mercredi 10 novembre 2010

Retrouver en nous la femme originelle !

Dans un roman, toutes les Qualités se valent

Dans un message précédent, j'ai suggéré que le cadrage de l'Action Conforme [Action mobilisant un Objet conforme avec une Qualité conforme] dans un roman comme Au bord de l'eau donnait plus de poids à la "logique de l'Objet", qu'au "système de la Qualité finale".

Quels procédés concrets le roman met-il en oeuvre ?

Tout d'abord il y a une multiplicité des personnages, chacun ayant sa manière à lui de mener une épreuve. Lorsque le système de la Qualité Finale prime, c'est pour ériger une Qualité en Qualité finale, et subordonner les autres qualités à cette finalisation. Cela revient à ordonner et à qualifier les Objets (êtres vivants et inanimés) selon cette subordination des Qualités. Ainsi l'Objet-femme est subordonné à l'Objet-homme.

Dans le roman, toutes les Qualités sont mises "à égalité". Aussi, je dirai que si des épreuves - un duel, une accusation, une tromperie, une rencontre avec un tigre, etc.. - sont similaires, aucune ne suivra un déroulement identique. Par exemple, lorsqu'il s'agit de tuer un tigre, les circonstances varient. Wu Song tue un tigre à mains nues qui terrorise la population.  Par contre, de Li Kui,  il est dit qu'il massacre quatre tigres qui ont dévoré sa mère.

Si bien que le plaisir du lecteur nait de la perception des différences entre les déroulements des épreuves et les révélations diversifiées de Qualités témoignées par les Objets.

Le roman met en scène les confrontations culturelles

Les Qualités se valent, certes, mais gardent leur consistance. La vie culturelle de la Chine est caractérisée par la confrontation de cultures différentes  : l'animisme, le taoïsme, le bouddhisme, le confucianisme. Les unes insistent sur la conformité du comportement social, les autres sur la conduite de soi, les unes sur la reproduction, les autres sur la transformation.

Ce qui fait l'intérêt d'un roman, c'est la cohérence apportée dans la mise en scène des systèmes de Qualités et la description des interactions entre ces systèmes. Cette interaction est simple lorsque un preux est traité " injustement " devant un tribunal pour meurtre de juste vengeance ou inscription écrite sous l'effet de l'ivresse. Les valeurs d'honneur ou de sincérité entrent en conflit avec les valeurs de respect des lois sociales et de l'autorité de l'Empereur selon des rituels sociaux codifiés.

Mais la description de la confrontation est d'autant plus subtile et captivante lorsque elle oppose le mari et l'épouse, deux amis, un disciple et son maître, et surtout le personnage à lui-même.

Ce qui est passionnant dans le roman Au bord de l'eau, tient à ce que chaque personnage ne peut être qualifié de "parfait". Un  comportement "Qualité conforme" dans une situation sera suivi de la manifestation d'un comportement non conforme, mais pourtant effectué avec la même Qualité.

Un exemple immédiat est fourni par les discussions des lecteurs autour du chef de la bande réfugiée dans le Mont Liang, Song Jiang. Beaucoup de lecteurs chinois ont une opinion critique à l'égard de Song Jiang, qu'ils accusent de traîtrise à l'égard de ses frères d'armes. C'est en effet en étant au service de l'empereur, et plus particulièrement lors d'une campagne militaire contre un rebelle du nom de Fang La (ou Fang Xi), que le groupe va commencer à s'affaiblir et se diviser.

Il est aussi reproché à Song Jiang d'avoir tué Li Kui, en lui faisant boire le même vin que celui avec lequel il fut empoisonné. Beaucoup de lecteurs chinois estiment  irréaliste la fin du roman, car Song Jiang aurait pu assurer une meilleure situation à ses compagnons.

Par rapport à ces critiques, rappelons que Song Jiang est devenu un brigand à son corps défendant. Sa vie bascule une première fois lorsqu'il prend le risque d'aider Chao Gai et six autres héros du roman, coupables d'avoir volé les cadeaux d'anniversaire destinés au ministre corrompu Cai Jing.

Son épouse infidèle, Yan Poxi, menace de le dénoncer aux autorités lorsqu'elle découvre une lettre de remerciement signée Chao Gai à l'attention de Song Jiang. Tuant sa femme en essayant de récupérer le document, Song Jiang n'a alors plus d'autre choix que de devenir un rebelle. Au Mont Liang, ce n'est pas lui qui s'érige en chef de bande : ce sont ses pairs qui le désignent comme chef.

Song Jiang incarne la Qualité de la Fidélité à la parole donnée et la loyauté envers le Premier Engagement. Le roman décrit comment cette Fidélité est mise à l'épreuve, mise à l'épreuve dans des alternatives de vie ou de mort. Être fidèle à son épouse ou à son "grand frère" Chao Gai , être fidèle à sa bande ou à l'Empereur. Les alternatives débouchent sur des échecs dont les effets sont dramatiques : la mort de ceux que l'on aime.

Cependant, là où le roman devient formidable  - ce qui a fait dire à certains critiques que Au bord de l'eau est le plus grand roman de la littérature mondiale - c'est que l'échec apparent d'un personnage révèle un ressort culturel caché. Ce qui est échec pour la Qualité incarnée par le personnage de Song Jiang est réussite pour la Qualité d'un autre personnage : Li Kui. En se faisant accompagner par Li Kui dans sa mort, Song Jiang permet l'accomplissement de la Qualité incarnée par Li Kui : l'énergie de la Femme ancêtre.

Li Kui, celui qui peut tuer sans pouvoir être tuer, est paradoxalement heureux de mourir de la main même de son chef. Voici les circonstances :

Song Jiang, est piégé par des magistrats corrompus qui lui ont offert un vin empoisonné : il sait qu'il va mourir. Il craint alors que Li Kui ne cherche à venger sa mort en se rebellant contre l'Empereur, ce qui les ferait tous deux rester dans la postérité comme des bandits, non comme des héros. Song Jiang invite donc Li Kui et lui fait boire le même vin. Plus, il lui dit pourquoi il empoisonne. Li Kui ne témoigne aucune colère, se contentant d'un seul souhait : être enterré aux côtés de Song Jiang.

A la fin du roman, Li Kui réapparait une dernière fois dans un rêve de l'Empereur : alors que ce dernier se voit dans le repère des bandits du Mont Liang, où les différents héros l'accueillent avec déférence, Li Kui surgit haches en mains et se rue vers le Fils du Ciel... Ce dernier se réveille juste avant de recevoir un coup fatal, et sa maîtresse, Li Shishi, lui explique que les Saints Hommes ont le pouvoir d'apparaître dans les rêves des vivants...

En mourant, Li Kui s'accomplit donc comme Saint Homme. Cette qualité de Saint Homme avait été suggérée dans des aventures antérieures le mettant aux prises avec des Sages Taoïstes.Cependant, le roman ne dit pas "Li Kui est un Siant Homme". Il met en scène l'épreuve dans son lieu et son moment. Li Kui, force brutale, force immaîtrisable de la Nature, finalement se règle par les valeurs de Loyauté et de Fidélité.

Li Kui ou une des unifications de la culture chinoise

Je tiens la figuration de Li Kui comme une clé fondamentale de la culture chinoise. Au début du blog, j'ai insisté sur la diversité des symboliques des différents peuples, des différentes cultures que la culture chinoise à chercher à intégrer. Cf les tableaux que j'ai proposé.

J'ai posé comme hypothèse que pour trouver des articulations, la culture chinoise a recherché des fondements communs. Par exemple, les figures antinomiques du Phénix et le dragon ont été articulées autour de la communauté tenant la " ligne communautaire de l'énergie" dans la fête du bateau dragon. L'énergie de l'équipe Phénix - la communauté rassemblée - se déploie au cours d'une épreuve qui met en jeu la maîtrise de l'eau en conduisant le bateau Dragon. Le déploiement de cette énergie reprend la figure du déploiement de la fleur.


Tenir la ligne de l'énergie, c'est à la fois chevaucher le Dragon comme respecter les lois qui apportent au royaume la prospérité et aux habitants, la justice. Il y a un lien étroit entre la fête des Barques-dragons et la commémoration du suicide du poète Qu Yuan, célébré pour ses mérites civiques. La plupart des Chinois font de ce suicide la raison de la course.

 Les Qualités figurées par Li Kui, selon moi, introduisent une unification entre le Bouddhisme et le Taoïsme. Voilà mon raisonnement. D'abord mes deux prémisses :

1/ Le bouddhisme est une variante des rituels de purification de  l'âme des morts

Dans le Bouddhisme, l'être vivant est l'incarnation d'un mort qui n'est pas complètement purifié. Le corps et ses passions, ses souffrances, représentent les bribes de chair qui s'attachent toujours à " l'os de l'âme ". L'enjeu est donc de mourir absolument, de parvenir au Rien. La mort doit donc être facile à accepter. De même, cela doit être facile de faire mourir une autre personne.

 Dans le roman Au bord de l'eau, toutes les transgression morales sont décrites et notamment le plaisir de tuer sans discernement ou de manger vivant un homme. Li Kui, le tourbillon noir, incarne ces transgressions.

Sans doute, ces tueries, ces atrocités, ce cannibalisme, ces transgressions étaient régulièrement pratiquées par les soldats, les bandits ou des personnes assoiffées de vengeance.

Mais dans le roman, il se dégage un sentiment que la mort représente l'épreuve de vérité. Li Kui figure la facilité de la mise à mort. Rien ne résiste à la mort en marche.

Celui qui meurt a plusieurs devenirs. Le plus exemplaire des devenirs est incarné par le sage Taoïste que Li Kui coupe en deux au milieu de la nuit. Au matin, Li Kui retrouve le sage bien vivant, en train de prier paisiblement. Le Sage Taoïste figure le mérite et le savoir dans l'effort pour l'immortalité.A l'inverse, les hommes méprisables sont comme de la viande d'animal. Qu'ils soient déjà morts ou encore vivants, ils sont justes bons à fournir des escalopes ! Li Kui les découpe en tranches comme il le ferait d'un bœuf.

2/ Le Taoïsme représente le pouvoir de l'homme sur la femme.


Nous avons, au cours des message précédents, commentés plusieurs manifestation culturelles du pouvoir du Yang masculin sur le Yin. Ce pouvoir ne s'exerce pas seulement par la fortification du Yin de la femme grâce à la présence en elle du Yang masculin. Ce pouvoir s'exerce par la capacité de l'homme à faire usage en lui du Yin féminin pour s'assurer l'immortalité.


L'homme est à la fois homme et femme. En contre point de l'excitation sexuelle de la femme, est vraiment homme celui qui articule son propre Yin, sa femme virtuelle, à son Yang. La semence mâle fait retour vers le cerveau comme semence à la fois mâle et femelle. C'est la métaphore, selon moi, de la Nature domestiquée par la Société. C'est la pulsion animale canalisée par la Règle.


J'en viens maintenant à la conclusion de mon argumentation


Unifier Bouddhisme et Taoïsme par une femme ancêtre pur Esprit

 Dans le Bouddhisme, la Qualité Finale est "la Mort". Dans le Taoïsme, la Qualité Finale est "la femme Réglée" (je m'autorise ce jeu de mots). Pour qu'il y ait un fondement commun, il faut qu'il y ait, à l'origine des hommes et des femmes, une "femme morte, ancêtre survivant sous la forme d'une Règle", une "Nature, morte en tant que corps, mais survivant comme Esprit de Règle / Esprit de Société". 

Dans le Bouddhisme frotté au Taoisme, je conjecture que le Sage n'est plus enfanté par une femme réelle, mais par une femme ancêtre. Se purifier, c'est aller au bout de la purification de la femme ancêtre, afin qu'elle ne soit plus qu' Esprit de Règle.
Dans le Taoïsme, l'homme, au moment même de l'acte charnel, va susciter en son corps la femme ancêtre. Mais l'enjeu est de transformer, dans la remontée de la semence vers le cerveau,  la femme ancêtre en pur Esprit.

L'excitation de la femme réelle facilite la venue de la femme ancêtre entre les deux amants. La femme y gagne une réassurance. L'homme, lui y gagne bien plus. La fusion avec la femme ancêtre possédant l'immortalité de l'Esprit lui communique. l'immortalité.

En attendant le rapport sexuel, comment se manifeste structurellement la place de la femme ancêtre au sein de l'homme. Elle se manifeste comme énergie inépuisable, passions irrépressibles, indifférence à la mort, la sienne comme celle des autres, attachement à la mère . Nous avons là les caractéristiques de Li Kui.
 
Les lecteurs notent comment Li Kui est attaché à sa mère, comme à toutes les mères. Cependant, cet attachement se concrétise par un épisode de dévoration de la mère par des tigres. De la mère il reste que des os ! Mais, fort de cette mère réduite en os, Li Kui va tuer les quatre tigres responsables !

Voilà le récit :

L'importance de prendre soin de sa mère
Li Kui se distingue par son courage et sa férocité, étant toujours en première ligne et éliminant multitude d'ennemis avec ses deux haches. Il est surnommé Tourbillon noir. Membre incontesté de la bande du Mont Liang, Li Kui décide d'aller chercher sa mère pour la faire vivre à ses côtés. En route, il se fait attaquer par un bandit de grands chemins, Li Gui, qui clame être Le Tourbillon Noir. Facilement défait, il ne doit sa survie qu'à la piété filiale de son vainqueur : il lui raconte être contraint d'endosser le rôle de voleur pour nourrir sa mère, âgée de 80 ans.

Ému par cette invocation à la mère, Li Kui laisse partir Li Gui et lui donne même un peu d'argent. Plus tard, Li Kui arrive dans une maison où il demande l'hospitalité et nourriture à la femme présente. Lorsque le mari de celle-ci revient, il s'agit de Li Gui. Li Kui parvient à entendre une de leurs conversations : ils veulent capturer Li Kui pour l'échanger contre une récompense auprès des autorités.

Furieux d'avoir été trompé, Li Kui tue Li Gui, tandis que la femme de ce dernier s'échappe.  Li Kui, qui a faim, n'hésite pas à prendre de la viande sur la jambe de sa victime et de la faire griller afin d'accompagner son bol de riz d'un peu de viande. Acte de cannibalisme !
Li Kui massacre quatre tigres

Quatre tigres massacrés pour avoir dévoré la mère du Tourbillon Noir

De retour dans son village natal, Li Kui retrouve son frère Li Da, qui le dénonce aux autorités. Le Tourbillon Noir s'enfuit avec sa vieille mère, la portant sur son dos.

En chemin, ils s'arrêtent à une colline pour se reposer. La mère demande de l'eau, et Li Kui s'empresse d'en chercher. A son retour, il ne reste que quelques morceaux du corps de la vieille femme, dévorée par des tigres.

Fou de rage, Li Kui va traquer et attaquer les fauves dans leur tanière. Il en massacre quatre, se rendant ainsi célèbre auprès des chasseurs locaux. Cette célébrité ne peut néanmoins atténuer sa tristesse.



La femme qui accouche, symbole de la transmission du savoir

 Le hasard de mon voyage en chine m'a mis en présence des peintures de Huashan. Je les imagine facilement munies de haches à chaque main, tourbillonnant sur elles-mêmes.



Je viens de montrer à une série d'amis et de connaissances, mon analyse de ces peintures rupestres de Huashan dans le Guangxi. Plusieurs confirment que cette figuration évoque une représentation répandue en Océanie et en Asie de la femme originelle. Les bras et les jambes écartés seraient la stylisation d'une femme qui accouche. L'étoile dans le cercle styliserait la protection apportée au bébé.

Cette femme symboliserait la transmission de la tradition et des règles. Sur le site du Musée du Quai Branly
on peut lire :
"Dans les cultures non occidentales, les effigies féminines incarnent souvent des ancêtres.
En relation avec le monde des esprits, d’un au-delà dont elles sont les figures tutélaires, elles représentent aussi des déesses-mères ou des divinités farouches, protectrices, porteuses de sagesse, nobles ou hiératiques, gracieuses ou sensuelles, le plus souvent symboles de fertilité.
Quant à l’image de la maternité, récurrente dans l’art africain essentiellement, elle renvoie à l’idée de perpétuation du lignage ou du clan, et de transmission du savoir
."


Sans doute, vous m'accuserez d'extrapoler à partir de bribes de lectures ou de rencontres de hasard en voyage, une hypothèse hautement fantaisiste.

J'insiste : mon hypothèse porte en elle des éléments de cohérence qui apportent des clés de compréhension de faits culturels anciens et modernes.

Par exemple, dans le film de Chou Chou qui s'appelle " Si près du soleil ", pourquoi la mère est-elle absente dans la famille d'accueil de la femme étrangère. Il est suggéré dans le film que cette femme étrangère vient de l'Occident. Mais ne serait-elle pas la réincarnation de la femme ancêtre, cependant malade des maux de la société moderne ?

Les deux voies chinoises de la femme ancêtre dans l'homme et la femme

Dans le schéma ci-dessous, je synthétise le propos du message. A  l'origine la femme ancêtre, figurant à la fois la femme qui accouche et les os purifiés du cadavre. Situé dans le Nirvana, elle resplendit de lumière.

A l'organe sexuel de la femme - situé dans la montagne Nature - répond l'organe féminin de l'homme, stimulé par les secrétions de la femme.

L'homme, quittant les passions et la folie guerrière de Li Kui devient alors immortel. Quant à la femme, ressourcée en énergie, rêve de pierre, elle contribue à faire fructifier la nature : enfants et jardin.


Notons la singularité du pictogramme qui symbolique l'homme : deux mains au bout de deux bras écartés. N'est-ce pas accueillir, de la femme ancêtre, le Don des valeurs à respecter ?

Notons, à l'inverse comment le pictogramme de la femme se caractérise par la soumission : les bras sont croisés, les jambes sont repliées. Je conjecture que c'est le Respect du à la femme ancêtre, considérée comme Mère.

La postérité de la complémentarité "Taoïsme sexuel et Li Kui"

Et les hommes chinois aujourd'hui ? Eh bien, ils semblent suivre les traces de Li Kui : beuverie sans retenue. Et pendant leurs beuveries, ils se font accompagner d'une présence féminine à la manière taoïste : cf.nos messages précédents sur l'alcool consommé sans retenue, et du statut de la femme comme support pour la virilité.

mardi 9 novembre 2010

Au bord de l'eau : Li Kui, le Tourbillon noir, un des personnages fameux

Présentation écrite par Nicolas Jucha

Personnages de la littérature chinoise : Li Kui, le Tourbillon noir (Au bord de l'eau)

Li Kui est un paradoxe. Immoral, cruel, violent voir cannibale, il fait partie des personnages les plus populaires du roman classique "Au bord de l'eau". Les Chinois apprécient tout particulièrement sa franchise, sa loyauté ainsi que son courage sans borne.

Fiche

Nom : Lǐ Kuí (李逵)
Surnoms en français : Le Tourbillon noir / le Boeuf de fer

Surnoms en anglais : The Black Whirlwind / Iron Ox)
Surnom en chinois : hēi xuàn fēng 黑旋風

Position dans la bande du Mont Liang
22e astre céleste, chef de l'infantrie et proche de Song Jiang
Chapitres où il apparaît : 8-44, 47, 48, 50-54, 61, 63, 67, 68, 71, 72, 75, 77, 78, 86, 88, 90-92, 100
Chapitre où il quitte l'histoire : 100 (empoisonné par Song Jiang, il apparaît dans le rêve de l'Empereur à la toute fin du roman)

Le plus immoral des héros

Le plus immoral des hérosLi Kui fait partie des héros les plus atypiques du roman "Au bord de l'eau" : il a une apparence rustre avec son corps puissant, sa peau foncée, ses yeux sombres et sa barbe hirsute. Doté d'une puissance peu commune, d'où l'un de ses surnoms "Boeuf de fer", seul Lu Zhishen dispose d'une force brute comparable.

Personnage littéraire très populaire, Li Kui est probablement le plus immoral des bandits du Mont Liang, et pourtant, il est l'un des plus proches et aimés du chef Song Jiang. Car même si le Tourbillon Noir -surnom dû à sa peau sombre et sa puissance en combat- crée souvent des problèmes là où il passe, il a le mérite d'être parfaitement loyal, filial et sans peur.

Li Kui a trois dépendances : l'alcool, la viande et le jeu. Mais le pire reste son caractère exécrable et son côté incontrôlable : seul Yan Qing, grâce à ses grands talents de lutteur, parvient à se faire obéir du Boeuf de fer.

Armé de deux haches, Li Kui inspire la peur sur le champ de bataille, et peut à lui seul tuer multitude d'ennemis en combat. C'est donc fort logiquement qu'il est un leader de l'infanterie de Liangshan, et n'hésite jamais à se placer ailleurs qu'en première ligne avec ses hommes.

L'ami intime de Song Jiang

L'ami intime de Song JiangOriginaire de la province du Shandong, Li Kui doit quitter le comté de Yishu après avoir tué un homme suite à une dispute. Il devient gardien de prison à Jiangzhou sous le commandement de Dai Zong, un autre futur bandit du Mont Liang. C'est durant cette période qu'il rencontre le réputé Song Jiang, alors exilé pour meurtre, et se lie d'une forte amitié avec lui (soit dit en passant peu de temps après avoir essayé de l'extorquer et menacé car il ne connaissait pas son identité).

Alors qu'en compagnie de Dai Zong, il invite Song Jiang au restaurant, ce dernier a une soudaine envie de poisson. Mais l'établissement indique ne pas en avoir, alors l'admiration de Li Kui pour son nouvel ami le pousse à aller se servir auprès de pêcheurs locaux. Ceux-ci refusent néanmoins de vendre le moindre spécimen, leur patron étant absent.

Il n'en faut pas plus pour excéder Li Kui et lancer une bagarre. Finalement, le patron des pêcheurs, Zhang Shun, arrive et affronte Li Kui. Dominé sur la terre ferme, Zhang Shun prend l'avantage dès lors qu'il parvient à déplacer le combat sur l'eau. Il s'en faut de peu pour que Song Jiang et Dai Zong fassent stopper les hostilités trop tard. La réputation de Song Jiang arrange encore une fois la situation : Zhang Shun et Li Kui deviennent amis et se chambrent mutuellement à propos du combat, tandis que Song Jiang obtient gratuitement les meilleurs poissons de Zhang Shun.

Un guerrier d'exception

Un guerrier d'exceptionLi Kui rejoint la bande du Mont Liang un peu plus tard, alors que Song Jiang et Dai Zong ont été arrêtés et condamnés à mort. Li Kui se joint dans la bataille menée par les bandits de Liangshan le jour de l'exécution afin de libérer et sauver les deux condamnés. Lors de cet épisode épique, Li Kui se distingue par son courage et sa férocité, étant toujours en première ligne et éliminant multitude d'ennemis avec ses deux haches.

Alors membre de la bande du Mont Liang, Li Kui décide d'aller chercher sa mère pour la faire vivre à ses côtés. En route, il se fait attaquer par un bandit de grands chemins, Li Gui, qui clame être Le Tourbillon Noir. Facilement défait, il ne doit sa survie qu'à la piété filiale de son vainqueur : il lui raconte être contraint d'endosser le rôle de voleur pour nourrir sa mère, âgée de 80 ans.

Finalement, Li Kui le laisse partir et lui donne un peu d'argent. Plus tard, Li Kui arrive dans une maison où il demande l'hospitalité et nourriture à la femme présente. Lorsque le mari de celle-ci revient, il s'agit de Li Gui, Li Kui parvient à entendre une de leurs conversations : ils veulent capturer Li Kui pour l'échanger contre une récompense auprès des autorités.

Finalement, Li Kui tue Li Gui, tandis que la femme de ce dernier s'échappe. On assiste alors à un acte de cannibalisme de l'affamé Boeuf de fer, qui n'hésite pas à prendre de la viande sur la jambe de sa victime afin d'accompagner son bol de riz.

Quatre tigres massacrés pour avoir dévoré la mère du Tourbillon Noir

Li Kui massacre quatre tigresDe retour dans son village natal, Li Kui retrouve son frère Li Da, qui le dénonce aux autorités. Le Tourbillon Noir s'enfuit avec sa vieille mère, la portant sur son dos.

En chemin,ils s'arrêtent à une colline pour se reposer. La mère demande de l'eau, et Li Kui s'empresse d'en chercher. A son retour, il ne reste que quelques morceaux du corps de la vieille femme, dévorée par des tigres. Fou de rage, Li Kui s'en va traquer et attaquer les fauves dans leur tanière. Il en massacre quatre, se rendant ainsi célèbre auprès des chasseurs locaux, ce qui néanmoins ne peut atténuer sa tristesse.

Pour lui rendre hommage, le seigneur Cao invite Li Kui. En réalité, il souhaite capture le Boeuf de fer, en complicité avec la femme de Li Gui, afin de toucher une récompense financière. Trompé par du vin drogué, Li Kui est capturé et placé dans les mains de Li Yun, à la tête de 30 gardes. Finalement, Zhu Gui et Zhu Fu, deux bandits de Liangshan, interviennent pour intercepter le convoi et libérer Li Kui. Epargné dans la bataille, Li Yun se résout à joindre la bande du Mont Liang...

Cruel et comique

Cruel et comiqueDans plusieurs autres épisodes du roman, Li Kui n'hésite pas à se montrer cruel, ni à tuer des innocents, comme l'enfant de quatre ans dont s'occupe Zhu Tong, afin de contraindre ce dernier à rejoindre la bande du Mont Liang. Mais en dépit de son côté monstreux, Le Tourbillon Noir a un aspect comique.

Lorsqu'il tue Luo le Sage, le maître taoïste de Gongsun Sheng, afin que ce dernier puisse rejoindre la bande, il a une mauvaise surprise : le lendemain du crime, Luo apparaît souriant et en bonne santé, et se permet de ridiculiser Li Kui, qui finalement admet son erreur.

Lors de son voyage avec Yan Qing pour accompagner ce dernier à une compétition d'arts martiaux, les limites de Li Kui sont mises à jour : la grande technicité en lutte de Yang Qing lui permet de régulièrement affirmer son autorité auprès du bestial Li Kui, pour une fois sous contrôle.

Après l'amnistie accordée à la bande du Mont Liang. Li Kui va participer aux campagnes militaires au nom de l'Empire Song. Il sera même l'un des rares survivants de la dernière campagne contre Fang La. Obtenant un poste officiel à Runzhou, province du Zhejiang, Li Kui ne va jamais s'efforcer de faire avancer sa carrière, regrettant simplement le passé dans le Mont Liang, et le fait d'être revenu dans le giron impérial.

Empoisonné par son plus proche ami, il hante les rêves de l'Empereur

Présent dans les cauchemards de l'empereur


Finalement, Li Kui sera empoisonné par Song Jiang, l'homme en qui il a le plus confiance : celui-ci, piégé par des magistrats corrompus lui ayant offert un vin empoisonné, craint que Li Kui ne cherche à venger sa mort en se rebellant contre l'Empereur, ce qui les ferait tous deux rester dans la postérité comme des bandits, non comme des héros. Song Jiang invite donc Li Kui et lui fait boire le même vin. Mis au courant du stratagème par Song Jiang, Li Kui ne témoigne aucune colère, se contentant d'un seul souhait : être enterré aux côtés de lui.

Li Kui réapparait une dernière fois dans un rêve de l'Empereur : alors que ce dernier se voit dans le repère des bandits du Mont Liang, où les différents héros l'accueillent avec déférence, Li Kui surgit haches en mains et se rue vers le Fils du Ciel... Ce dernier se réveille juste avant de recevoir un coup fatal, et sa maîtresse, Li Shishi, lui explique que les Saints Hommes ont le pouvoir d'apparaître dans les rêves des vivants...

mercredi 3 novembre 2010

La force subversive du roman "Au bord de l'eau"

 La culture chinoise est-elle uniquement une culture des Qualités ?

 Le code érotique, le Yin et le Yang, la Terre et le Ciel, le microcosme et le macrocosme, les paradoxes de l'immortalité, chaque élément du monde, chaque Objet, semble être dominé par une mise en ordre sociale selon des Qualités qui s'organisent entre elles selon des cases où les complémentaires prennent place dans une savante hiérarchie.

Je propose ce schéma :

Chaque fois qu'il y a une montagne, est-ce une occasion pour un homme de renforcer sa force virile par de féminines vapeurs ou rêves de pierre ?

Eh bien, non ! Il y a une série de romans chinois qui dynamitent cette logique où les qualités priment. L'Objet y retrouve sa force matérielle de provocation à la découverte du nouveau, d'incitation à l'invention. Voici un de ces fameux romans.

Le roman Au bord de l'eau Shui Hu Zhuan

Relatant l’histoire de 108 brigands chevaliers, fondateurs d’une société secrète, en lutte contre le pouvoir corrompu, "Au bord de l’eau  Shui Hu Zhuan " écrit par Shi nai'an et Luo Guan Zhong (*), est probablement le plus fameux roman d’aventure jamais écrit. Ce roman permet de tout savoir sur la Chine médiévale, les jeux entre les pouvoirs, les sociétés secrètes et toutes sortes de coutumes. Par exemple, comment tuer un tigre à main nue, ou comment certaines auberges tuent les voyageurs et les proposent en plats cuisinés aux autres voyageurs.

(*)traduit et annoté par Pierre Dars - Editions de la Pléiade NRF Gallimard. Egalement en collection de poche.

Pourquoi "Au bord de l'eau" est un roman fondamental pour la culture chinoise !

Ce qui m'intéresse ce roman est sa rupture culturelle avec le système traditionnel des Qualités. Chaque individu est une individualité. Aucun individu ne peut être réduit à un type, type qui illustrerait une Qualité. Au contraire, chaque individualité combine plusieurs qualités.

Il y a deux méthodes

1/ la première est de multiplier les quasi-semblables, et de personnaliser chacun des héros. Les ressemblances superficielles volent en éclats !

2/ La seconde méthode est de plonger chaque héros de de multiples situations, de lui faire affronter des épreuves dans ce que les sociologues appellent des "champs de légitimités" : la cour impériale, la maison familiale, le monastère, l'auberge, la forêt, le marché, l'intrigue féminine, l'embuscade, le duel, l'invitation d'un admirateur. A chacune des épreuves, le héros acquière une nouvelle qualité.

La multiplication des quasi-semblables

Voici l'effet produit sur un lecteur chinois par la dynamisation du héros type : un effet de transgression, accompagné du choc créé par une rencontre avec la vérité en chair et en os.  Là où la tradition aurait renforcé les traits généraux du fier gaillard (jizhangfu), le roman créé au contraire quatre personnes radicalement distinctes : Lu Da, Lin Chang, Yang Zhi et  Wu Song.

Commentaire du chapitre 25 de l'ouvrage Au bord de l'eau par un de ses éditeurs, Jin Shengtan

" Le début du livre peignant Lu Da, qui est le summum du fier gaillard (jizhangfu), on n'imagine pas que par là dessus sera peint Lin Chang, nouveau summum du fier gaillard. Peindre Lu Da, puis peindre encore Lin Chang, c'est déjà une fameuse prouesse, mais l'on n'imaginait pas que par là-dessus viendrait encore la peinture de Yang Zhi, autre summum du fier gaillard! Et ces trois gaillards ont  chacun leur cœur, chacun leur esprit, chacun leur allure, chacun leur vêtement, et - semblables aux héros des fresques de Yan et de Wu dans leur pourpris étoilés et leurs palais marins et entourés des divinités au complet - leur miséricorde est une vraie miséricorde, leur colère, une vraie colère, leur beauté, une vraie beauté, leur laideur, une vraie laideur !

Quand l'art atteint à ce degré, il ne saurait aller plu loin, et quand l'admiration atteint à ce point, elle non plus ne peut aller plus loin. Et pourtant, ces deux peintres recèlent encore dans leur sein d'autres figures de pinceau sublimes et hors normes, et il y a encore ce qu'on appelle « matière de nuées et écrit de dragon », beauté de soleil et couleur de lune, ce qui est totalement étranger à ce que la technique ou l'esprit de ce monde peuvent concevoir, à ce que l'œil peut voir, à ce que la main peut saisir, à ce que le pinceau peut rendre.

Eh bien! C’est à présent exactement le cas du Shuihu de Shi Nai'an ! Après avoir décrit les trois gaillards Lu Da, Lin Chang et Yang Zhi, après avoir mené l'art à son apogée, l'admiration à son apogée, au point où l'art, où l’admiration ne peuvent aller plus loin, voici soudain qu'il retient ou lâche les rênes, et que derechef son pinceau s'élance dans un tourbillon d'encre, et voici qu'il crée, partir de rien, le personnage du capitaine Wu Song!

Quand il m'a été donné de lire ce texte et que je me suis figuré ce personnage, j'ai vu que son cœur n'était pas celui de Lu Da, ni de Lin Chang, ni de Yang Zhi, que son esprit et ses soucis n'étaient pas ceux des trois autres, que sonn allure et son accoutrement n'étaient pas non plus ceux des trois autres.

Me l'étant donc figuré, je suis alors tourné au texte et sur ces bases, je l'ai relu lentement, puis rapidement, puis continûment, puis épisodiquement, puis en le teintant d'accent du Hunan, puis en le rugissant comme un léopard, eh bien ! Miséricorde ! chaque passage, chaque paragraphe, chaque phrase, chaque mot, en vérité, étaient hors de ce que l'esprit d'un lettré peut concevoir, de ce que son œil peut voir, de ce que sa main peut saisir, de ce que son pinceau peut teindre! C'était véritablement « matière de nuées et écrit dragon », beauté de soleil et couleur de lune, hors normes et sublime. Et dans ces conditions, si l'on voulait encore mesurer le génie de cet homme de génie en quintaux et en boisseaux, pauvre de nous, on verrait en maints droits qu'il est incommensurable et sans mesure ! " Extrait de l'ouvrage "Comment lire un roman chinois " Jacques Dars et Chan Hinghuo. Ed. Philippe Picquier.

Ce roman est donc basé sur la multiplication des personnages, 108 héros, auxquels s'ajoutent d'autres personnages plus ou moins importants comme Chao Gai, le mentor de Song Jiang, le maréchal corrompu Gao Qiu ou l'empereur lui-même...

Le site icilachine.com fournit la liste des personnages du roman Au bord de l'eau :

Les 108 héros de Liangshan

Les astres célestes
Il s'agit des personnages clés de l'histoire. Certains ont un passé particulièrement mouvementé, ce qui alimente certains des passages les plus croustillants du roman (Lu Zhishen, Wu Song, Lin Chong, Yang Zhi...).

D'autres, se révéleront importants auprès de Song Jiang que ce soit comme conseiller (Wu Yong), magicien (Gongsun Sheng) ou même porte parole voire espion (Chai Jin et Yan Qing).

Enfin, il ne faut pas oublier dans cette liste les brillants guerriers emmenés par Guan Sheng (un descendant du célèbre Guan Yu, personnage important du "Roman des Trois Royaumes"), Lin Chong, Qin Ming, Huyan Zhuo ou encore Hua Rong, le célèbre archer du groupe.

1 - Song Jiang, le Héraut de Justice.
2 - Lu Junyi, la Licorne de Jade.
3 - Wu Yong, L'Astre de Sapience.
4 - Gongsun Sheng, Le Dragon-entre-les-nuages.
5 - Guan Sheng, le Grand Cimeterre.
6 - Lin Chong, Tête de Léopard.
7 - Qin Ming, la Foudre.
8 - Huyan Zhuo, Double Fouet.
9 - Hua Rong, le Petit Li Guang.
10 - Chai Jin, le Petit Ouragan.
11 - Li Ying, L'Aigle-fouette-ciel.
12 - Zhu Tong, Belle Barbe.
13 - Lu Zhishen, Le Bonze-Tatoué.
14 - Wu Song, le Pèlerin.
15 - Dong Ping, Double Lance.
16 - Zhang Qing, Flèche sans penne.
17 - Yang Zhi, le Fauve-à-face-bleue.
18 - Xu Ning, le Lancier d'or.
19 - Suo Chao, le Téméraire.
20 - Dai Zong, le Messager Magique.
21 - Liu Tang, le Diable-à-poils-roux.
22 - Li Kui, le Tourbillon Noir.
23 - Shi Jin, le Dragon Bleu.
24 - Mu Hong, l'Indomptable.
25 - Lei Heng, le Tigre Volant.
26 - Li Jun, le Dragon-brasse-fleuve.
27 - Ruan le deuxième, Trépas Instantané.
28 - Zhang Heng, le Nautonier.
29 - Ruan le cinquième, Mort Prématurée.
30 - Zhang Shun, l'Anguille Blanche.
31 - Ruan le septième, le Yama Vivant.
32 - Yang Xiong, le Guan Suo Malade.
33 - Shi xiu, Brave-la-mort.
34 - Xie Zhen, le Serpent-à-deux-têtes.
35 - Xie Bao, le Scorpion-à-deux-queues.
36 - Yan Qing, le Prodige.

Les 72 astres terrestres

Ils sont inférieurs en terme de capacité au combat ou ont une personnalité moins prononcées, mais malgré tout ont un rôle important. Certains se démarquent plus que d'autres comme le tacticien Zhu Wu, le spécialiste en artillerie Ling Zhen, Song Qing, le jeune frère de Song Jiang ou encore Shi Qian, le voleur et acrobate inégalable pour atteindre les lieux inaccessibles.

1 - Zhu Wu, le Génial Tacticien.
2 - Huang Xin, le Maître des Trois Monts.
3 - Sun Li, le Yu-chi Malade.
4 - Xuan Zan, le Hideux.
5 - Hao Siwen, le Gémeau.
6 - Han Tao, l'Invincible.
7 - Peng Qi, l'Œil Céleste.
8 - Shan Tinggi, le Mage de l'Eau.
9 - Wei Dingguo, le Mage du Feu.
10 - Xiao Rang, le Calligraphe à Main Surnaturelle.
11 - Pei Xuan, le Masque de Fer.
12 - Ou Peng, Ailes d'Or dans les Nuages.
13 - Deng Fei, le Lion aux Yeux de Feu.
14 - Yan Shun, le Tigre de Moire.
15 - Yang Lin, le Léopard de Brocart.
16 - Ling Zhen, le Tonnerre-fracassant.
17 - Jiang Jing, le Dieu du calcul.
18 - Lü Fang, le Petit Duc Wen.
19 - Guo Sheng, le Rival de Ren-gui.
20 - An Daoquan, le Mire-Surnaturel.
21 - Huang-fu Duan, Moustache pourpre.
22 - Wang Ying, le Tigre nain.
23 - Hu la Troisième, Vipère d'une Toise.
24 - Bao Xu, le Dieu des funérailles.
25 - Pan Rui, le Roi-démon bouleverseur de mondes.
26 - Kong Ming, la Comète.
27 - Kong Liang, le Météore.
28 - Xiang Chong, le Na-Tuo à huit bras.
29 - Li Gun, le Grand Saint volant.
30 - Jin Da-jian, l'Artisan aux bras de jade.
31 - Ma Lin, l'Immortel à la flûte de fer.
32 - Tong Wei, le Crocodile hors du Trou.
33 - Tong Meng, le Serpent de Mer.
34 - Meng Kang, Hampe de Jade.
35 - Hou Jian, le Gibbon.
36 - Chen Da, le Tigre sauteur de ravin.
37 - Yang Chun, Le Serpent à taches blanches.
38 - Zheng Tianshou, le Sieur à face blanche.
39 - Tao Zong Wang, Tortue-à-neuf-queues.
40 - Song Qing, Eventail-de-fer.
41 - Yue He, Sifflet-de-fer.
42 - Gong Wang, le Tigre Bleu.
43 - Ding De-sun, Le Tigre à Raillonnade.
44 - Mu Chun, le Redoutable.
45 - Cao Zheng, le Démon du Couperet.
46 - Song Wan, le Vajra dans les nuages.
47 - Du Qian, Touche le Ciel.
48 - Xue Yong, Le Tigre malade.
49 - Shi En, le Léopard aux yeux d'or.
50 - Li Zhong, le Tueur de Tigres.
51 - Zhou Tong, le Petit potentat.
52 - Tang Long, le Léopard à taches d'or.
53 - Du Xing, Face de Démon.
54 - Zou Yuan, le Dragon hors des bois.
55 - Zou Run, le Dragon unicorne.
56 - Zhu Gui, le Caïman sur le sec.
57 - Zhu Fu, le Tigre Hilare.
58 - Cai Fu, Bras de Fer.
59 - Cai Qing, la Fleur.
60 - Li Li, l'Abrégeur de jours.
61 - Li Yun, le Tigre-aux-yeux-verts.
62 - Jiao Ting, Connaît-personne.
63 - Shi Yong, le Général-de-pierre.
64 - Sun Xin, le Petit Yu-chi.
65 - Grande sœur Gu, la Tigresse.
66 - Zhang Qing, le Jardinier.
67 - Sun-la-cadette, l'Ogresse.
68 - Wang Ding le Sixième, L'Eclair.
69 - Yu Baosi, le Dieu des coupes-gorges.
70 - Bai Sheng, le Rat en plein jour.
71 - Shi Qian, la Puce sur le tambour.
72 - Duan Jingzhu, le Chien à poil d'or.

A cette liste on peut ajouter Chao Gai, le Roi-céleste-porteur-de-pagode, leader de la bande jusqu'à son décès. Ce n'est qu'après sa disparition que Song Jiang, sorte de fils spirituel de Chao Gai, prendra la tête des 108 héros du Mont Liang. 

Les principaux alliés des 108 héros de Liangshan

Cette liste n'est pas exhaustive, mais présente les principaux personnages qui au fil de l'histoire vont prêter main forte aux rebelles du Mont Liang.

Squire Song (le père de Song Jiang)
Wang Jin (le maître d'armes de Shi Jin)
Wu l'aîné (frère de Wu Song)
Luo le Sage (le maître de Gongsun Sheng)
Li Shishi (prostituée favorite de l'empereur)

Les principaux ennemis

L'empereur Hui Zong appartient à la fois à cette liste comme à celle des alliés des héros de Liangshan. Ennemi, il l'est à l'origine quand les 108 bandits sont dans une situation de rébellion. Allié, il le devient quand il leur accorde une amnistie.

Mais dans les faits, la situation sera quelque peu complexe, l'empereur étant largement influencé par les cadres corrompus de son gouvernement. Ces derniers haïssent les braves de Liangshan, et feront donc tout pour les détruire.

Les officiels corrompus du gouvernement :

Maréchal Gao Qiu
Le jeune maître Gao (fils de Gao Qiu, convoite l'épouse de Lin Chong)
Cai Jing (Premier ministre à la cour de l'empereur, ses cadeaux d'anniversaire sont volés par Chao Gai)
Prefet Gao Lian (préfet de Gaotang et cousin de Gao Qiu)
Tong Guan (chancelier des affaires militaires)
Huang Wenbing

Les personnages qui vont trahir l'un des héros du récit :

Yan Poxi (la femme adultère de Song Jiang)
Zhang Wenyuan (assistant de Song Jiang, amant de l'épouse de ce dernier)
Pan Jinlian ou «Lotus d'or» (femme adultère de Wu l'aîné)
Maîtresse Wang (la femme qui aide Pan Jinlian à tromper son mari)
Ximen Qing (l'amant de Pan Jinlian)
Li Gu (chef intendant de Lu Junyi)
Lu Jia (femme adultère de Lu Junyi)

Les bandes rivales et autres adversaires des 108 héros :

Wang Lun (chef originel de Liangshan)
Seigneur Zhu et ses trois fils
Luan Tingyu (professeur d'arts martiaux dans la famille Zhu)
Seigneur Zeng Nong et la famille Zeng (ses fils les 5 tigres)
Shi Wengong (maître d'armes de la famille Zeng)
Ren Yuan (champion de lutte célèbre)

Le Royaume Liao des Tartars

Le roi Yelü Hui des Liao
Le Prince Yelü Dezhong des Liao (frère du roi des Tartars)
Le maréchal Chu Jian

De nombreux généraux de grande valeur sont cités dans le récit.

Le Royaume rebelle de Fang La

Fang La (chef de la révolte)
Fang Mao, le 3e grand prince (frère de Fang La)
Fang Tianding (fils aîné de Fang La)
Chen Guan
Pu Wenying l'eunuque (astrologue à la cour de Fang La)
Deng Yuanjie (conseiller national de Fang La)
Shi Bao (grand général de Fang La)
Li Tianrun
Bao Daoyi (astrologue royal)
Zheng Biao (assistant de Bao Daoyi)
Pang Wanchun (grand archer de Fang La)
Fang Jie

La succession des épreuves et des acquisitions de Qualités

Le héros est un objet en situation. Ses Qualités se révèlent au cours de la confrontation avec les autres héros. Je propose ce schéma :

Pour concrétiser ce schéma, voici les épreuves aaffrontées par Wu Song


Une force de la nature

Wu Song vient de Qinghen, dans la province du Shandong. Il nous est présenté comme un bel homme et une force de la nature : il est particulièrement grand et musclé, ce qui lui fait dégager une impression de puissance. Egalement expert en arts martiaux, il s'avère donc logiquement être un guerrier de tout premier ordre.

Il a néanmoins un grand point faible : son goût pour l'alcool, qui le rend souvent incontrôlable. Un jour d'ivresse, il tue d'ailleurs un homme en pleine dispute, et se retrouver obligé d'aller se réfugier chez Chai Jin. C'est là qu'il rencontre Song Jiang, avec qui il devient frère juré.

Son récit commence alors : il décide de rentrer dans sa région natale, mais en chemin il passe par le col de Jingyang. Ivre, il n'écoute pas le conseil des personnes qu'il croise : ne pas s'aventurer dans l'endroit de nuit à cause d'un tigre mangeur d'hommes qui terrorise la population.

Wu Song tue un tigre à mains nues

Wu Song tue un tigre à mains nuesTrop pressé pour être lucide, Wu Song traverse l'endroit et y perd son chemin. L'inévitable se produit quand il se retrouve en face du féroce animal. Il va finalement l'affronter et le vaincre à mains nues, pur ce qui reste l'un des grands épisodes du roman.

Fort de cet exploit surhumain, Wu Song devient le héros de la population locale et obtient le poste de chef de la police de Yanggu. Par chance, il retrouve sur place son frère aîné, Wu Dalang, qui contrairement à lui est laid et extrêmement petit.

Wu Song va donc vivre chez son frère et son épouse Pan Jinlian. Mais celle-ci s'avère être de petite vertu : elle est belle et jeune, son mariage a été arrangé mais ne lui convient guère. Elle tente une première fois de séduire Wu Song, mais celui-ci la repousse sans ménagement.

La froide vengeance face à Ximen Qing et Pan Jinlian

Quand Wu Song part pour deux mois en mission à Kaifeng, où il doit assurer une livraison d'or, Pan Jinlian commence à nouer une relation avec Ximen Qing, un riche entrepreneur local qui est tombé rapidement sous le charme de la jeune femme.

Afin de devenir des amants réguliers, ils empoisonnent Wu l'aîné, qui meurt avant le retour de son frère. Quand ce dernier apprend le décès de Wu Dalang, il se doute de la culpabilité de sa belle soeur et se voit conforté par un officiel intègre qui lui confirme l'empoisonnement.

Cependant, la justice corrompue ne veut pas agir malgré les preuves, et Wu Song décide de venger son frère lui-même : Ximen Qing et Pan Jinlian sont tous les deux assassinés et leurs corps découpés en plusieurs parties pour être sacrifiés à la mémoire de Wu Dalang.

Après cet épisode d'une grande violence, Wu Song se rend à la justice sans aucune résistance : impressionné par sa valeur morale, le juge le condamne à un simple exil, alors que la femme qui avait aidé Pan Jinlian à entrer en relation avec Ximen Qing, est exécutée sur la place publique.

Une série d'aventures sanglantes

Une série d'aventures sanglantesExilé à Menzhou, Wu Song rencontre sur sa route les étranges teneurs d'auberge Zhang Qing et sa femme Sun Erniang. Cette dernière cuisine régulièrement des raviolis farcis de chair humaine prise sur les voyageurs qu'ils ont drogués pour les voler...

Wu Song ne tombe pas dans le piège, et affronte la terrible femme, jusqu'à ce que Zhang Qing vienne mettre fin aux hostilités et se lier d'amitié à Wu Song.

Plus tard, ce dernier devient l'ami du fils du gouverneur de Menzhou, Shi En, lequel apprécie le côté héroïque et brave de son captif. En remerciement du traitement de faveur qu'il reçoit, Wu Song l'aide dans une querelle qui l'oppose à un caïd local, Jiang Zhong.

L'homme, après avoir battu Shi En, s'est emparé de son restaurant, et donc des profits qui vont avec. Wu Song humilie le bandit et le force à rétrocéder l'établissement. Mais Jiang Zhong connaît bien le puissant officiel Zhang, qui s'arrange pour inviter Wu Song chez lui, le mettre en confiance, puis l'accuse de vol et le fait exiler à Enzhou.

Pendant ce temps, Jiang Zhong reprend le contrôle sur Shi En et son restaurant... L'histoire semble prendre une tournure des plus mauvaises... Mais Wu Song n'a pas l'intention d'en rester là : il tue d'abord les deux gardes qui avaient pour mission de l'escorter (et avaient été soudoyés pour le tuer), puis retourne à Menzhou où il massacre toute la famille, servants et enfants inclus, du gouverneur Zhang, avant de mettre fin à la vie de Jiang Zhong.

Wu Song le Pèlerin

Par la suite, il repasse à l'auberge de Zhang Qing et Sun Erniang, qui pour l'aider à échapper aux autorités, ont l'idée de le déguiser en moine taoïste (en lui donnant les vêtements d'une de leurs victimes), ce qui lui vaudra son surnom de «Pèlerin».

C'est dans cet accoutrement qu'il rencontre un autre personnage important du roman, et avec lequel il va devenir très proche : Lu Zhishen. Ensemble, ils prennent le contrôle de la forteresse située sur la montagne des Deux Dragons (Er Long Shan).

Après la bataille de Qingzhou, qui voit une alliance de bandits menées par Liangshan vaincre l'armée impériale dirigée par Huyan Zhuo, Wu Song rejoint la cause de Song Jiang dans la forteresse de Liangshan.

Le 14e astre céleste

Le 14e astre célesteIl va devenir l'un des leaders de l'infanterie de la bande, et après l'obtention d'une amnistie impériale, suivra ses frères d'armes dans les campagnes militaires au nom de l'empire des Song, face aux Tartars au nord, et face aux rebelles du sud comme Fang La.

Lors de l'une des batailles finales contre ce dernier adversaire, Wu Song va passer très près de la mort : le magicien Bao Daoyi, à l'aide de son épée magique, lui tranche le bras gauche. Il ne devra son salut qu'à l'aide in-extremis de Lu Zhishen...

Rendu infirme, Wu Song, bien qu'en droit d'obtenir un poste officiel, se retirera dans la Pagode de Liu He, où il prendra soin de son frère d'armes Lin Chong, victime d'une paralysie totale. Le Pélerin s'éteindra à 80 ans après une fin de vie paisible.

 Wu Song est un Objet d'autant plus emblématique de l'objet comme association de qualités en situation, car il apparait dans un autre roman avec des aventures différentes !

 

Wu Song dans le Jin Ping Mei

Histoire dérivée du roman «Au bord de l'eau», Jin Ping Mei est présenté par ses détracteurs comme une vulgaire oeuvre pornographique, alors que les plus enthousiastes le voient comme la 5e merveille de la littérature chinoise avec «Au bord de l'eau», «Le roman des trois royaumes», «Le Rêve dans le Pavillon Rouge» et «Voyage en Occident».

L'intrigue est liée à l'histoire de Wu Song dans «Au bord de l'eau», mais ne fait pas pour autant du Pèlerin le héros principal, qui est Ximen Qing.

Comme dans «Au bord de l'eau», Wu Song va chercher à venger son frère, mais contrairement au premier roman, dans «Jin Ping Mei» il se trompe d'homme et tue un innocent, d'où sa condamnation à l'exil.

A son retour, Ximen Qing a déjà succombé à une maladie, il se contente donc de tuer la femme adultère de son frère.


A voir  sur Ici la Chine : l'ensemble du dossier sur le roman "Au bord de l'eau" 

Le corps en Chine : l'impossible Objet

Le corps de la montagne, notre corps : jeux de regards

Hua shan : la peinture de montagne. Cela peut s’entendre en « la montagne nous peint ce que nous devons savoir de la montagne ». Par la peinture tracée sur son corps, la montagne nous parle de ce qui est essentiel à entendre. Par la peinture, la montagne provoque notre regard. Mais, inversement, avec cette peinture, la peinture nous regarde. Elle nous interpelle de son énergie

Donc peindre la montagne, c’est faire surgir le regard de la montagne comme énergie. Ainsi débute le célèbre traité de peinture « Jardin du grain de moutarde » :
« En considérant un corps humain, on doit s’intéresser au souffle énergie (qi) ainsi qu’à l’ossature. Or les rochers son l’ossature du Ciel et de la Terre et le souffle énergie les habite aussi. C’est pourquoi on appelle les rochers « racines de nuage ». Des rochers sans souffle énergie sont des rochers morts, exactement comme l’ossature d’un corps humain est une ossature morte ».
On l’a vu dans le précédent message sur Huashan : la peinture-écriture de la montagne nous enseigne la logique des Respects afin qu’hommes et femmes accèdent à leurs qualités respectives.

En Chine, la peinture est donc une mise en correspondance des Qualités. L’homme se représente selon une attitude de Respect envers la manifestation de l’énergie Yin dans un paysage de montagne ou de la lune. Ce Respect masculin se développe à travers le regard. Regard tel que le paysage ou la lune regarde à leur tour celui qui regarde.

Regardons de nouveau l'image vue sur Huashan, l'homme regardant l'animal, l'animal regardant l'homme :


Le traité du Jardin du grain de moutarde, apprend à figurer le personnage selon l’expression de ce Respect où le regardant et le regardé se tournent l’un vers l’autre. « C'est comme si l'homme regardait la montagne et que la montagne également se penchait pour le regarder. » Ou encore: «Un homme jouant du luth doit paraître écouter la lune et l'on dirait aussi que la lune, dans son calme, est en train d'écouter le luth ».. Sinon, poursuit le peintre, « la montagne est simplement la montagne, et l'homme est simplement l'homme » ..

Le corps, Objet occidental

Or en Occident, l’homme n’est pas définit par un système de correspondance entre Qualités permettant l’expression d’un Respect et l’imprégnation de l’énergie Yin. L’homme est caractérisé comme corps. Et le corps s’analyse comme une morphologie : une logique de la forme.

Nous reproduisons ici l’analyse de François Jullien dans son ouvrage Le nu impossible [en Chine]
… La science anatomique a connu en Grèce un développement remarquable (Galien): l'anatomie répond, en effet, au goût des Grecs pour l'analyse. Or, c'est ce savoir qui, dans la tradition européenne, est invoqué à la base de l'art du peintre. Dans son Traité de la peinture, Léonard de Vinci ne cesse d'y revenir; le savoir du peintre, en ce domaine, ne sera jamais trop précis: « Le peintre qui a la connaissance de la nature des nerfs, muscles et tendons saura bien, dans le mouvement d'un membre, combien de tendons, et lesquels, provoquent ce mouvement, et quel muscle, en se gonflant, est cause du raccourcissement du tendon, et quels ligaments, convertis en très fins cartilages, entourent et enveloppent le muscle en question. »

Et Léonard de poursuivre: « Il saura ainsi représenter les muscles, de façon diverse et universelle ... » Diversité en même temps qu'universalité, telle est bien, en effet, la double exigence qui est en cause : car, sous la variété de ses manifestations phénoménales, transparaît l'unité d'une loi; la démarche est scientifique. Pour Léonard comme pour toute la peinture classique, en Europe, le corps humain est un corps physique soumis à des principes rigoureux de tension musculaire, d'équilibre et de pondération. À la fois régi de l'intérieur par la causalité des forces et perçu de l'extérieur selon les lois de l'optique.

Aussi, pour rendre ce corps, qu'il conçoit toujours d'abord nu, à titre d'épure, et s'en servant comme cas de figure, le peintre doit-il étudier la composition des forces, analyser les mouvements selon poussée et traction, évaluer les points d'effort, déterminer les points d'appui; il construit des axes, déduit les centres de gravité et de sustentation; il est géomètre en même temps que physicien, calcule en termes d'angle, détermine les proportions et établit des équations (cf. l’extrait du Traité de la peinture de Léonard de Vinci).


En Occident, nous nous attachons à l'identité ainsi qu'à la spécificité des composants morphologiques (organes, muscles, tendons, ligaments, etc.). Nous reconstruisons le corps humain à partir de sa charpente organique, pour le penser ensuite en mouvement selon un jeu complexe de forces à calculer.

Le corps chinois comme différentiels d'énergies en circulation

Nous citons l'analyse de François Jullien :
« Le corps humain, en Chine, est tout autrement perçu .. L'anatomie a fort peu intéressé les Chinois, elle reste chez eux très grossière: car ils prêtent moins d'attention qu'à la qualité des échanges qui s'opèrent entre le « dehors » et le « dedans » et assurent ainsi au corps entier sa vitalité.

C'est pourquoi ne fait pas problème, à leurs yeux, que le corps dévêtu soit figuré sommairement comme un sac: celui-ci est un réceptacle percé de trous; mais, comme tel, il est le contenant d'énergies infiniment subtiles, dont il importe de suivre la diffusion
.. les Chinois perçoivent [le corps] comme traversé de conduits énergétiques servant à la circulation de l'énergie physiologique se manifestant dans les divers pouls; le corps n'est pas régi par un rapport causal (l'effet se mesurant au même endroit à différents moments), mais, disent les sinologues occidentaux pour mieux cerner ici la différence, par un rapport «inductif» (Porkert), de «corrélati vité» et de réso¬nance (Needham), reliant au même moment des points différents mais se répondant. Car très tôt les Chinois ont eu connaissance de points à la surface du corps à travers lesquels certains symptômes pouvaient être repérés et des malaises influencés: c'est par liaison de ces points sensitifs, concavités palpables à la surface du corps servant d'ouverture pour le passage de l'énergie (xue: point de tonification, de disper¬sion, point source, point de réunion, etc.), qu'ont été détectés ces conduits énergétiques (ou «méridiens» : jingmo) qui, telles les lignes de force d'un champ magnétique, sont des vecteurs d'énergie au travers du corps - cette énergie parcourant le corps selon des chemins définis (de la même façon, nous dit Porkert à titre d'image, qu'un cours d'eau est révélé par des sources jaillissant au travers des perforations du sol) ; les troubles physiologiques se propagent le long de ces sinartéries entre l'intérieur du corps et sa surface; comme c'est le long de ces mêmes circuits qu'ils sont traqués par le diagnostic et la thérapie (voir l'acupuncture, cf. planches p. 35-37).



Cette circulation est intérieure, et le nu n'en laisse rien paraître - que ce soit dans sa forme, dans son volume ou dans le poli de sa chair. Or, quand il peint un personnage, c'est cette communication de souffles invisibles, le reliant au dehors et l'animant intérieurement, que tend à rendre le peintre chinois: puisque c'est elle qui tient en vie."

mardi 2 novembre 2010

Qualités et Personnes : le Respect dans les peintures rupestres de Huashan

Les peintures rupestres de la Montagne aux fleurs

Pour aller voir les peintures rupestres de Huashan, "la Montagne aux fleurs", située près de la frontière avec le Vietnam, il faut aller prendre le bateau dans un petit village, puis remonter le fleuve. Pour éviter la dégradation du site, le chemin terrestre a été interdit aux voitures. Donc, un bateau emmène les visiteurs, qui ne peuvent que "toucher des yeux".

En fait, "Hua shan"  peut se dire "Fleurs dans la montagnes" ou "Peintures dans la montagne" : il y a équivalence entre peinture et fleur dans le terme " Hua "

Il pleut : la brume couvre les sommets des pics de ce relief dit karstique. Le long du fleuve, le vert de la végétation étincelle.


Il nous faut 30 minutes pour accéder au site. Surprise : le site est bâché. Le guide explique qu'une crue a sapé le terrain sous le site. Aussi, des travaux de protection ont été entrepris.


Le bateau approche. Il est possible de voir quelques peintures.


Le bateau se rapproche. Nous discernons des motifs : des hommes, un animal. L'animal est retourné sur le dos. L'impression donnée est celle d'une chute, chute de l'animal, chute des hommes qui écartent les jambes. Le guide insiste sur la difficulté de peindre dans un tel lieu.

Il est difficile de s'élever, mais il est facile de chuter. Or, ce qui est paradoxal, c'est que les figures évoquent, au contraire de la chute, le saut.
Là où il y a chute, là se trouve la plus grande élévation !


Le bateau se rapproche au plus près de la falaise. Je m'aide du téléobjectif pour préciser l'image.


Les hommes ont comme un bâton qui leur traverse le corps. Ou est-ce une lance qui les transperce ? Est-ce la représentation d'une lance qu'ils portent en bandoulière ? Est-ce une scène de chasse où les hommes entourent un animal abattu ?
De près, il est possible de distinguer un chien, des poignards dans les mains des hommes. Cela confirme la description d'un scène de chasse.

Une autre évocation surgit. Les jambes écartées font penser maintenant à une danse où les danseurs sauteraient. Une étoile dans un cercle évoque le soleil.Une danse consacré au soleil ?


Mais, si l'on écarte la projection figurative, on peut être sensible à la similarité entre la pliure des bras et des jambes. Cette pliure indique l'articulation des membres. Le chien, l'animal au sol,  ne possèdent pas cette pliure, cette marque de l'articulation. Cela suggérerait que la Qualité propre de l'homme soulignée ici est l'articulation.

Le bateau se déplace, nous amène à la vision d'une nouvelle image comprenant plusieurs dizaines de figures.


Une ligne horizontale accroche le regard. le long de cette ligne semble se déplacer un animal (un chien ?) Ici, ce qui frappe est la qualité de représentation ce cet animal en mouvement. Les pliures de ses membres donnent une impression de fluidité dans son déplacement. Autant le mouvement de l'animal apparait naturel, autant les mouvements des hommes sembles absents. Ce sont des signes qui se multiplient à l'identique. Sauf que ..


Une des figures est dotée d'yeux et d'une bouche. Elle semble attirer l'attention de l'animal. Alors que d'autres figures ont cinq doigts au bras, cet homme avec tête ne possède que trois doigts. Par contre nous distinguons des pieds tous identiques. En tout cas, l'animal nous parait présent, fort d'une énergie propre, humanisé par cette interaction avec la figure humaine.


Que se passe-t-il entre ces hommes stylisés et cet animal ? Est-ce une scène de domestication ? Ou le prélude à une chasse ?

 L'artiste (le chaman ?) saurait représenter un homme dans son mouvement, mais il multiplie les signes dès qu'il s'agit d'hommes. Seul un homme s'impose un peu plus humain que les autres.

 Nous donnant à voir de nouvelles figures, le guide indique : " voyez ces danseuses ".


Pointe la peinture au téléobjectif, je déplace mon regard sur la droite, vers l'arrière de l'animal. L'usure de la roche a dégradé la peinture. Effectivement, il y a des figures que je qualifierais plus de "féminines". Représentent-elles des danseuses pour autant ?


Ce sont des profils d'une taille plus petite que les figures avoisinantes. Elles donnent à voir comme des cheveux longs. Les ventres semblent arrondis. Une des figures semble porter une queue qui est attachée sur les fesses. L'articulation des membres est figurée de façon à suggérer une danse.

Lorsque je regarde l'image dans sa globalité, le long de la ligne, ces deux "danseuses" donne l'impression de suivre l'animal. Autour de cette procession, des hommes regarderaient et danseraient ?



Témoignage de claire 

L'écriture des Qualités

Pourquoi appeler ces images des peintures ? J'y vois plutôt de l'écriture. Des histoires sont écrites et sont transmises. Ces histoires parlent d'hommes, de femmes et d'animaux. Ces histoires mettent en scène des situations types. Les représentations d'un homme, d'une femme, d'un animal ne sont pas les signes d'être réels mais de Qualités : Qualité de l'Homme, Qualité de la Femme, Qualité de l'Animal. Je recompose l'ensemble de l'image autour des rapports à l'animal, en suivant la ligne horizontale.


Ces Qualités sont mises en relation :
- la Qualité Homme fait face à la Qualité Animal.
- la Qualité Femme suit la Qualité Animal, deux silhouettes dansant comme l'animal peut "danser" dans sa marche, portant queue et crinière comme un animal ; l'animal est "Un", mais les femmes sont "deux".

Les Qualités Animal et Femme sont entourées de multiples Qualité Homme : lignes articulées, énergie du soleil, trait de la lance ou du poignard.

Je suggère que nous tenons ici une des caractéristique de l'écriture chinoise. Cette écriture situe les individus et les objets par rapport à leurs Qualités respectives, au sein d'un système des Qualités. Ceci expliquerait la force culturelle des comportements associés à telle ou telle Qualité.

Quelles qualités sont ici symbolisées ?  Yau Shun Siu nous donne une piste : les différentes formes de respect dans les anciens pictogrammes chinois.

Le respect exprimé par les bras et les jambes écartées de l'homme se retrouveraient dans les pictogrammes de l'amitié, de respect et du respect de Dieu, où les mains sont présentées écartées

... en règle générale, à la différence des caractères formés d'une seule "main" indiquant un acte manuel et physique, ceux ayant pour composant deux mains (ou deux bras) ont souvent une signification propre à la culture chinoise. C'est le cas, par exemple, des caractères gong   saluer les mains jointes en signe de respect, ou de you   amitié, ou encore du caractère ruo saluer le Dieu. ..

Dans le tableau ci-dessous, nous voyons comment le pictogramme archaïque de l'homme indique l'usage des deux mains ouvertes. Par contre, le pictogramme de la femme elle-même suggère une femme en vue latérale, courbée. Ceci se rapproche de la position "arrondie", "latérale", des femmes qui suivent l'animal.

Archaïques Ren arch.png U5973-radical-38 early-form.svg Zi arch.png Ri arch.png Yue arch.png Shan arch.png Chuan arch.png
Sigillaires Ren sigil.png Nuu sigil.png Zi sigil.png Ri sigil.png Yue sigil.png Shan sigil.png Chuan sigil.png
Modernes


rén












yuè



shān



chuān
Senshommefemmeenfantsoleillunemontagnerivière

Si mon hypothèse est juste, l'image de la Montagne aux fleurs suggère trois logiques du respect.

1/ le Respect de l'Homme pour l'Animal
2/ le respect des Femmes pour l'Animal
3/ le respect des Hommes pour le respect Femme/Animal.

Cependant, comme l'association Femme/Animal classe l'homme du coté de la nature, le groupe des hommes est caractérisé par la technologie : maîtrise de l'énergie (étoile dans le cercle), armes, capacité à défier et à tuer un animal.

 La logique des Respects dans la culture chinoise

L'attitude agenouillée de la femme est usuellement interprétée comme l'expression de son respect envers son mari. Par exemple, le site chine-informations.com dit à propos de l'idéogramme de la femme :


" représente une femme agenouillée devant son époux par déférence. Les pictogrammes les plus anciens la représentent de face, tandis que c'est de profil qu'elle apparaît dès la graphie sigillaire ;"

La femme est agenouillée. Elle témoigne du respect, mais envers qui ? Son mari ? C'est ne pas comprendre l'enjeu du Respect comme système de Qualités. Ce n'est pas son mari que la femme respecte, mais sa Qualité de Femme. Et c'est en tant qu'elle respecte sa Qualité de Femme que son mari est respecté en tant qu' Homme. Dans beaucoup de messages précédents, à propos de tel ou tel trait de la culture chinoise, il est apparu cette constante que l'Homme doit, pour fortifier son énergie, se ressourcer dans la Femme comme Qualité.

Dans la culture chinoise, et dans d'autres cultures d'ailleurs, il est demandée à la femme d'être Respectueuse dans son comportement. Si la femme ne l'est pas, alors le mari apparait déconsidéré.

Peut-être le lecteur trouvera que j'extrapole trop de quelques écritures tracées à l'oxyde rouge sur une falaise à pic sur un fleuve. Mais il y a bien une logique de procession où deux femmes suivent en dansant un Animal. Je pose que cet Animal représente la Nature. C'est un lieu commun d'assigner à la Femme la Nature et l'Animalité. Par exemple, nous connaissons tous le mythe de la Mère comme Louve. Ainsi, les fondateurs de Rome, Remus et Romulus, ont été nourris par une Louve.

L'enjeu de la Femme est de se maîtriser. Tout comme la Nature doit se maîtriser. Ainsi, la danse est un spectacle ou la femme témoigne de son énergie comme Qualité de Nature et comme art de la maîtrise de cette énergie.

De même, dans le rapport sexuel, la femme doit se contrôler : son excitation, ses secrétions doivent pouvoir se transformer en énergie apte à fortifier l'énergie de l'Homme.

Regardons de nouveau dans l'image de Huashan,  le face à face entre l'homme muni d'yeux et de bouche et l'animal. La qualité de l'Homme se trouve dans l'Animal, et à ce titre l'Animal doit être respecté. Mais pour que tous les hommes puissent respecter l'Animal, il faut la dualité des relations à l'Animal :
- un homme courageux qui confronte son regard et sa voix au regard de l'Animal
- des femmes qui, participant de l'Animalité, transforme cette animalité en spectacle.

Complément sur le site : peintures accompagnant les morts ?

Sur le site balades en chine  ces informations complémentaires :
Huashan, quelques maisons adossées à un cirque d'imposants pitons karstiques au bord de la rivière Minjiang. 

A environ 40 mn en bateau, "la montagne fleurie", sur une falaise d'environ 40m de haut des centaines de silhouettes humaines et animales ont été peintes à l'ocre rouge. Signalées dans un ouvrage géographique du XV°s, ces peintures rupestres n'ont été identifiées qu'en 1950. C'est le site le plus spectaculaire des 80 répertoriés le long des rivières Ming et Zuo. Les falaises sont toutes orientées au sud et peintes avec le même pigment: du rouge d'hématite lié au sang de bœuf. Les personnages ont entre 0,40 m à 3,5m. Une des questions à propos de ces peintures est celle de leur exécution, les falaises tombant à pic dans la rivière. 

L'hypothèse la plus vraisemblable est celle des cercueils suspendus, une pratique d'inhumation répandue dans les ethnies de cette région. Les cercueils étaient descendus le long de la paroi rocheuse à l'aide de cordes et déposés sur des supports, une planche maintenue en équilibre par des chevilles fixées dans la roche.

Jambes écartées, bras écartés :  la femme Totem

La figure "jambes écartées, bras écartées" me rappelle des figures de statuettes d'autres cultures. Une recherche m'amène au Musée du Quai Branly à Paris, où on peut voir ce Totem qui était suspendu dans une Maison des hommes d'une tribu de Papouasie-Nouvelle-Guinée.


Papouasie-Nouvelle-Guinée, Moyen Sepik, début du 20e siècle, bois, pigments, fibres végétales, 118 x 64,5 cm, don Robert Chauvelot, 71.1914.1.7
" Ce crochet, impressionnant par sa taille, était installé dans les maisons cérémonielles des hommes. Il figure une femme, ancêtre primordiale d'un clan. Les motifs peints sur ses épaules et son ventre reproduisent les scarifications réservées aux ancêtres et à certaines femmes de très haut rang. Son sexe ainsi que le crochet sont cachés sous une jupe de femme en fibres. La présence d'une figure féminine dans un lieu exclusivement réservé aux hommes initiés, marque le rôle complémentaire des deux sexes dans les sociétés de Nouvelle-Guinée. 

On pendait à ces crochets des sacs de fibres qui pouvaient contenir des galettes de sagou (fécule extraite du tronc d'un palmier) que les femmes mariées apportaient aux hommes réunis dans la maison cérémonielle. Des petits sacs étaient aussi suspendus dans lesquels étaient déposés des offrandes à l'ancêtre représenté. 

Lors des initiations des jeunes garçons, ces-derniers passaient sous les jambes écartées de cet ancêtre féminin, rejouant en quelque sorte leur naissance. Ce corps féminin ne se réduit pas à un seul niveau de lecture. La position des bras et des jambes repliées évoque le monde animal. Cette multiplicité de lecture des formes est caractéristique de l'art du Sépik."

Ainsi, cette figuration "jambes écartées, bras écartées" rassemblerait à la fois la figure de l'accouchement et la figure du respect du au Totem. Cette figuration joue également avec la figure de l'Animal renversé sur le dos, pattes écartées.

Que signifie cette figuration ? Je suggère ceci : "Devenir Homme, c'est reconnaître que l'on sort du ventre de la femme. C'est regarder l'Animal en face".

L'autre écriture

En Chine, l'écriture formule les contrats sociaux entre la Société et la Nature, entre les Hommes et les Femmes.

En Occident, notre approche de l'écriture est une mise en correspondance entre des conventions de nature et de quantités avec des objets. 
Pour nous, occidentaux, l'écriture indique les Qualités des Objets échangés. Voici un extrait de la page Wkipédia sur la naissance de l'écriture :

" Les transactions entre contrées éloignées nécessitèrent la mise en place de contrats. Ces contrats étaient des boules creuses de glaise enfermant des calculi, des petites formes en argile (glaise) symbolisant des nombres sous trois aspects :
  • des sphères,
  • des cônes,
  • des cylindres,
auxquels étaient additionnées des formes conventionnelles pour désigner les choses échangées. En cas de contestation, la boule sèche sur laquelle on avait apposé son sceau pour contrôle était brisée, et la quantité de calculi et la livraison étaient comparées.

Ces transactions devenant de plus en plus complexes, le système de calculi fut conservé mais, pour se souvenir de la teneur du contrat, en sus des sceaux, des signes furent dessinés sur l’extérieur de la boule de glaise encore fraîche, afin d'indiquer le contenu de cette boule, tant en quantité (le nombre) qu’en qualité (les choses contractées). Pour ces signes, un bâton assez fin nommé calame était utilisé. Une extrémité du calame était coupé en coin ou en biais, l’autre extrémité étant coupée d’équerre : l'objet permettait ainsi de dessiner un coin, un rond et un cône, représentant ces calculi, et de dessiner les formes conventionnelles."

Ainsi, les premières écritures avaient pour objectif de garder la mémoire des termes des contrats entre un client et un fournisseur. Avec la mémoire écrite, la primauté est donnée aux Objets. Nous partons des Objets pour remonter aux Qualités.

La relation Client Fournisseur n'est plus basé sur l'invocation d'un respect mutuel, n'est pas basé sur un partage de libations alcoolisées et de l'ivresse qui s'ensuit. La relation Client Fournisseur devient une histoire de règlements exacts et de dettes en instance de règlement.

Nous en venons à oublier que les Qualités peuvent s'imposer des Objets afin de concrétiser des engagements sociaux entre différentes classes d'individus.