vendredi 9 novembre 2012

Xi Jinping, produit de l'élite et de la révolution


D'après

PEKIN (Reuters) - Il y a trois ans au Mexique, le futur probable numéro un chinois Xi Jinping avait donné un rare aperçu de son futur rôle à la tête de la deuxième puissance mondiale.
Issu de l'aristocratie révolutionnaire et ayant vécu dans le tumulte de la "révolution culturelle" maoïste, Xi arbore habituellement le costume sombre et l'impassible masque public qui sied à tout dirigeant du Parti communiste chinois.
Mais lors d'une allocution au Mexique en 2009, il a baissé sa garde, se livrant à une défense forcenée de son pays contre les critiques étrangères.
"Au coeur de l'agitation financière internationale, la Chine a toujours été capable de trouver des solutions pour nourrir ses 1,3 milliard d'habitants et cela était déjà notre plus grande contribution au genre humain", a-t-il fait remarquer, suscitant bientôt l'ovation des internautes chinois.
"Certains étrangers aux ventres repus et qui n'ont rien de mieux à faire nous montrent du doigt", a-t-il poursuivi. "Premièrement, la Chine n'exporte pas la révolution ; deuxièmement, elle n'exporte pas la famine et la pauvreté ; et troisièmement, elle ne vous embête pas. Que dire de plus ?"
Xi devrait retrouver jeudi son masque d'impassibilité en montant sur le devant de la scène du Palais de l'assemblée du peuple à Pékin pour l'ouverture du XVIIIe congrès du parti au cours duquel il endossera le manteau de chef du parti hérité du président Hu Jintao.
Lors du congrès, Xi Jinping, actuel vice-président, devrait succéder au chef de l'Etat Hu Jintao en qualité de secrétaire général du parti avant d'accéder à la présidence lors d'une séance plénière annuelle de l'Assemblée nationale populaire.
Agé de 59 ans, Xi est le fils de l'ancien vice-Premier ministre réformiste Xi Zhongxun, également ancien vice-président du Parlement. Cette origine fait de lui l'un de ceux qu'on appelle en Chine les "petits princes rouges" - les fils ou filles privilégiés de dirigeants soit en place, soit à la retraite ou défunts.
Il grandit au sein de l'élite du parti avant d'assister, à l'aube de la "révolution culturelle", à l'éviction de son père du pouvoir. Xi lui-même, à cette époque, passe des années dans la misérable campagne chinoise avant d'accéder à l'université, puis au pouvoir.
"JEUNE INSTRUIT"
Il part travailler dans les campagnes déshéritées du nord-est de la Chine comme "jeune instruit" durant le chaos de la "révolution culturelle" de 1966 à 1976, et y devient un responsable de commune rurale.
Né dans la province défavorisée du Shaanxi, dans le centre-nord de la Chine, Xi obtient un diplôme d'ingénieur à l'université pékinoise Tsinghua, réservée à l'élite, par laquelle sont passés nombre de dirigeants, dont l'actuel n°1 Hu Jintao. Il est également le détenteur d'un doctorat en théorie marxiste de la même université.
Marié à la chanteuse Peng Liyuan, plus célèbre que lui en Chine, il suit depuis le début des années 1980 une carrière politique dans les provinces, tout d'abord comme chef du PC d'un comté rural du Hebei, province qui entoure Pékin. Il est alors un des rares à pouvoir accéder au numéro un d'alors du PCC, Hu Yaobang, dans le complexe résidentiel des dirigeants, le Zhongnanhai, situé juste à l'ouest de la Cité interdite à Pékin.
Il est ensuite muté en 1985 dans le Fujian, province côtière stratégique car située en face de Taiwan. En août 1999, il est nommé gouverneur de cette province, dont une série de dirigeants venaient d'être pris dans le filet d'une enquête anti-corruption.
Trois ans plus tard, il est muté dans la riche province orientale du Zhejiang, dont l'économie en plein boom est dominée largement par le secteur privé.
En mars 2007, Xi gravit de nouveaux échelons en étant nommé chef du PC pour Shanghai, la capitale financière et ville la plus riche de Chine, dont son prédécesseur, Chen Liangyu, a lui aussi été pris dans une affaire de corruption qui lui a coûté son poste.
Il occupe cette fonction jusqu'en octobre 2007, date à laquelle il est promu membre du Comité permanent du bureau politique, plus haut organe décisionnel du parti.
Xi s'est forgé une image d'homme politique discret et parfois direct. Il s'est plaint des discours et écrits des responsables obscurcis par le jargon du parti et a exigé davantage de franc-parler.
Considéré comme un réformiste prudent, partisan du développement du secteur privé, il a pour ami l'ancien secrétaire américain au Trésor Henry Paulson, qui voit en lui "le genre de types qui sait comment atteindre un objectif".
Eric Faye et Juliette Rabat pour le service français, édité par Jean-Loup Fiévet

jeudi 1 novembre 2012

Corruption dans l'armée chinoise


L'armée chinoise perturbée par un scandale de corruption

PEKIN (Reuters) - Un général chinois lancé dans une croisade contre la corruption et proche de Bo Xilai a perdu de grandes chances d'être promu au sein de la puissante Commission militaire centrale, indiquent trois sources indépendantes.
Le général Liu Yuan, commissaire politique du département de logistique de l'Armée populaire de libération (APL), a notamment contribué à la mise en cause du général Gu Junshan, qui sera jugé dans les mois qui viennent devant une cour martiale.
Dans un article paru ce mois-ci, le magazine Phoenix, basé à Hong Kong et soutenu par Pékin, a prédit que le procès Gu mettrait au jour la plus vaste affaire de corruption au sein de l'armée depuis la prise du pouvoir par les communistes en 1949.
Le journal appartient au même groupe que Phoenix TV, une chaîne qui fut la première à annoncer la disgrâce de l'ancien chef du Parti communiste de Shanghai Chen Liangyu en 2006.
Gu Junshan s'est bâti selon Phoenix un luxueux domaine dans le centre de Pékin mais le journal ne donne pas d'autres précisions, notamment sur la somme d'argent impliquée.
Gu Junshan a été limogé cette année de son poste de directeur adjoint du département de logistique générale de l'APL et placé en garde à vue, mais on ignore tout de sa situation actuelle et ni lui, ni ses proches, n'ont pu être joints.
"Gu Junshan est visé depuis cinq mois par une enquête. C'est un dossier complexe et difficile", explique l'une des trois sources interrogées par Reuters. "C'est une épée à double tranchant qui donne à la fois de la crédibilité et provoque du ressentiment parmi les officiers."
GUERRE À LA CORRUPTION
En aidant à faire tomber Gu, Liu Yuan a cherché à se poser en combattant résolu de la corruption afin d'accroître ses chances de promotion à l'occasion du vaste renouvellement de l'état-major chinois lié au XVIIIe Congrès du Parti communiste (PCC) qui s'ouvre le 8 novembre.
Mais le pari s'est retourné contre lui, déclare une autre source. "Liu Yuan est devenu un héros anti-corruption", dit-elle en ajoutant que Liu a offensé des personnalités de haut rang "ce qui a diminué ses chances de promotion".
En outre, la proximité des liens entre Liu et Bo Xilai, l'ancien chef du PCC dans la municipalité autonome de Chongqing tombé en disgrâce en début d'année, n'a pas arrangé le cas du général.
Selon cette même source, l'enquête concernant Gu Junshan est désormais bouclée et le dossier entre dans sa phase judiciaire.
Liu Yuan, un "petit prince", fils de l'ancien président Liu Shaoqi mort en prison durant la Révolution culturelle (1966-76), avait promis de mener une lutte acharnée contre la corruption au sein de l'APL lors d'une réunion à huis clos en janvier dernier, devant 600 généraux.
Il n'avait pas mentionné spécifiquement le cas de Gu Junshan, mais ce dernier a été relevé de ses fonctions le mois suivant et les accusations sur internet se sont multipliées à l'époque contre l'ancien officier alors chargé de superviser la construction des casernes et autres chantiers de l'APL.
La Chine a pris des mesures contre la corruption militaire à la fin des années 1990, en interdisant à l'APL de faire des affaires, mais celle-ci est revenue au fil des ans, facilitée par le manque de transparence.
En 2006, l'ancien commandant adjoint de la marine, Wang Shouye, a été condamné à la prison à vie pour le détournement de 160 millions de yuans (20 millions d'euros).
Jean-Stéphane Brosse pour le service français