Les Quatre livres extraordinaires (四大奇书) sont considérés comme les
plus grands classiques du roman chinois et les plus importants succès de la
littérature romantique et de la culture traditionnelle chinoise.. Ce sont par
ordre chronologique : « Histoire des Trois Royaumes » (三国演义) (XIVe siècle) ; « Au bord de
l'eau » (水浒传) (entre le milieu du XIIIe
siècle et le XVe siècle ?) ; « Le Voyage en Occident » (西游记) (XVIe siècle) ; et « Le Rêve
dans le pavillon rouge » ou « L'histoire de la Pierre » (紅楼梦) (XVIIIe siècle).
Ces quatre chefs-d'œuvre littéraires ont profondément influencé
la culture chinoise ainsi que le reste de l'Asie de l'est : opéras, séries
télévisées, films ou encore jeux vidéo sont nés en s'inspirant des riches
intrigues de ces quatre livres. Source d’inspiration, ces livres sont
aujourd’hui devenus en fait quatre miroirs qui reflètent les particularités
idéologiques, culturelles et psychologiques des Chinois.
L' « Histoire des Trois Royaumes »
L'«
Histoire des Trois royaumes »[1]
raconte la réalité historique la fin de la période Han et la période des
Royaumes Combattants et la rivalité entre les royaumes de Wei (魏) de Cao Cao, Shu (蜀) de Liu Bei et Wu (吴) de Sun Quan. Bien que le
roman adopte une attitude différente envers les trois : respect envers Liu, en
même temps éloge et critique à l'encontre de Cao et commentaire sur Sun, il
approuve pleinement et positivement les points communs des trois, c'est-à-dire
leur volonté de réunification et de réaliser un monde stable et tranquille.
Après que chacun des trois eussent établi son pays, ils ne se sont pas montrés
satisfaits, car leur souhait c'est de réunir en un les trois. La réunification
est le désir commun de tous les Chinois et elle est enracinée dans leur for
intérieur et coule dans leur sang.
L'« Histoire des Trois royaumes » met en scène la volonté
d'unifier tout le pays dans une nation chinoise ainsi que l’aspiration à un
monde stable et tranquille. La « Grande Etude » comprend huit articles dont le
plus important est de créer un monde calme et en paix.
Les personnages sont déterminés par leur sentiment national. Cet
ouvrage se soucie peu de la vie quotidienne, des rapports familiaux ainsi que
de la moralité et de l'éthique. Par exemple, Cao Cao ancien Premier ministre
devenu roi de Wei, y est dépeint comme un personnage machiavélique mettant son
esprit stratégique au service de son ambition démesurée. Il est originaire d'où
et combien a-t-il d'épouses ? Comment s'appelle l'épouse de Guan Yu et a-t-elle
des sœurs ? …… L'auteur Luo Guanzhong ne raconte rien sur cela. Car il accorde
seulement de l'importance aux affaires d'Etat et se préoccupe surtout du destin
des trois royaumes. Ce souci de l'existence et du développement de la nation
chinoise est intimement lié au sentiment patriotique des Chinois qui
distinguent nettement ce qu'ils aiment de ce qu'ils haïssent.
Parmi les pays du monde qui possèdent un long passé civilisé, la
Chine est doté d'une civilisation ininterrompue. Pourquoi ? Ce roman affirme
que la nation chinoise aspire depuis longtemps à la réunification de l'ensemble
du pays et est dotée d'une idée qui insiste sur l'importance de l'harmonie et
de la stabilité. Cette aspiration et cette idée sont tellement enracinées dans
le cœur des Chinois qu'elles sont devenues les plus grandes forces de cohésion
qui unissent et rassemblent les Chinois. Au cours des millénaires passées, la
nation chinoise a été divisée et séparée plusieurs fois, mais après chaque
séparation et chaque division les Chinois ont toujours réussi à réaliser la
réunification du pays grâce à leur ténacité et à leur abnégation.
« Au bord de l'eau »
Relatant l’histoire de 108 brigands chevaliers, fondateurs d’une
société secrète, en lutte contre le pouvoir corrompu, "Au bord de
l’eau Shui Hu Zhuan "[2]
écrit par Shi nai'an et Luo Guan Zhong, est le plus fameux roman d’aventure
jamais écrit. Ce roman permet de tout savoir sur la Chine médiévale, les jeux
entre les pouvoirs, les sociétés secrètes et toutes sortes de coutumes. Par
exemple, comment tuer un tigre à main nue, ou comment certaines auberges tuent
les voyageurs et les proposent en plats cuisinés aux autres voyageurs. Chaque
héros affronte des épreuves dans ce que les sociologues appellent des "champs
de légitimités" : la cour impériale, la maison familiale, le
monastère, l'auberge, la forêt, le marché, l'intrigue féminine, l'embuscade, le
duel, l'invitation d'un admirateur. A chacune des épreuves, le héros acquière
une nouvelle qualité.
Chaque personnage est une individualité qui ne peut être réduite
à un type traditionnel. La méthode est de multiplier les quasi-semblables, et
de personnaliser chacun des héros. Les ressemblances superficielles volent en
éclats !
Là où la tradition aurait renforcé les traits généraux du fier
gaillard (jizhangfu), le roman créé au contraire quatre personnes radicalement
distinctes : Lu Da, Lin Chang, Yang Zhi et Wu Song.
Commentaire du chapitre 25 de l'ouvrage Au bord de l'eau
par un de ses éditeurs, Jin Shengtan
" Le début du livre peignant Lu Da, qui est le summum du
fier gaillard (jizhangfu), on n'imagine pas que par là dessus sera peint Lin
Chang, nouveau summum du fier gaillard. Peindre Lu Da, puis peindre encore Lin
Chang, c'est déjà une fameuse prouesse, mais l'on n'imaginait pas que par
là-dessus viendrait encore la peinture de Yang Zhi, autre summum du fier
gaillard! Et ces trois gaillards ont chacun leur cœur, chacun leur
esprit, chacun leur allure, chacun leur vêtement, et - semblables aux héros des
fresques de Yan et de Wu et leurs palais marins et entourés des divinités au
complet - leur miséricorde est une vraie miséricorde, leur colère, une vraie
colère, leur beauté, une vraie beauté, leur laideur, une vraie laideur !
Quand l'art atteint à ce degré, il ne saurait aller plu loin, et
quand l'admiration atteint à ce point, elle non plus ne peut aller plus loin.
Et pourtant, ces deux peintres recèlent encore dans leur sein d'autres figures
de pinceau sublimes et hors normes, et il y a encore ce qu'on appelle « matière
de nuées et écrit de dragon », beauté de soleil et couleur de lune, ce qui est
totalement étranger à ce que la technique ou l'esprit de ce monde peuvent
concevoir, à ce que l'œil peut voir, à ce que la main peut saisir, à ce que le
pinceau peut rendre.
Eh bien! C’est à présent exactement le cas du Shuihu de Shi
Nai'an ! Après avoir décrit les trois gaillards Lu Da, Lin Chang et Yang Zhi,
après avoir mené l'art à son apogée, l'admiration à son apogée, au point où
l'art, où l’admiration ne peuvent aller plus loin, voici soudain qu'il retient
ou lâche les rênes, et que derechef son pinceau s'élance dans un tourbillon
d'encre, et voici qu'il crée, partir de rien, le personnage du capitaine Wu
Song!
Quand il m'a été donné de lire ce texte et que je me suis figuré
ce personnage, j'ai vu que son cœur n'était pas celui de Lu Da, ni de Lin
Chang, ni de Yang Zhi, que son esprit et ses soucis n'étaient pas ceux des
trois autres, que sonn allure et son accoutrement n'étaient pas non plus ceux
des trois autres.
Me l'étant donc figuré, je suis alors tourné au texte et sur ces
bases, je l'ai relu lentement, puis rapidement, puis continûment, puis
épisodiquement, puis en le teintant d'accent du Hunan, puis en le rugissant
comme un léopard, eh bien ! Miséricorde ! chaque passage, chaque paragraphe,
chaque phrase, chaque mot, en vérité, étaient hors de ce que l'esprit d'un
lettré peut concevoir, de ce que son œil peut voir, de ce que sa main peut
saisir, de ce que son pinceau peut teindre! C'était véritablement « matière de
nuées et écrit dragon », beauté de soleil et couleur de lune, hors normes et
sublime. Et dans ces conditions, si l'on voulait encore mesurer le génie de cet
homme de génie en quintaux et en boisseaux, pauvre de nous, on verrait en maints
droits qu'il est incommensurable et sans mesure ! "[3]
Ce roman est donc basé sur la multiplication des personnages,
108 héros, auxquels s'ajoutent d'autres personnages plus ou moins importants
comme Chao Gai, le mentor de Song Jiang, le maréchal corrompu Gao Qiu ou
l'empereur lui-même...
Les hommes épris de l'honnêteté, de la loyauté et de la droiture
doivent agir comme ils le doivent sans tenir compte de ce qu'on pense d’eux.
Ayant un sens profond de la justice, ils sont toujours prêts à aider les faibles…
On peut constater profondément cet esprit dans la première moitié du roman « Au
bord de l'eau ». A l’exemple de Lu Zhishen qui, se comportant en chevalier
errant et en défenseur du bon droit, offre son bras et tire son sabre à chaque
fois qu'il rencontre des injustices. Il apporte son aide aux pauvres et aux
démunis et est toujours prêt à redresser les torts et à réparer les injustices.
Les Chinois n'épargnent aucun effort pour se répandre en éloges
et exprimer leur admiration pour les actes nobles, généreux et courageux. Que
ce soit autrefois ou maintenant, les Chinois admirent et apprécient toujours
les hommes nobles, droits, loyaux et généreux et espèrent beaucoup d'eux.
Le plus grand ennemi de la droiture, de la loyauté et de la
générosité c'est la cupidité. Et l'avidité. Wu Song a tué un tigre avec ses
gros poings sans aucune arme dans la main. C'est la manifestation de son
courage et de sa bravoure, tandis que sa droiture et sa générosité sont
traduites dans son comportement devant l'argent qu'on lui offre. Le chef de
district décide de lui attribuer la prime promise pour la capture ou
l'élimination du terrible fauve qui dévaste la région – mille guans (collier de
sapèque).
Somme énorme. A l'époque de la dynastie des Song (960 – 1279),
le "宰相"(Zaixiang,
Premier Ministre dans la Chine féodale dont le rang est le plus élevé parmi les
fonctionnaires civils) ou le“枢密使”(Shumishi, chef militaire au rang le plus élevé dans l'armée
impériale des Song) ont un salaire mensuel de trois cents guans. Wu Song n'est
pas riche, mais apprenant que les chasseurs de la région ont été punis en
raison de leur incapacité de capturer ou de tuer le tigre dans les délais
prescrits, il leur distribue alors toute la récompense sans en laisser une
seule obole pour lui.
Tout comme lui, les autres chefs des révoltés, dont Song Jiang,
Chai Jin et Zhao Gai, sont également généreux et désintéressés, Comme lui, ils
sont férus de justice, insoucieux de richesses et prodigues avec leurs amis
dans le besoin. Leur idée c'est qu'il faut aider les prochains qui en ont
besoin et qui le demandent et même ceux qui ne le demandent pas, mais qui en
réalité en ont besoin.
Un autre grand ennemi de la droiture, de la loyauté et de la
générosité, ce serait l'appétit sexuel. Dans « Au Bord de l'eau », la beauté et
le charme des femmes sont utilisés pour exciter l'appétit sexuel des hommes.
Pour contrecarrer et combattre cette menace, les braves du repaire des
Monts-Liang se montrent résolus et déterminés en tuant carrément les femmes
utilisées comme appâts ! Dans la culture traditionnelle chinoise, la
générosité et la loyauté chevaleresque ont comme conséquence le refus des
charmes de la femme et des plaisirs charnels.
« Le Voyage en Occident »
Ecrit par Wu Cheng'en au XVIe siècle, connu aussi sous le nom de
"Roi des singes" ou "La pérégrination vers l'ouest", c'est
sans doute le roman le plus populaire en Chine. Il a fait l'objet de nombreuses
adaptations en bandes dessinées.[4]
L'ouvrage se montre irrespectueux envers le bouddhisme. Lorsque
le moine Xuanzhuang arrive au Temple Dalei (Grand tonnerre) pour solliciter les
canons bouddhiques, Deux assistants du Bouddha – A Nan et Jia Ye – demandent à
Xuanzhuang et à ses trois disciples de leur présenter leur lettre de
recommandation. N'en n'avez pas ? Désolé, vous ne pouvez avoir que le livre
canonique sans aucune écriture et passez votre chemin ! Tous les quatre s'en
vont alors trouver le Bouddha Rulai pour lui demander de trancher le différend.
Celui leur dit : Quelqu'un de chez moi est parti il y a deux jours pour faire
le service rituel et on lui a donné en retour trois décalitres et trois litres
d'or. Vous qui venez chez nous pour obtenir nos canons bouddhiques, il me
semble qu'il est tout-à-fait normal que vous nous donniez quelque chose en retour,
n'est-ce-pas ? C'est ainsi que le chef suprême du bouddhisme est décrit comme
un personnage cupide et mercantile.
De même, « Le voyage en Occident » ne respecte également pas le
Taoïsme. La plupart des monstres, des démons et des sorcières qui barrent la
route et font obstacle aux quatre intrépides voyageurs font leur apparition
sous l'aspect de prêtres taoïstes. Certains sont le ‘père' ou le 'frère' d'une
reine et ils se montrent arrogants, despotiques et tyranniques, abusent de leur
pouvoir pernicieux, malfaisant et maléfique pour nuire aux gens du peuple.
Les deux grandes religions que sont le bouddhisme et le taoïsme
sont rabaissées et tournées en ridicule dans le livre. Cela suggère que dans la
nature nationale traditionnelle de l'ethnie Han, il n'y a aucune croyance fixe.
Le professeur Qian Wenzhong de l'Université Fudan de Shanghai a indiqué que les
Hans n'éprouvent aucun sentiment de crainte à l'endroit de la croyance
religieuse, car ils ne croient et ne font confiance qu'aux choses qui peuvent
leur apporter des avantages. La conception des trois accompagnateurs de
Xuanzhuang, le moine envoyé par l'empereur des Tang (618 - 907) pour importer
de l'Inde en Chine des canons bouddhiques, indiquent explicitement les
souhaits, les espérances et les idéaux des Hans.
Shaseng (沙僧), Le Bonze des sables, est quelqu'un de discret et de loyal qui
supporte tous les fardeaux qu'on ajoute sur ses épaules et qui ne recherche
aucun avantage pour lui-même, mais c'est justement ce personnage honnête,
simple et naïf qui occupe peu de place dans le cœur de son maître.
Quant à Sun Wukong (孙悟空), le Rois des singes, il est le plus capable des trois, mais il
est indocile, entêté et parfois ne fait qu'à sa tête. C'est pourquoi Xuanzhuang
ne l'aime pas, mais ne pouvant pas se passer de ses services et comptant sur
lui pour surmonter les catastrophes et écarter les dangers, il est obligé de le
laisser agir à sa guise. Mais, si le Singe se montre trop désobéissant, il
jette alors l'anneau d'or sur la tête de Sun Wukong et profère l'incantation
pour obliger ce dernier à l'obéir.
Zhu Bajie (猪八戒), le Cochon aux Huit Vœux, est quelqu'un de fainéant et de
paresseux qui laisse toujours Shaseng porter la palanche chargée de lourds
paniers et pour ce qui est des combats contre les démons, ils comptent toujours
sur Sun Wukong. Malgré ses défauts, son maître le préfère aux deux autres et se
montre toujours indulgent envers lui. Tout ce qu'il raconte, même si ce sont
des mensonges, Xuanzhuang le croit toujours. Quelqu'un de si glouton et de si
paresseux et qui sait comment spéculer sur les circonstances, il est le
chouchou et le préféré du maître. Cela voudrait dire que dans leur for
intérieur, les Hans admirent et recherchent une telle situation dans la vie :
n'avoir aucune responsabilité et profiter toujours des avantages.
Le « Rêve dans le pavillon rouge »
Le « Rêve dans le pavillon rouge » [5],
qui est considéré par beaucoup comme l'ouvrage le plus abouti de la littérature
chinoise et une véritable mine d'informations sur la société de l'époque des
Qing (1644-1911), et en particulier sa couche aristocratique, comporte toutes
les formes d'expression distinguée, raffinée, élégante et cultivée des Chinois,
à savoir poésie, ci (poème en vers inégaux), qu (poème en vers chanté et fu
(genre de poème en prose rimée, en vogue à l'époque des Han, 206 Av. J.-C. à
220).
Au milieu
du 18ème siècle, ce fut l'âge d'or de la dynastie Qing, sous le règne de
l'empereur Qian Long. Cependant un roman a anticipé
la fin de la société.
« Le rêve
dans le pavillon rouge
» est le monument par excellence de la littérature classique
chinoise. Cao Xueqin
a pu écrire ce chef-d'œuvre parce qu'il était talentueux et avait beaucoup
d'éducation, certes, mais le plus important, fût son expérience passant d'une
vie riche et honorable à une condition extrêmement pauvre et difficile. Le
grand-père de Cao Xueqin
gagna bien la faveur de l'empereur de Kangxi, le grand-père du fameux empereur
Qian Long, et Cao Xueqin
passa ainsi son enfance dans une famille très riche. Mais après, son grand-père
fut destitué de ses fonctions et sa famille spoliée. Du fait de ce changement
radical, toute la famille déménagea du sud au nord et pour s'installer à
Beijing. Le jeune Cao Xueqin
éprouva ainsi les meilleures et les pires conditions de vie, avec l'inconstance
des relations humaines que cela suppose. Au soir de sa vie, Cao Xueqin
habitait seul, reclu dans la banlieue ouest de Beijing et écrivit avec
acharnement les 80 chapitres du « Rêve dans le pavillon rouge
», dans un contexte des plus difficiles. Finalement il tomba gravement malade,
et ne pu malheureusement finir son roman avant de
mourir.
« Le rêve
dans le pavillon rouge
» s'appelle aussi «l'histoire de la pierre ». Le manuscrit de Cao Xueqin
a beaucoup circulé avant d'être parachevé. Après la mort de ce dernier, tout en
s'imprégnant des pensées de l'auteur, un lettré nommé Gao E réussit à rédiger
40 chapitres supplémentaires et finir le roman.
« Le rêve dans le pavillon rouge
» est un roman
de style encyclopédique. Il relate des personnages de tous bords : familles
impériales, nobles et bureaucrates aux servantes, serviteurs, moines bouddhistes,
commerçants et paysans couvrant ainsi toutes les classes sociales de Chine. Le
contenu de ses œuvres décrit des rites, des célébrations, des condoléances, des
travaux dans les ateliers, des plantations des fleurs et arbres, la médecine,
l'astrologie, les arts, etc. Retraçant en outre les divers aspects de la culture
classique chinoise – architecture, gastronomie, arts des paysages et des
jardins et peinture, il est rempli d'idées distinguées, raffinées, délicates et
subtiles que les autres romans ne comportent pas. On peut dire qu'il comprend
tous les aspects de la société de la dynastie des Qing.
Il raconte
les histoires de nombreuses familles impériales de son époque, et notamment sur
les 4 grands clans Jia, Shi, Wang, Xue. Ensuite il se concentra sur le clan
familial des Jia. Comme toile de fond il choisit un parc aux sites grandioses,
lequel fût le théâtre des activités de la majorité des personnages. Il refléta
ainsi l'univers de l'époque dans ces scènes pour décrire magnifiquement et avec
une précision chirurgicale le long mais non moins inéluctable, le processus de
dépérissement de la grande famille Jia. La symbolique se manifeste au travers
des liens entre le monde extérieur et cette micro-société principalement
composée de jeunes femmes et de jeunes filles.
Les
portraits sont la grande réussite du « Rêve dans le pavillon rouge
». Le nombre de personnages de ce roman dépasse les
700, dont une bonne centaine sont vraiment typiques. Cao Xueqin
a pu saisir précisément la psychologie de chacun d'entre eux, ainsi que les
sentiments, complexes, et variables des femmes, et surtout ceux des jeunes
filles. Il a réussi à dévoiler à travers une profonde sympathie leurs attentes
de la vie, et notamment leur aspiration à l'amour. Dans cette œuvre
monumentale, l'auteur révèle non seulement la richesse et la profondeur des
sentiments humains, mais également les restrictions imposées et les diverses
influences exercées par l'environnement et la société. Ces portraits sont
emplis de caractère et de vitalité.
Son
langage, ses structures et ses personnages atteignent le sommet de la
littérature classique
chinoise. La valeur artistique du « rêve dans le pavillon rouge
» se révèle dans une lecture sans fin.
De cet ouvrage littéraire, on dit que non seulement les hommes
de lettres doivent absolument lire, mais également les hommes de guerre.
L'ancien Président chinois Mao Zedong (Mao Tsé Toung) a proposé au général Xu
Shiyou, qui avait été un rude guerrier lors des époques de la guerre civile, de
la guerre de résistance contre le Japon et de la guerre de libération, de lire
ce livre à ses heures de loisirs.
Fleur en fiole d’or (Jin ping mei)
« Fleur en fiole d’or »[6]
est l'un des plus
célèbres romans chinois classiques du XVIe siècle. Il conte les mille aventures
licencieuses pittoresques et constitue un document très vivant sur les moeurs
de la société de cette époque.
Bien qu'il emprunte une
part de sa matière à Au bord de l'eau (Shuihu zhuan) – en fait, un épisode
secondaire narré dans les chapitres 23 à 27 –, à certains récits (conte et
roman) en langue vulgaire, c'est la première œuvre romanesque d'ampleur (100
chapitres) à sortir, pour l'essentiel, du pinceau d'un seul auteur. Que celui-ci
soit un écrivain de renom tel que Tang Xianzu (1550-1616) ou un lettré obscur,
peu importe. Il fut aussi habile à tisser une trame romanesque aux nombreuses
ramifications qu'à la soutenir sur la longueur par maints récits mineurs et
descriptions foisonnantes.
L'ensemble est porté par
une maîtrise singulière de la langue vulgaire. Conscient de sa responsabilité
de narrateur, l'auteur réussit à varier les registres, sans s'interdire le
recours à un érotisme parfois torride qui condamna le roman à être mis à
l'index. Qu'à l'instar de son préfacier, on le considère comme « obscène
pour la bonne cause » ou « aucunement licencieux », comme son
plus fervent commentateur et partisan Zhang Zhupo qui l'éditera dans une
version allégée de bon nombre de ses poèmes en 1695, le Jin Ping Mei est un
livre véritablement extraordinaire. Il narre l'ascension puis le déclin d'un
marchand nommé Ximen Qing, avide de richesses, d'honneurs, tout autant que de
conquêtes féminines. S'étant acheté une charge qu'il peine à remplir, il réunit
autour de lui cinq concubines dont Pan Jinlian (Lotus d'or), qui ne le rejoint
qu'après avoir dûment empoisonné son mari, et Li Ping'er (Fiole), qui lui
donnera un fils.
Grand consommateur
d'aphrodisiaques – penchant qui le perdra –, il prend, de force s'il
le faut, son plaisir avec plus d'une dizaine d'autres femmes, jeunes et moins
jeunes, parmi lesquelles Pan Chunmei (Fleur-de-Prunier), la très jolie servante
de Lotus d'or.
Le lecteur a donc en
toile de fond une peinture au vitriol de la société à une époque minée par la
corruption du milieu mandarinal. Le roman, toujours interdit en Chine, reçut
plusieurs suites dont celle de Ding Yaokang (1599-1669) vers 1660 (Xu Jin Ping
Mei) ; Cao Xueqin (1715 ?-1763) s'en inspira tout en s'en démarquant
dans le « Rêve dans le pavillon rouge ».
[3] Extrait de l'ouvrage "Comment lire
un roman chinois " Jacques Dars et Chan Hinghuo. Ed. Philippe
Picquier.
au autre article aborde ces garnds classiques : http://livresalireabsolument.com/classiques-de-la-litterature-chinoise/
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