »

Ce petit jeu n’a pas duré, le travail de policier en Chine requérant un personnel remarquablement dépourvu du sens de l’humour. Placé dans des cachots de quelques mètres carrés équipés de caméras et éclairés vingt-quatre heures sur vingt-quatre, Ai devait se tenir silencieux et immobile en position assise et le dos droit. Il était surveillé jour et nuit par deux officiers de police en uniforme qui se maintenaient à deux pas de lui, au garde-à-vous, les hanches creusées et le corps raidi. La paire de soldats scrutait son prisonnier jusque dans les toilettes et lorsqu’il dormait. Pendant son sommeil, ses mains devaient rester à plat sur la couverture. Pour chaque geste, même se gratter la tête, une permission devait être sollicitée en criant «au rapport !». Un médecin venait l’ausculter tous les jours dans un but mystérieux.

«On va détruire ta réputation » / Twitter, rituel d'entrelacement d'écriture et de lecture

Ses cinquante interrogatoires avaient pour but de forger un dossier qui tiendrait devant un tribunal. Les policiers lui ont annoncé qu’il était passible de dix ans de prison pour «incitation à la subversion du pouvoir de l’Etat», mais qu’en raison de sa notoriété, mieux valait pour l’image du pays lui mettre sur le dos un crime de droit commun. «Tu as critiqué le gouvernement. […] On va détruire ta réputation, mais sans utiliser l’argument politique.» Ils l’ont interrogé sur des devises étrangères qu’il aurait «changées illégalement» pour payer les architectes suisses avec qui il collabore : un crime passible de sept ans de prison. Mais les commissaires se sont principalement penchés sur son implication dans les appels à manifester lancés en février par le «mouvement du jasmin» chinois.

Chaque ligne de ses écrits sur Twitter a été passée au crible. Ses interrogateurs avaient de quoi faire. Exemples choisis (1) : « Les Chinois d’aujourd’hui se doivent de résister pacifiquement au pouvoir, ne serait-ce que pour laver la honte d’avoir toléré la dictature pendant tant de générations » (17 décembre 2009) ; « Ce pays considère comme ses ennemis ceux qui disent la vérité, ceux qui pensent de manière indépendante, ceux qui osent s’exprimer et ceux qui n’ont pas peur. » (28 mars 2010). Et le même jour : « Le mensonge et la violence sont les deux piliers de la dictature, quoique le mensonge est en soi aussi une forme de violence. » «Vous vous placez au-dessus des lois, vous pouvez mettre un dissident à mort ou le faire disparaître, vous vous maintenez au pouvoir par la terreur et le mensonge, vous dissimulez, manipulez, extorquez et pillez, et vous n’avez même pas le cran d’avouer que vous êtes des mafieux » (16 avril 2010).

Plusieurs assistants de l’artiste ont eux aussi été arrêtés. L’un d’eux, Liu Zhenggang, en a fait une crise cardiaque. Hospitalisé d’urgence dans un établissement militaire, il a été ranimé de justesse.

Ai, pour sa part, a raconté qu’il avait eu l’impression d’être broyé par une machine : « Du temps de Mao, on savait que c’était lui qui donnait les ordres. Aujourd’hui, le châtiment n’est plus infligé par un dictateur ni même un groupe de dirigeants, mais par une mécanique infernale autonome, un rouleau compresseur inexorable. »

Les cachots du KGB chinois n’étaient pas vraiment un dépaysement pour lui. Il a passé les dix-sept premières années de son existence en relégation dans le lointain Xinjiang, à la frontière soviétique. Son père, le célèbre poète Ai Qing (que François Mitterrand avait fait commandeur des Arts et des Lettres en 1985), y avait été exilé avec sa famille par Mao pour être «rééduqué». La rééducation consistait à nettoyer les toilettes du camp de travail. Le poète a tenté plusieurs fois de se suicider. Pendant la Révolution culturelle, ce fut pire : toute la famille a dû vivre dans une caverne de terre en lisière du désert de Gobi.

Traducteur facétieux 

Au dénuement succédera l’exubérance. De retour à Pékin après la réhabilitation de son père, Ai étudie le cinéma aux côtés de Chen Kaige et Zhang Yimou, puis rejoint en 1979 «les Etoiles», le premier groupe d’artistes rebelles de l’après-Mao. Deux ans plus tard, il s’exile à Philadelphie, puis à New York. Il abandonne vite les études d’art qu’il a entamées pour vivre dans l’East Village - parmi les poètes, les junkies, les voleurs, les musiciens, les punks, les bouddhistes… - «sur le cratère du volcan», comme il dit. Il manifeste avec la Civil Liberties Union contre la première guerre du Golfe, pour le droit des homosexuels. Quand il est fauché, il se refait au black-jack dans les casinos d’Atlantic City.

A New York, le sous-sol où il habite devient un passage obligé. Un jour, il doit à contrecœur interpréter une conférence entre Allen Ginsberg, éminent écrivain de la beat generation, et le très sérieux poète chinois Bei Dao. « Quel est le sens profond de ta poésie ? » demande Ginsberg au poète. Ai Weiwei traduit : « Qu’est-ce qu’il y a de profondément sexuel dans ta poésie ? » Interloqué, le prude Bei Dao explique que le sexe est étranger à ses œuvres, mais l’interprète traduit : « Le sexe est un élément essentiel pour moi, tout est sexuel. » Le regard de Ginsberg s’illumine alors : « Comment abordes-tu cet élément sexuel ? » Selon Bei Ling, qui rapporte cette scène, Ai Weiwei a fait durer le quiproquo, en affichant un air tout ce qu’il y a de plus sérieux…

« Fuck » devient sa devise

Après ce marivaudage avec la liberté individuelle occidentale, retour en Chine, en 1993, au chevet de son père malade. Nouveau départ et choc des cultures. «Fuck» devient sa devise.


Beaucoup apprécient la photo de son majeur dressé sous le portrait géant de Mao, et celle de Lu Qing, son épouse, soulevant sa jupe sur Tiananmen.



A cette époque, il reste un obscur iconoclaste, comme il en existe beaucoup à Pékin. Le pouvoir les tolère à condition qu’ils ne parlent pas et ne vendent leurs œuvres qu’aux étrangers.

La communauté étrangère de Pékin encourage d’ailleurs les bravades politiques de ces artistes et pseudo-artistes en achetant leurs œuvres les plus osées. En 2000, à Shanghai, Ai organise une exposition alternative de cinquante «avant-gardistes» intitulée en chinois «Bu hezuo» («non-coopération») et en anglais «Fuck off». La police fait vite fermer la galerie.

Peu après, Ai s’improvise architecte et s’enrichit en réalisant une soixantaine de projets. Le stade olympique qu’il conçoit avec les architectes suisses, Herzog et de Meuron, est un tournant. Avant même son inauguration, il renie publiquement l’œuvre, pour dénoncer «l’ouverture factice» des Jeux olympiques de 2008. Cette année-là, la terre tremble au Sichuan (80 000 morts). Ai est indigné par le black-out officiel imposé sur le décompte des enfants écrasés par l’effondrement de leurs écoles, dont la construction a été bâclée par les autorités locales. Il organise un «mouvement civique» de collecte des identités des petites victimes. Grâce aux 200 volontaires qui se présentent, il en identifie 5 212.



Camper sur le cratère du volcan

Sans surprise, ces volontaires sont harcelés et emprisonnés par le parti - qui a pour principe de ne jamais reconnaître ses erreurs. Ai se rend au procès de l’un d’eux en qualité de témoin : il est enfermé dans un hôtel au moment de l’audience et frappé par un policier. Il fera soigner en Allemagne une commotion cérébrale qui aurait pu lui être fatale. La police ferme ses blogs, mais il se rabat sur Twitter. Sa technique de confrontation est simple : faire comme si la Chine était un Etat de droit, pour prouver que ce n’en est pas un.

La surenchère policière continue avec l’installation de caméras de surveillance devant chez lui, et la destruction, en 2010, d’une galerie d’art qu’il venait à peine de bâtir à Shanghai. Disparitions, envoi en camp de travail et en prison : la répression du mouvement du jasmin chinois de février 2011 se fait au bulldozer, mais Ai en réchappe pendant quelques mois. Par processus d’élimination, il devient le symbole d’une mouvance démocratique que le pouvoir s’efforce d’étouffer le plus silencieusement possible.

A ses amis qui l’exhortent d’en faire moins, Ai répond que « le danger n’est réel qu’à l’instant où le couperet touche la peau du cou ». Comme à New York, il campe sur le cratère du volcan. Quelques semaines avant sa disparition à l’aéroport de Pékin, l’un des policiers qui le surveillent lui avait fait discrètement une proposition : « Si tu arrêtes tes provocations, on peut te promouvoir député… Nous avons ce pouvoir-là. » Ai évoque non sans fierté cette anecdote. Il a bien sûr refusé : « Décidément, on me connaît bien mal. Je suis un rebelle. Mon père me le disait déjà tout petit. C’est dans ma nature. » Une fois de plus, il a contraint le pouvoir à se mettre à nu.

                                                        *************
Quand Ai Weiwei retrouve Lao - Tseu : devenir l'illimité du Ravin du monde, devenir l'illimité des femmes, devenir l'illimé des enfants, devenir l'illimité du peuple.
Lao - Tseu (chapitre XXVIII)

Connais le masculin,
Adhère au féminin.
Sois le Ravin du monde.
Quiconque est le Ravin du monde,
la vertu constante ne le quitte pas.
Il retrouve l'enfance.
Connais le blanc.
Adhère au noir
Sois la norme du monde.
Quiconque est la norme du monde,
la vertu constante ne s'altère pas en lui.
Il retrouve l'illimité.



(1) Les caractères chinois permettent des tweets plus longs que l’alphabet latin.

mercredi 1 février 2012

Le massage tantrique : se libérer mutuellement de ses souffrances


Les lecteurs du blog me font remarquer : tu présentes le Bouddhisme et tu ne dis pas un mot du Tantrisme. Donc, allons y pour le tantrisme. Mais pour aborder le tantrisme, pas d'intellectualisme. Il faut s'engager dans les rituels, y déposer son esprit et son corps. 

Mettons une femme et un homme l'un en face de l'autre ..

Fatigue de l'un et l'autre due à la vie moderne, souhaits insatisfaits, soucis d'argent, baisse de libido, autant de souffrances (comme disent les moines bouddhiste), donc état de "samsara".

Le Samsara ou tableau des souffrances

Eveillez les sens

Le principe : le massage débute par la stimulation de zones sensorielles assez "neutres". Cette phase permet de mettre les deux partenaires à l'aise, et de (re)découvrir en couple, le toucher (c'est le caractère tendre et conscient qui compte, non la technique !).

En pratique pour elle et lui : Massez doucement au niveau du sacrum votre partenaire allongé sur le ventre. Remontez vers la nuque en effleurant les deux cotés de la colonne, et en insistant sur le centre du dos. Déplacez vos mains jusqu'aux épaules, sur les bras, les mains, puis sur l'arrière de la tête, les jambes, les pieds.

Carressez ensuite l'intérieur des cuisses, jusqu'à l'aine et .... alternez les rôles !



Entrez dans son intimité en douceur

Le principe : Pour les tantristes, cette phase permet d'ouvrir des chakras, points énergétiques régissant le corps et l'esprits. Ches la femme, on agit sur la vitalité, l'estime de soi, chez l'homme, sur la force et le pouvoir. D'un point de vue occidental, il s'agit surtout d'entrer dans l'intimité de l'autre en douceur.

En pratique pour elle et lui : effleurez le ventre dans le sens des aiguilles d'une montre. Si vous êtes une femme, insistez sur le plexus solaire de votre ami, avant d'y poser vos mains......

Si vous êtes un homme, attardez vous plutôt sur la zone de démarcation entre les poils pubiens et le nombril, quelques minutes.... !




Reprenez confiance en vous

Le principe : Pour les indiens, ces gestes stimulent l'émotion ou l'amour chez la femme et la créativité chez l'homme. Pour nous occidentaux, on peut voir cette phase comme une mise en confiance.

En pratique pour elle : élargissez l'énergie du plexus solaire au reste du corps de votre ami en lui massant le ventre, puis en remontant lentement jusqu'aux épaules. Passez ensuite aux bras et aux mains, revenez au cou, puis à la george.

En pratique pour lui : communiquez l'énergie du ventre, en carressant la poitrine, les bras, les mains.



Erotisez vos corps tout entiers

Le principe : dans la philosophie tantriste, ces mouvements éveillent l'inspiration chez la femme et les forces vitales chez l'homme. Un esprit plus cartésien y verra le moyen d'érotiser le corps entier ....

En pratique pour elle: effleurez la zone des organes génitaux, puis le périnée (entre les testicules et l'anus). Massez doucement le lingam (sexe de votre partenaire), pour y relâcher les tensions sans intention de susciter le désir !

En pratique pour lui: caressez les bras, les mains, le cou, le cuir chevelu, les oreilles, et le visage en insistant entre les deux sourcils. Puis effectuez du bout des doigts, des va-et-vient du nez à la chevelure.



Restez à l'écoute de l'autre

Le principe : quelles que soient les références, cette phase du massage apaise les partenaires, et démontre combien on est à l'écoute de l'autre ..

En pratique pour elle : massez les jambes, le buste, la poitrine, les épaules et les bras, puis posez vos mains sur les paupières de votre partenaire durant quelques secondes.

En pratique pour lui : effleurez avec respect et tendresse la zone du yoni (sexe féminin), puis massez les jambes, le buste, les épaules et les bras. Vous pouvez laissez vos deux mains sur le ventre de votre partenaire quelques secondes.



Laissez-vous aller....

Le principe : le massage touche à sa fin. Chaque partenaire doit à la fois marquer la fin du rituel et sa gratitude à l'autre ... pour éviter tout quiproquo.

En pratique pour elle et lui : le massage se termine. Eloignez sans précipitation vos mains du corps de l'autre. Asseyez vous l'un en face de l autre sur les talons, et faites vous le signe du namaste (mains jointes, posées sur la poitrine) pour vous remercier mutuellement.




Acte sexuel ou pas ?

Le massage peut s'arrêter à ce stade après 20 à 40 mn de relaxation mutuelle... ou se poursuivre par l'acte sexuel. Le but du massage tantrique taoiste sensuel, c'est d'établir une autre forme d'échange qui ne se conclut pas forcément par la pénétration.

Et maintenant un peu d'analyse


Le tantrisme est -il indien ? Ou reprend-t-il la conception taoiste chinoise de l'atteinte de l'immortalité par la féminisation de l'énergie sexuelle.

En effet, le taoïsme chinois a des formes de thérapies sexuelles comparables au tantrisme, l'harmonie duyin (féminin) et du yang (masculin) venant se substituer à l'union de la yoni et du linga.

En tout cas, il est présent dans plupart des religions issues de l'Inde: hindouisme, jaïnisme, bouddhisme, et dans une moindre mesure, le soufisme musulman, fortement imprégné de mystique indienne. 

Le tantrisme se fonde sur un ensemble de textes ou "tissus" (tantra) qui traitent de l'énergie féminine possédée par les êtres suprêmes et permettant à ces mâles d'agir. Car dans cette théologie, le féminin est actif et le masculin passif.Le "sexe faible" est la force des dieux.
Scène sur un mur d'un temple de Khaurâho 

Le tantrisme ou shaktisme est la substitution d'un couple à une trinité. La vieille religion védique privilégiait trois dieux masculins : Agni, le feu sur terre, Sûrya, le Soleil dans le ciel, et Vâyu, le vent dans les airs. 

L'hindouisme leur substitua Brahmâ, l'Espace-Temps, le maître des horizons et de la création, Shiva, le Créateur-Destructeur, et Vishnou, le Conservateur-Réformateur (car les dieux marient les contraires). Le tantrisme remplaça ces "trois formes" (Trimûrti) d'un même monde divin par deux pôles d'un même couple divin: chaque dieu a sa déesse associée ou assistante et cette parèdre (Shakti, personnifiée, est la femme de Shiva) aux multiples aspects symbolise toutes les qualités (et les défauts) d'une épouse.
Avec la révolution tantrique, les dieux de l'univers deviennent ceux de la famille et le cosmos s'invite à la maison.
Les religions issues de la tradition d'Abraham ont toujours refusé la divinisation d'un être féminin qui rappellerait le polythéisme antique. Au contraire, le tantrisme a restauré les déesses, ces grandes perdantes de l'âge des métaux et de la victoire des dieux mâles sur les Vénus préhistoriques ou néolithiques. Dans le tantrisme, la revanche du féminin est un retour du refoulé historique.

Temples de Khajurâho

Il s'illustre, dans l'hindouisme, par de nombreuses sculptures érotiques dont les plus célèbres sont celles des temples de Khajurâho où abondent les scènes d'amour de couples, de groupes, voire d'humains et d'animaux. Des temples jaïns voisins, quoique plus chastement décorés, montrent que même le jaïnisme, religion aux moeurs très austères, n'avait pas peur du voisinage de cet érotisme sacré qu'est le tantrisme.

Dans sa version réaliste, dite "de la main gauche" (Vâmâchâra), c'est-à-dire du côté impur, l'âme avec la divinité et l'apprivoisement du mal par le contrôle du désir et la maîtrise de l'orgasme. Dans sa version symbolique, dite "de la main droite" (Dakshinâchâra), c'est-à-dire du côté pur, le tantrisme est une dévotion à la Divine Mère, cette Grande Déesse qui engendre un amour platonique, comparable à celui qu'éprouvent certains fidèles du culte marial.



Le bouddhisme primitif ne comportant aucun dieu et encore moins de déesse, le tantrisme n'y avait pas de place.

Il réapparut dans le Véhicule de Diamant (Vajrayâna) où abondent les êtres féminins, notamment les célèbres Târâ, émanations d'Avalokiteshvara, le bodhisattva de la miséricorde.

Cette école est celle du bouddhisme tibétain que les Occidentaux confondent souvent avec l'ensemble du bouddhisme qui, dans sa grande majorité, ignore tout du tantrisme.







Qu'il se réfère à Shiva ou au Bouddha, le tantrisme possède deux caractéristiques méconnues des Occidentaux.

D'abord, fondé sur l'union de l'homme et de la femme, il ignore l'homosexualité.

Ensuite, exaltant l'harmonie des corps, ilnéglige les hiérarchies sociales. Le pouvoir égalisateur de la nudité vient de ce que chacun possède les mêmes organes et le tantrisme est l'une des rares écoles de spiritualité indienne à transcender les castes. Il partage d'ailleurs cette vertu avec la secte des lingâyat, les adorateurs du sexe de Shiva.

Les chakras au service de la croissance spirituelle

Le sexe tantrique est pratiquée par certains étudiants avancés du bouddhisme Vajrayana.Cette tradition bouddhiste aurait actuellement 10 millions d'adeptes et deux sous-écoles : le bouddhisme tibétain qui se trouve au Bhoutan, au sud-ouest de la Chine, Mongolie, Népal, Inde du Nord, en Russie, et le Tibet. Et le Bouddhisme Shingon au Japon.

L'un des buts les plus importants dans le bouddhisme est de surmonter le désir. Les Vajrayanistes estiment que la meilleure façon d'atteindre cet objectif, et d'œuvrer à l'éveil, serait de faire l'expérience du désir "… jusqu'au bout et donc vider le désir de tout mystère."

Une sadhana est la voie par laquelle le sadhaka (praticien) peut atteindre l'illumination. Une sadhana est limitée aux sadhaks expérimentés et implique le sexe tantrique. L'objectif est la croissance spirituelle vers l'illumination plutôt que le plaisir sexuel.

Cette tradition bouddhiste a adopté le concept hindou de centres d'énergie dans le corps humain. Ils sont appelés chakras (roues), et huit chakras sont identifiés dans le Vajrayana.

Les chakras dans la médecine tibétaine

L'objectif du sadhanas est de déplacer l'énergie libérée ... vers le haut jusqu'à ce qu'il atteigne le chakra couronne» en haut de la tête - le siège de l'évolution spirituelle - et produit de l'expérience de la béatitude incomparable, la conscience transformée et le nirvana.

Les canaux et les roues d'énergie


Certains sadhanas appellent des partenaires masculins et féminins à pratiquer ensemble le "yoga sexuel". Dans cet acte, le couple se joint pour agrandir et déplacer l'énergie innée présente dans les deux, afin de devenir des époux divins .

La recherche profane du plaisir et l'orgasme représentent l'échec, puisque l'union devrait dévier l'énergie sexuelle dans le canal mystique de l'illumination.

La critique des dangers du sexe dans le  bouddhisme tantrique 

Cette pratique ne serait pas sans danger. Des Vajrayanistes pensent que violer les règles - en utilisant des techniques de sadhana pour atteindre l'orgasme ou en les partageant avec les non-initiés - peut entraîner une maladie mentale ou déclencher des cycles de plusieurs de renaissance en enfer.

Le Praticien Shambhavi Sarasvati écrit :

"L'authentique pratique tantrique ritualise tous les aspects de la vie, afin de placer le sadhika (praticien) en phase avec les rythmes de la nature. Le Tantra ritualise votre vie à partir du moment où vous vous ouvrir les yeux le matin, tout au long de votre journée, comme vous vous endormez , pendant que vous dormez, et jusqu'à ce que vous ouvrez les yeux à nouveau le jour suivant. Vous pouvez pratiquer le rituel sexuel, ou non. Le  "yoga sexuel" n'est pas indispensable dans la pratique du tantra."

Les rituels au delà du danger

Cependant, Christian Tikhomiroff, sur la page www.natha-yoga.com/le_rituel.htm apporte un autre témoignage sur les rituels tantriques, ou émerge la dimension du sacrifice de soi

Nous le citons :
 
"Pourtant le tantrisme utilise malgré tout un espace de groupe : c’est le rituel (notons que certains rituel peuvent se faire seul). Au même titre que les autres membres du yoga, prânâyâma, mudrâ, dhârana, etc. c’est une pratique codifiée qui s’apprend, pour finalement s’improviser, selon des règles de l’art.

Une pratique de groupe implique la participation de plusieurs individus qui, dans le cadre du rituel tantrique, doivent être d’un niveau équivalent, suivrent des enseignements communs et connaître précisément le déroulement de ce qu’il y a faire. Chacun a dû se préparer avec intensité pour donner le meilleur de lui-même durant le rituel qui devient alors un espace de feu, de puissance, d’énergie, de fureur, dans lequel vont fusionner, se coaguler, les énergies des participants créant une condensation de forces à laquelle chacun peut se nourrir facilement.

Chacun doit oublier sa personnalité, son histoire et ses intérêts pour que la somme des consciences, des silences, des stupéfactions, des énergies crée un nouvel individu, puissant et généreux, dans lequel se fondre et se connaître. Les rituels peuvent durer de quelques heures à plusieurs jours. S’ils sont réussi ils dégagent une puissance capable de faire progresser chacun, capable de débloquer les énergies et de faire accéder à des états de conscience extatiques.

Ils laissent au plus intime de formidables empreintes, des résonances si fortes que les énergies mises en route continuent encore à tourner des semaines durant, offrant ainsi une réserve de puissance immédiatement disponible. Si les mêmes personnes se revoient régulièrement pour continuer, refaire ce qui a été fait ou faire d’autres rituels, il se crée une sorte d’égrégor, « d’individu cosmique » auquel chacun peut se relier et puiser – mais donner aussi- ce dont il a besoin.

Le rituel tantrique est un espace ou toutes les pratiques solitaires de la saddhana journalière trouvent une application sublime, une sorte d’apogée impersonnelle et unitaire. C’est le pendant du travail individuel, le régulateur de la volonté personnelle, puisqu’il ne s’agit plus d’être soi mais de devenir « un bout » de quelqu’un d’autre., « bout » qui a plus de facilité à devenir témoin du tout que le tout lui-même.

Le rituel tantrique est donc la recherche d’une « over dose » de puissance, la tentative d’obtenir par un groupe - qui est devenu un seul individu – ce qu’on n’arrive pas à obtenir tout seul : fureur, déblocages d’énergie, etc.

Différentes formes de rituel

Les différentes formes de rituels tantriques correspondent aux différents objectifs que l’on peut avoir. En simplifiant, on peut énoncer les objectifs suivants :
  • Force et énergie.
  • Concentration.
  • Harmonisations naturelles.
  • Passage.
  • Bénéfice personnel matériel (santé, prospérité, etc.).
  • Aide d’autrui (soins, guérisons, envoi d’énergie ou d’affection, etc.).
  • Recherche de bénéfices ou de pouvoirs magiques
  • Contacts avec « les autres mondes ».
  • Justice.
  • Rencontre avec la mort.
  • Rencontre avec les divinités tantriques (Shiva, Ganesha, Kali, etc.).
  • Rituel sexuel ou amoureux.

Cette liste n’est pas exhaustive et ne saurait l’être en aucune façon, d’autant plus qu’on peut se hasarder à dire que n’importe quel objectif peut donner matière à rituel. 

Mais quel que soit l’objectif, les rituels tantriques restent dans un cadre que l’on qualifiera de déontologique, sans oser parler d’éthique, qui n’a pas pour finalité le bénéfice personnel égotique mais la mise en œuvre de moyens aidant le cheminement spirituel du ou des participants. 

A l’opposé des rituels ordinaires et pseudo initiatiques de certaines voies dites ésotériques ou magiques qui recherche principalement à dominer les autres et à obtenir des avantages sociaux ou financiers, les rituels tantriques se veulent avant tout, et finalement, complètement désintéressés. Ils sont une pratique banale parmi les autres dans cette voie dont le but n’est pas l’affirmation de soi mais l’affirmation du Soi.

De quoi un rituel est-il composé

Les rituels sont placés sous l’égide de l’une ou l’autre des divinités tantriques. Il faut bien sûr se souvenir ici que les noms, les formes, les attributs de celles-ci ne sont « que » des hypostases de forces universelles et des moyens surhumains d’attirer ces forces. La pensée et l’énergie en union ont un réel pouvoir de création et d’action. 

Ainsi faire un rituel à Kali revient à attirer, à apprivoiser et à digérer les énergies qu’elle représente, soit pour les activer dans notre propre structure énergétique, soit pour se mettre en rapport avec la réalité universelle de ces forces, réalité qui peut réellement prendre la forme de Kali si le rituel développe suffisamment de vigueur dans la pensée et dans l’énergie… et si Kali trouve un intérêt à se manifester ! 

Ces divinités doivent être associées à leur mantra et à leurs yantra

Pour « copiner » avec des divinités, ou avec des forces célestes comme le soleil ou la lune, ou avec des forces magiques pour obtenir des bénéfices, etc. il faut consacrer et purifier le lieu dans lequel se fait le rituel. On utilise divers « ingrédients » pour attirer, répandre ou ingérer les énergies, tels que (liste pêle-mêle) : trident, kavacha, Shiva-linga, bougies, encens, cendres, poudre de santal, peaux de bêtes, fleurs, bols sonores indiens, bambou, etc.
Les pratiques de yoga utilisées sont celles du hatha-yoga classique comme le prânâyâma, les mudrâ, les mantra, les dharana, les nyasa,. Ces techniques sont toute fois fréquemment déclinées selon la méthode des nâtha-yogis, c’est-à-dire d’une manière plus vibrante, plus furieuse, plus magique, plus sacrée et sont combinées de façon originale. En effet un rituel est comme un banquet, l’art de la cuisine et des mélanges est plus important que les ingrédients eux-mêmes.

Les plus grands rituels sont ceux dans lesquels est inclus le pancha makara, l’utilisation des « 5 M » - les cinq éléments - à savoir : la viande, le poisson, le sexe, la drogue et l’alcool (on est loin des princeptes moraux de la quasi majorité des yoga). L’utilisation complète du pancha makara n’est envisageable que dans le cadre d’une pratique initiatique. Mais dans tout rituel un lien doit être gardé avec lui, lien qui est assuré par l’utilisation d’un des cinq éléments, le plus souvent l’alcool qui est pris sous forme de vin (qui n’est pas, même aujourd’hui, une boisson rare en Inde, il suffit de goûter l’excellent chardonnay blanc de Bombay…). 

Disons en fin, tout en restant volontairement dans le vague, qu’un rituel tantrique est un espace dans lequel le notion de sacrifice est omniprésente qu’il s’agisse de soi ou d’autre chose. Mais cet aspect n’a pas sa place dans un propos écrit."