dimanche 18 décembre 2011

Du matriarcat au patriarcat : le manuel de sexe

Quand l'homme a accédé à la puissance sexuelle ..



L’expression « yin tao » signifie « principes de la vie sexuelle ». 


A l’origine, le terme « yin » désigne tout ce qui se rapporte au sexe, ce n’est que plus tardivement qu’on lui attribue une signification purement féminine. Egalement, le terme "yang"devient synonyme de masculinité, et introduit la possibilité de la sexualité masculine.


D'autres symboles vont venir structurer la représentation de l’homme, "le Tigre blanc" et de la femme, "le Dragon Vert". 

Homme et femme deviennent donc complémentaires dans l'acte sexuel.

Ainsi au niveau du microcosme humain l'acte sexuel représente l'union du Ciel (Yang) et de la Terre (Yin) au travers de la montée des nuages (Yun) et de la descente de la pluie (Yu). Cette union cosmique ou sexuelle représente l'unité dans l'harmonie des contraires.


D'autres symboles vont venir structurer la représentation de l’homme, "le Tigre blanc" et de la femme, "le Dragon Vert". 



Le manuel de sexe : "Comment devenir un homme sexuel"

Dès le 3ème siècle avant JC, dans la Chine ancienne, circulent des livres de recettes sexuelles: les « manuels de sexe », recueils de recettes pour une vie sexuelle conforme aux principes du Tao.  Les plus anciens de ces manuels, datent de l’époque Han, et se présentent sous forme de dialogues entre l’Empereur et l’une de ses initiatrices, voire aussi un Maître. 

Les manuels de sexe traitent de la meilleure façon de faire l’amour, de faire durer l’acte sexuel, de se donner du plaisir, d’avoir une descendance et de conserver une bonne santé. Ces livres sont tout à fait pratiques, illustrés de dessins précis, ils sont destinés aux couples débutants, les conseils s’adressent autant à l’homme qu’à la femme, mais celle-ci est souvent présentée dans un rôle d’initiatrice, sans doute en référence à un très ancien matriarcat. 

Ces ouvrages inspirés du Tao recueillent l’approbation des confucianistes car ils sont supposés ne concerner que les relations sexuelles entre époux…Le Manuel de sexe fait partie du « trousseau » de la fiancée…  Les manuels de sexe étaient illustrés et demeuraient près du lit, pour qu’on puisse les consulter et enhardir les plus pudiques. 

Peu à peu, le confucianisme pudibond viendra attribuer à l’homme une suprématie démesurée . Pourtant, les manuels de sexe ne seront pas rangés au placard, mais réservés aux ébats des époux et plus particulièrement destinés à l’homme.







Le « Tao de l’art d’aimer » 

Le Taoïsme s’intéresse au plaisir de la femme, le rôle de l’homme est de l’y conduire, ce qui suppose de sa part la maîtrise de son excitation, le contrôle de l’éjaculation, et un sens de l’observation développé. La voie du Tao est celle de l’harmonie et de l’équilibre, nul ne saurait être lésé dans l’échange sexuel…

La sexualité n’est jamais considérée comme un péché, mais comme un phénomène naturel. Une vie sexuelle active et satisfaisante est en effet une sorte d’assurance vie. Plus on s’y plonge avec délectation, plus on augmente sa longévité, et par là son prestige. 

Ces manuels mettent en exergue l’inépuisable source d’énergie que représente la femme, et donc, c’est en puisant à cette source que l’homme accroît sa propre vitalité et peut même devenir immortel. Pour mettre en pratique ces principes, l’homme doit avoir de nombreuses partenaires et les satisfaire toutes… L’union sexuelle symbolise l’union de la Terre et du Ciel.

La sexualité est certes orientée vers la procréation, mais s’inscrit sans doute bien davantage dans des parcours à la fois plus hédonistes et surtout plus spirituels. L’accomplissement de soi, passe par une vie sexuelle active et épanouie.

Le livre de Sou Nu, « La fille de la candeur »

Le livre de Sou Nu, surnommé aussi « La fille de la candeur » n’a jamais été retrouvé, mais il y est fait référence dans une collection de biographies de personnages immortels attribués à Lieo Hsiang (77 – 6 avant JC). La 63ème biographie met en scène une femme nommée Nu Ki, tenancière d’un débit de boissons qui reçut un jour de la part d’un immortel en visite chez elle, en paiement de ses fameux breuvages, le Livre de la Fille de Candeur.

Quand elle le lut, elle comprit qu’il expliquait l’art de nourrir la nature et celui des rapports sexuels. Elle recopia les passages importants, et fit aménager en grand secret une chambre à coucher dans son arrière boutique. Quand ce fut fait, elle y reçut de beaux jeunes gens qui vinrent y déguster ses liqueurs et se prêter aux exercices conseillés dans le livre. La légende veut que, après trente ans de ce régime, Nu Ki semblait encore plus jeune, plus fraîche, qu’à vingt ans. Or, l’immortel revint la voir et lui dit : « dérober le Tao et l’étudier sans un maître, c’est comme avoir des ailes et ne pas être capable de voler ! » Alors, Nu Ki laissa sa boutique et partit en compagnie de l’immortel, nul ne les revit…

Sou-Nu fut la plus célèbre des initiatrices de l’empereur Houang-Ti, grâce à son précieux manuel qui explique en détails les réactions de la femme et ce que l’homme doit faire pour la conduire à l’orgasme. 
Sou Nu décrit 5 réactions typiques :
« Si la femme désire l’union, l’homme voit sa respiration se modifier.
Si elle désire qu’il la pénètre, ses narines se dilatent et sa bouche s’entr’ouvre.
Si elle désire que monte la marée du Yin, son corps frémit et elle le serre étroitement.
Si elle aspire ardemment à être tout à fait satisfaite, elle transpire abondamment.
Si son désir a été comblé, son corps se détend et elle a les yeux clos comme si elle dormait profondément.
»


L'alchimie de l'amour physique
Il existe cependant un autre regard sur ces manuels : une lecture ésotérique et alchimique. Les symboles utilisés se réfèrent en effet à un savoir alchimique complexe, et pour réaliser leur grand œuvre l’homme et la femme devront n’en doutons pas, effectuer de nombreuses tentatives sur cette voie d’accomplissement.

Malgré diverses formes de répression à commencer par les interdictions imposées par la doctrine confucéenne, toutes les époques verront surgir des groupes mystico sectaires, prônant une activité sexuelle ritualisée dans le but d’accéder à une voie d’harmonie spirituelle, et même d’atteindre l’immortalité. le Taoïsme, affirmait que l’homme et la femme pouvaient accroître leur énergie, et leur longévité en faisant l’amour, ce qui fut à l’origine de nombreux groupes mystiques pratiquant l’acte sexuel en groupe. Depuis le second siècle de notre ère, jusqu’aux environs de 1950, plusieurs groupes se formèrent qui furent réprimés par les autorités en place…

Pour en savoir plus


La littérature érotique en Chine

La vie sexuelle dans la Chine ancienne Robert Van Gulik, éditions Gallimard, 1971

Le Tao de l'art d'aimer, Jolan Chang, éditions Calman-Lévy, 1977

mardi 13 décembre 2011

Succès des faux ventres de grossesse


Chine : le phénomène des faux ventres de grossesse

Par A.S. - Le 13/12/2011
Chine le phenomene des faux ventres de grossesse
Le déguisement de Père Noël ? Complètement has been ! En Chine, le costume du vieux barbu n’a plus la cote et se voit surpasser, en termes de ventes, par celui… de la femme enceinte ! Selon la presse chinoise, les faux ventres de grossesse connaissent en effet un succès phénoménal. Ces prothèses, réalisées en silicone, imitent la couleur et la texture de la peau, et sont disponibles en trois tailles, selon le stade de la grossesse. Pour découvrir les sensations des premiers mois, il faut compter 60 euros minimum. Les faux ventres « à terme » se vendent quant à eux 190 euros. Au pays de l’enfant unique, ce « déguisement » serait a priori très apprécié des farceuses qui souhaitent jouer un (mauvais ?) tour à leurs conjoints, mais aussi des femmes enceintes soucieuses de savoir comment évoluera leur grossesse. Les actrices seraient également bonnes clientes de ces faux bidons de femme enceinte. 

samedi 3 décembre 2011

Le Rêve dans le pavillon rouge


Les Quatre livres extraordinaires (四大奇書) sont considérés comme les plus grands classiques du roman chinois.
Ce sont par ordre chronologique :
Certains considèrent Jin Ping Mei ou Fleur en fiole d'or (金瓶梅) (1610) comme le cinquième de ces quatre classiques. Il remplace d'ailleurs parfois le Rêve dans le pavillon rouge dans la liste précédente.


Le « pavillon rouge » désigne le gynécée où les riches demeurent. L'auteur du roman, Cao Xueqin (1723-1763), n'en acheva que les quatre-vingts premiers chapitres, les quarante derniers ayant été révisés par Gao E (高鶚). Ce roman de mœurs sur la famille Jia est centré sur l'amour entre le héros Jia Baoyu (賈寶玉) et sa cousine Lin Daiyu (林黛玉) ; le titre originel de l'ouvrage était Histoire de la pierre (石頭記)

L'oeuvre la plus achevée de la littérature romanesque chinoise, en 120 chapitres ; les 40 derniers auraient été complétés vers 1795 par Gao E sur des plans laissés par Cao Xueqin (1715-1794), mais rien n'est sûr sinon les divergences des manuscrits.

"Dans une prose d'une admirable fluidité, aérée de contrepoints en vers raffinés, c'est une sorte de temps retrouvé d'une adolescence passée au milieu de jeunes filles dans une grande famille mandchoue à l'époque de sa splendeur, qui n'est plus qu'un rêve. 


Son premier titre, Histoire d'une pierre, Shitou ji, souligne la contradiction du détachement bouddhiste de la désillusion et de la transmutation salvatrice qu'opère l'attachement amoureux. La richesse de la matière a poussé la critique marxiste à qualifier le Hong lou meng d'"encyclopédie du monde féodal à son déclin".

André Lévy.




Introduction à la calligraphie chinoise


La calligraphie, shufa (en chinois) n'est pas simplement 
écrire au pinceau des caractères chinois. Elle peut se traduire par l'expression « discipline d'écriture » ou « méthode d'écriture », signifie . Pour les chinois, ce n'est pas une belle écriture, mais l'art d'écriture, comme on dit écrire de la musique ou de la poésie ou de la danse.

La calligraphie trace sur un papier blanc, par un mouvement alerte, variant selon le pinceau et l'abondance d'encre, des formes signifiées noires et blanches. La calligraphie est un art de forme. C'est aussi un art du corps. Le pinceau est la continuité du corps de l'artiste. Ce corps "est  obligé" par la subjectivité de l'artiste.



Donc la calligraphie est aussi un art expressif : elle reflète la culture, la sensibilité, le savoir et la personnalité de l'artiste. Les chinois disent : « l'écriture est la personne elle-même » ou « écrire pour exprimer son cœur ». Bref, la calligraphie est un art qui exprime l'esprit personnel. 


Par sa pratique de la composition, du rythme, de la résonance et de la règle, la calligraphie a un grand rapport avec la peinture, qu'elle a beaucoup inspiré comme elle a inspiré la sculpture classique, l'architecture et tous les arts,  Pour cela, elle est considérée comme l'âme de l'art chinois.


La calligraphie et la peinture chinoise sont liées dans une subtile hiérarchie, qui fonde l'art chinois; Quand on parle de la calligraphie et de la peinture; « Shu hua », d'abord c'est la calligraphie, puis la peinture. Dans les expressions traditionnelles, on met toujours la calligraphie en premier. Ensemble, elles dirigent les autres arts chinois. C'est comme la relation entre l'Empereur et le premier ministre. 

Tout au long de l'histoire, la calligraphie a une utilité sociale : elle a été le véhicule pour les échanges de pensée et la transmission de la culture. En même temps, elle s'est constituée en discipline plastique à part entière. Les premières traces révélées par les fouilles archéologiques datent de 5000 à 6000 ans. Mais les premières inscriptions qui soient indiscutablement une écriture chinoise constituée sont les oracles sur os, un système qui s'épanouit sous la Dynastie Shang, il y a 3 600 ans.

Dans l'histoire de l'humanité, il y a deux grands types d'écriture:

- L'écriture qui utilise les pictogrammes, représentations stylisées de sujets et d'objets engagés dans des actions et qui se développe en idéogrammes pour représenter symboliquement des qualités comme la blancheur ou l'origine.

- L'écriture qui utilise des signes abstraits (comme les lettres de l'alphabet occidental), qui composent des mots qui signifient, par convention, des sujets et objets avec lesquels il n'y a aucune parenté visuelle.

L'écriture chinoise est de la première catégorie. Cela a sans doute permis le développement de la calligraphie, puisque l'écriture chinoise comprend une représentation graphique et subjective de l'objet signifié et non une combinatoire des éléments simples et abstraits. 



C'est pourquoi l'histoire de la calligraphie est liée à l'histoire de l'écriture considérée comme "institution". On le verra plus loin en identifiant les cinq styles de calligraphie.




La calligraphie et l'esthétique


La calligraphie est un trésor de la culture artistique classique chinoise.


L'esthétique de la calligraphie articule deux dimensions : la réalité et la virtualité, c'est-à-dire, ce qui apparaît et la force agissante.


- «La réalité »  formelle et visuelle est une forme extérieure.


Il est possible d'analyser et caractériser  la manœuvre du pinceau et l'agencement des caractères. 


La manœuvre du pinceau a une vitesse et une lenteur, une fluctuation, un tournant; la pointe du pinceau peut être droit, courbé, coudé, abrégé; la forme du trait est plus carrée ou plus arrondie; il faut aussi avoir l'énergie du pinceau et le mouvement du pinceau. 


L'agencement des traits et des caractères peut être soit éloignée, soit rapprochée. La méthode comporte : la distinction entre principal et secondaire, le visible et l'invisible; la cohérence du geste; l'organisation de l'harmonie.


- «La virtualité » est invisible, c'est la force agissante. La graphie des traits et la composition sont modulées par 'esprit, la résonance et l'inspiration. L'esprit, la résonance et l'inspiration sont virtuels, ils se traduisent dans la manœuvre du pinceau, l'agencement des caractères et la méthode. 


L'esprit est l'âme de la calligraphie, les anciens disaient « d'abord l'esprit, après la forme », mais aussi « pas de règle, alors pas d'esprit ». 


La résonance est le capital de la calligraphie, elle est le pont entre la forme et l'esprit, le moyen d'exprimer les sentiments.  Le calligraphe qui maîtrise la technique, donne son énergie à la pointe du pinceau, et accorde ainsi son geste. A ce moment là, l'esprit peut apparaître sous la forme de l'harmonie. 


L'inspiration est bien sûr le cœur de la calligraphie. L'artiste expose sa personnalité, son style artistique, son émotion au moment du geste créateur. 


  Les styles de la calligraphie 


 Les calligraphes chinois ont formé au fil du temps plusieurs styles calligraphiques différents. Cette abondance de styles peut être divisée en cinq catégories principales: Chuan Shu, ou «écriture sigillaire»; Li Shu, ou «écriture fonctionnaire»; Kai Shu, ou «écriture régulière», carrée et régulière, sans abréviations; Xing Shu, ou «écriture courante», les traits sont liés, certaines simplifications sont admises; et Cao Shu, ou «écriture d'herbe», écriture cursive et simplifiée.


- Dans le style sigillaire, les lignes verticales ou horizontales sont fines et rigoureuses, et ont tendance à être pointues aux extrémités. Ce style atteignit son apogée sous la dynastie des Qin (221-207 av. J.-C.). A cette époque, il était divisé en deux sous-groupes principaux : les Da zhuan, ou grands caractères de sceaux et les Xiao zhuan, ou petits caractères de sceaux. Des échantillons de l'écriture Da zhuan peut être trouvés sur de nombreux tambours de pierre gravés, et sur les vases de bronze. Le style Xiao zhuan est caractérisé par des lignes sinueuses et dessinées avec application, par contraste avec l'écriture moins raffinée des grands caractères de sceaux.


- L'écriture fonctionnaire est apparue pour répondre au besoin d'un style d'écriture plus rapide, afin de traiter le volume croissant de documents officiels. C'est Cheng Miao, un directeur de prison sous la dynastie Qin, qui connut ce style calligraphique large et carré en modifiant le style sigillaire. Ses caractéristiques principales sont des lignes verticales et horizontales très droites et une structure très resserrée. L'écriture fonctionnaire était bien plus facile à composer que la sigillaire, et permettait de gagner un temps précieux. Elle a grandement contribué au développement d'une classe lettrée en Chine.


- L'écriture régulière, ou Kai Shu, s'est développée sous la dynastie des Han (206 av. J.-C. - 220 ap. J.-C.). Elle s'inspire de l'écriture fonctionnaire, et est aujourd'hui appelée écriture normalisée. Comme l'écriture régulière était encore plus aisée que l'écriture fonctionnaire, elle a été largement utilisée pendant la dynastie Han pour satisfaire aux besoins de la vie quotidienne. L'écriture régulière s'est épanouie pendant la dynastie Tang (618-907). Des calligraphes connus, tels Yan Zhenqing (705-785) ont créé leurs propres écoles de calligraphie régulière en utilisant des traits de pinceau larges et épais, ce qui a largement influencé les générations suivantes de calligraphes.


- L'écriture courante est un style qui se situe entre l'écriture régulière et l'écriture cursive. Elle n'est pas aussi carrée que l'écriture fonctionnaire, mais elle n'est pas non plus aussi ronde que l'écriture sigillaire. La meilleure description consiste à en dire que c'est une variation de l'écriture régulière. Les termes chinois indiquant l'écriture courante peuvent se traduire littéralement par «l'écriture qui marche», justement parce que ce style donne au lecteur l'impression de voir les caractères marcher. On estime que cette écriture fut créée par Liu Teh-sheng sous la dynastie des Han orientaux (25-220).


- L'écriture d'herbe est riche de possibilités, qui sont parfois des combinaisons de différents styles. 


-  Il existe aussi une "écriture "cursive sauvage" . Les caractéristiques partagées par tous les styles cursifs sont une structure simplifiée, des traits de pinceau enchevêtrés, tracés rapidement et coulants, ce qui rend l'écriture difficile à déchiffrer. La beauté de ce style est exprimée par un proverbe chinois : « La calligraphie s'arrête, mais la pensée demeure; le pinceau a été reposé mais la force est sans fin ». 


Des six styles de calligraphie chinoise, l'écriture cursive est celle qui se rapproche le plus de l'art abstrait.

Des « indignés » à la chinoise au congrès du PCC en 2012



mardi 29 novembre 2011, par Martine Bulard Le monde Diplomatique


« On ne sait pas où on va. » C’est la phrase la plus souvent entendue à Pékin. De la part de jeunes comme de personnes âgées. Des contestataires les plus virulents comme des fonctionnaires les plus convaincus. Le temps des certitudes vers une progression sans fin semble marquer le pas. Le gouvernement a précisé que la croissance se situerait entre 8 et 9 % cette année, loin du résultat à deux chiffres de ces dernières décennies.


La préparation du XVIIIe congrès du Parti communiste chinois (PCC), qui se tiendra en octobre 2012, a plutôt tendance à geler toute initiative et à obscurcir le paysage. « Même moi qui suis membre du Parti, m’expliquait un cadre moyen d’un organisme officiel qui tient à garder l’anonymat, je suis au regret d’avouer que je ne sais pas ce qui se passe. » Notre homme, qui n’a rien d’un dissident, est naturellement navré du constat. Rien ne filtre de la cité rouge.


Les mouvements sociaux sont là – et ceci explique peut-être cela. Les grèves, qui n’ont jamais vraiment cessé depuis le grand mouvement de juillet 2010, ont repris avec vigueur dans la région de Shenzhen et de Canton, traditionnellement exportatrice. La crise occidentale se traduit par une baisse des exportations que les directions d’entreprise répercutent sur les salaires. Ainsi, dans l’usine de chaussures Yucheng, dont le groupe travaille pour des grandes marques comme Nike ou Adidas, le paiement des heures supplémentaires a été supprimé, et les salaires sont passés de 1 800-1 900 yuans à 1 100 yuans [1].   


Il faut désormais compter avec le chantage à la… délocalisation dans les pays voisins (comme le Vietnam), mais également en Chine même, vers les régions du centre et de l’ouest où les salaires sont moins élevés et les primes gouvernementales à l’installation fort attrayantes. Les réalités ne peuvent être totalement étouffées. On trouve régulièrement dans les journaux des reportages sur ces luttes, avec une insistance particulière sur celles qui se déroulent sans violence et amorcent un dialogue avec les autorités. Global Times publie ainsi un éditorial – non signé, comme toujours, mais au ton plutôt défensif, ce est qui beaucoup plus rare – sous le titre évocateur : « Les Chinois sont-ils vraiment pauvres ? [2] ».


On ne cesse de répéter partout dans le pays qu’il y a de la misère, explique l’auteur. Les Chinois ont le sentiment qu’ils vivent moins bien, mais il est« inexact de dire que la misère est devenue insupportable ». Toutefois, « il faut noter que réaliser la meilleure articulation entre le rêve national et les rêves individuels est devenu vital, car les idéaux communistes se sont éloignés de notre vie quotidienne. En d’autres termes, le peuple chinois doit être convaincu que le pays va poursuivre son ascension et que cette ascension contribuera au bonheur de chacun. Mais le gouvernement ne peut pas éliminer toute la misère. » Si l’éditorial reconnaît que « l’opinion publique doit s’occuper de la misère », il fustige certains « médias qui, à tort, pensent qu’ils doivent être les porte-parole des pauvres et même qui incitent les personnes à entrer en conflit avec les pouvoirs publics. » Menace voilée contre ces médias, comme le prétendent certains ?


Quoi qu’il en soit, pour l’heure, les journaux, y compris les plus officiels, ne peuvent plus ignorer l’agitation sociale et les inégalités croissantes. Et ce n’est pas un anonyme, mais Li Xiguang, le directeur du centre international de communication de Tsinghua, l’une des plus grandes universités chinoises, qui signe un point de vue remarquable dans le même Global Times. En voici de très larges extraits, reproduits avec son accord. Sous le titre « Les inégalités au programme du XVIIIe congrès », il écrit : « Le week-end dernier, j’étais invité à donner une conférence à l’Université Brown à Rhode Island aux Etats-Unis. Après le petit déjeuner, j’ai fait une promenade dans le parc Burnside dans le centre de Providence [la capitale de cet Etat américain]. “Occupy Providence” est l’un des mille lieux de protestation (“Occupy”) à travers les Etats-Unis et le monde entier – des mouvements qui réclament des changements socio-économiques, tels que la lutte contre le pouvoir des entreprises, la pauvreté et l’exploitation.


Le site a été transformé en “Parc du peuple”. En le parcourant, j’ai vu, sous des tentes, une bibliothèque, un centre multimédia, une cuisine et une clinique dirigés par des bénévoles enthousiastes. Certains manifestants étaient des étudiants ; d’autres des chômeurs ; d’autres des vétérans des guerres d’Irak et d’Afghanistan. Des personnes âgées lisaient tranquillement. Et tous m’ont souri quand je suis entré. Des panneaux colorés étaient accrochés aux grilles qui entourent le parc sur lesquelles on pouvait lire : “Ne touchez pas aux pensions publiques”, “Travaillons pour la justice”(…), “Nous sommes les 99%”... Ce dernier mot d’ordre fait référence à l’énorme différence de richesse entre les 1 % les plus riches et le reste des citoyens américains. Cependant, l’inégalité des revenus chez nous n’est pas moindre qu’aux Etats-Unis. La Chine est désormais la deuxième économie au monde. Mais le coefficient de Gini  [3] se rapproche de 0,50 en Chine actuellement contre environ 0,28 en 1978 ; il figure parmi les plus élevés du monde. D’après le rapport 2009 du programme des Nations unies pour le développement (PNUD), l’écart entre les 10 % les plus riches de la population et les 10 % les plus pauvres est de 6,9 en Allemagne et de 15,9 aux Etats Unis. Selon le professeur Li Shi, de l’université de Pékin, en 2008, le revenu des 10 % des Chinois les plus riches était 23 fois plus élevé que le revenu des 10 % les plus pauvres contre 7,3 fois en 1998. Aujourd’hui encore les personnes vivant à la campagne ont, en moyenne, un revenu trois fois moins élevé que celles qui habitent les villes.


Les fruits de la croissance se concentrent toujours plus entre les mains d’une petite minorité – ce sont les élites qui dirigent les banques, les affaires, l’industrie des médias, les universités et qui se trouvent dans les hautes sphères du pouvoir.


Si l’on en croit ce que publie le microblog Weibo, ces inégalités provoquent un fort mécontentement. La concentration de richesses semble hors contrôle. Des groupes extrémistes de gauche comme de droite, des groupes qui ont la haine, discutent aujourd’hui de la possibilité de créer un mouvement “Occupy” en Chine. (…)


Le Parti qui prépare son congrès pour l’an prochain est de plus en plus bousculé par cet écart entre les riches et les pauvres ; cela menace sa légitimité.


En 1949, le Parti l’avait acquise, en se fixant comme objectifs de sortir la population de la misère et de rendre la nation forte. Mao Zedong a fait le choix d’une accumulation élevée et d’une faible consommation, en donnant la priorité à l’industrie lourde ; cela a entraîné des disparités croissantes entre les zones urbaines et rurales. Deng Xiaoping [qui a lancé les réformes en 1976] a introduit des mécanismes de marché en cassant le monopole d’Etat et en promouvant le secteur privé dans l’économie. Depuis 1978, le peuple chinois a connu des changements, l’ascenseur social a fonctionné et presque tout le monde vit plus confortablement. Mais Deng a choisi d’aller vite, en privilégiant les régions côtières et une certaine couche de la population, ce qui a conduit à une polarisation de la richesse et à une accentuation des disparités régionales.


Tout le monde sait que la Chine est passée d’une économie planifiée à une économie de marché, d’une société rurale à une société urbanisée, d’un bas niveau de revenu à un niveau moyen. Mais le tournant à accomplir pour passer à un pays prospère est l’un des grands défis auxquels nous sommes confrontés.


Des intellectuels chinois et des think tanks prédisent qu’une nouvelle stratégie de développement va émerger au XVIIIe Congrès du Parti. Ce dernier devrait annoncer un plan d’action pour les cinq prochaines années. J’espère que le pays aura une stratégie que l’on résumer ainsi : “Le peuple avant tout” (“People First”). Autrement dit, qu’on investira plus d’argent dans le développement humain : la lutte pour la santé publique, l’éducation en milieu rural, la protection de l’environnement, le logement pour les personnes à faible revenu, et contre les problèmes liés au vieillissement de la population.


A la manière du slogan “Nous sommes les 99 %” – mot d’ordre unificateur des mouvements de protestation à Wall Street –, “Le peuple avant tout” peut devenir le mot d’ordre unificateur du XVIIIe congrès du PCC. »
Li Xiguang sera-t-il entendu ? Nul, ici, n’oserait un tel pronostic.

Notes

[1] Ma Latang, « Over 10,000 workers besiege shoe factory in massive strike in Dongguan », Shanghaiist.com, 18 novembre.
[2] « Are Chinese people truly miserable ? » Global Times, Pékin, 23 novembre 2011.
[3] Le coefficient de Gini mesure les inégalités. Plus il est proche de 1, plus la société est inégalitaire, plus il est près de 0, plus on se rapproche de l’égalité.

lundi 28 novembre 2011

A la rencontre d'une hackeuse chinoise

Elle fait partie de l’un des groupes de hackers les plus actifs de Chine: le China Girl Security Team. Comme elle, ils seraient 250.000 à 300.000 à pratiquer du «hacking rouge», à forte teneur nationaliste et anti-occidentale.

Fast Hands / laffy4k via FlickrCC License by
Fast Hands / laffy4k via FlickrCC License by -
Mini-short et talons hauts, elle se fait appeler «Ciel d’été». Tian est une jeune femme presque comme les autres et c’est dans le dédale d’escalators du quartier commercial de Xidan qu’elle a accepté de me rencontrer. A 21 ans, elle est étudiante en informatique, «l’une des meilleures de sa promotion».
Dans le hourvari de cette Mecque du shopping à la chinoise, la jeunesse dorée pékinoise fait ses courses chez les Occidentaux. Les marques de luxe revendiquent leur belle européanité et, c’est un Coca à la main, que «Ciel d’été» se livre, avec une quasi naïveté:
«Oui, c’est vrai. Le piratage informatique c’est mon truc. Mais attention, rien d’illégal. On joue avec les adresses IP. On pirate quelques blogs. Les sites Américains? Ah oui ça, ce sont mes cibles préférées»
Tian fait partie de l’un des groupes de hackers les plus actifs de Chine: le China Girl Security Team. Un nom qui sonne gravement dans la bouche de cette jeune Chinoise née à Xian, l’ancienne capitale impériale.
«Nous sommes un peu plus de 2.000 filles dans notre groupe. On s’amuse bien.»
Ange noir, Six Fleurs ou Ciel D’été sont quelques-uns des noms de guerre dont s’affublent ces Amazones du Net. En Chine, on adore les jeux de rôle. La réalité virtuelle plutôt que l’oppressante tradition confucianiste.
«Si je me suis déjà attaqué à des sites officiels? Oui, bien entendu. Les sites taïwanais, japonais et surtout américains font partie de nos cibles. Enfin, c’est surtout un jeu. On veut s’attaquer aux discours occidentaux. Moi, je déteste Google par exemple. C’est une entreprise qui ne comprend rien à nos traditions et notre mode de pensée chinoise. On veut leur montrer que nous sommes puissantes en Chine».
La politique? Très peu pour elles. Et c’est plutôt dans ce warcraft grandeur nature que ces jeunes Chinoises s’attaquent aux dragons impérialistes.

Une vraie culture du piratage

Depuis le début de l’année, les attaques se sont multipliées. Ministères français et canadiens, sites gouvernementaux sud-coréens, grandes banques américaines ou encore multinationales du pétrole… Toutes ont été victimes à plus ou moins grande échelle d’attaques informatiques menées depuis la Chine.
Le China Girl Security Team en revendique quelques-unes, mais sur ces questions, la jeune femme préfère se taire. L’entretien est terminé et Tian retrouve ses copines pour une nouvelle virée chez Gap et Starbucks.
Paradoxe de la Chine nouvelle.
«Les pirates informatiques sont très actifs en Chine où il existe une vraie culture du piratage, confirme Scott Henderson, un spécialiste des hackers chinois. Il y a des magazines spécialisés qui leur sont destinés, des clubs, des séries de fiction sur Internet. Récemment un sondage réalisé à Shanghai indiquait que 43% des étudiants chinois apprécient les hackers, plus encore que les rock stars! Un tiers d’entre eux rêve même de devenir hacker. C’est la génération post-Tiananmen. Plutôt que de se battre pour la démocratie, elle préfère se définir par opposition à l’Occident. Ils se disent patriotes et s’appellent eux-mêmes les “hackers rouges”. On ne peut pas dire qu’ils travaillent directement pour le gouvernement. Mais ils rendent des services, et cela revient au même.»
Scott Henderson suit ces hackers depuis plus de 10 ans. On les retrouve sur les mêmes terrains de guerre.
Ainsi en 1999, après le bombardement par les États-Unis de l'ambassade de Chine à Belgrade, ils ont aiguisé leurs armes en s’attaquant à des réseaux américains.
La même année, des systèmes taïwanais ont été ciblés lors de l'investiture du président indépendantiste à Taipei.
En janvier 2000, c’est le Japon qui est à son tour la cible de leurs attaques à la suite des déclarations de politiciens qui niaient l’existence du massacre de Nankin en 1937 de centaines de milliers de Chinois par l’armée impériale.
«Les techniques d’infiltration utilisées sont facilement accessibles sur les forums internet chinois. Les hackers utilisent toujours ces mêmes outils. Sans parler des adresses IP («Internet Protocol» permettant d’identifier chaque ordinateur individuellement) qui renvoient toujours à des ordinateurs situés en Chine continentale, ou à Taïwan pour masquer l’origine des attaques. Bien sûr, il pourrait s’agir d’une opération d’intoxication ou de leurre, mais nous savons tous dans ce milieu que la Chine abrite des millions de hackers», nous explique le responsable informatique d’une grande entreprise occidentale sous couvert de l’anonymat.

La «task force»

Les techniques sont relativement simples: les pirates s’attaquent directement aux failles de sécurité des sites Internet de leur proie ou via des virus informatiques, des «malware» (programmes malveillants) envoyés par courriers électroniques.
«Rien de très sophistiqué, nous confirme notre informaticien, mais en général ça marche.» Les pirates ont parfois accès à des informations plus ou moins confidentielles qu’ils revendent à des intermédiaires ou dont ils font profiter directement les entreprises chinoises ou le gouvernement.
Ce «hacking patriotique» chinois est apparu à la fin des années 1990, avec des associations comme la Red Hacker's Alliance ou la China Eagle Union –regroupant des milliers de membres.
C’est à cette époque qu’une «task force» a été mise en place à la demande de la Commission militaire centrale. Une équipe de choc placée sous l’égide de la Commission de la défense nationale pour la science, la technologie et l’industrie.
C’est cette commission qui gère, téléguide ou tente de contrôler ce vivier de jeunes loups estimé à 250.000 ou 300.000 personnes. Une goutte d’eau dans ce pays qui compte la première population d’internautes au monde avec plus de 450 millions de personnes connectées.
Certains de ces groupes de hackers se sont transformés en sociétés de sécurité Internet, parfois utilisées par l'Armée populaire de libération.
L’an dernier, des chercheurs canadiens ont ainsi affirmé avoir découvert l’existence d’un vaste réseau de cyber-espionnage international basé en Chine. Son nom: GhostNet.
GhostNet se serait introduit dans les ordinateurs de gouvernements et d'organisations privées de 103 pays, dont ceux du dalaï Lama. Fantasme ou réalité?
Pékin est-elle derrière GhostNet«Apparemment oui, répond James Carafano, un chercheur américain. On sait par exemple que les Chinois ont arrêté un activiste népalais récemment à la frontière tibétaine. La police lui a sorti l’intégralité de ses chats sur Internet et des emails qu’il avait écrits. Comment ont-ils eu ses informations? Je pense que GhostNet a été la réponse chinoise à l’Internet. Ils ont su faire travailler tous ces hackers rouges pour mutualiser leurs talents et récupérer quand il le faut les fruits de leur piratage.»

Un prof: «Je leur demande de pirater des sites étrangers»

Ces nerds chinois sont en tout cas plus charmants que ceux d’Hollywood. Ils portent des shorts courts comme Tian ou s’exhibent en vacances, les doigts formant le V de la victoire, sur leur blog ou sur Renren, le Facebook local. La plupart sont encore étudiants et en sont, en quelque sorte, aux travaux pratiques.
Un professeur d’informatique nous a ainsi raconté de quelle manière il enseigne la sécurité informatique à ses étudiants: «Je leur demande de pirater des sites étrangers, jamais de sites chinois, c’est la règle. C’est donc tout à fait possible que sur leur temps libre certains de ces étudiants par provocation, ou par jeu, aillent s’attaquer à des sites étrangers», glisse-t-il dans un sourire entendu.
Ce n’est donc pas un hasard si on retrouve ces petits génies du Net dans les grandes universités chinoises. Jiaotong à Shanghai ou encore l’école professionnelle de Lanxiang reviennent souvent dans les rapports de l’Ambassade américaine à Pékin. Notamment pour ce qui concerne les opérations de piratage qui ont visé Google l’année dernière.
Jiaotong a l’un des meilleurs cursus informatiques du pays. En 2010, l’université a remporté une épreuve internationale de programmation sponsorisée par IBM en battant Stanford et d’autres grandes universités américaines.
Lanxiang, dans l’est de la Chine, est sans doute moins connue à l’étranger. Elle abrite pourtant l’une des meilleures écoles scientifiques de la région. Elle a formé des bataillons d’informaticiens dont les meilleurs ont été recrutés par l’armée populaire de Chine. Le réseau informatique de Lanxiang est géré par une société proche de Baidu, le plus grand moteur de recherche Internet de Chine, et le principal concurrent de Google.
Les enquêtes menées par la plupart des services secrets occidentaux remontent souvent jusqu’à ces deux universités. Jamais plus haut. Jamais en tout cas vers des installations militaires ou gouvernementales.
«Ça ne veut pas dire que l’armée n’est pas impliquée, nous explique un diplomate. Simplement que le système est bien trop sophistiqué pour nous permettre de suivre jusqu’au bout une seule de ces pistes.»
«Nous savons que la Chine utilise un modèle de réseaux informatiques complètement différents ce que nous connaissons, explique James Mulvenon, spécialiste des questions militaires chinoises et directeur du Centre américain pour la recherche et l’analyse, une entreprise de sécurité. Au lieu de confier l’espionnage informatique à des agences traditionnelles, comme on le fait aux Etats-Unis avec la CIA ou la NSA, le gouvernement chinois fait travailler des volontaires, des “hackers patriotes”, pour faire le boulot.»
Un argument qui fait sourire Tian, qui affirme n’avoir jamais rencontré de militaires ou de policiers.
«On fait ce que l’on veut. On décide toutes seules de nos cibles.»
Des cibles qui font mouche. Selon le classement du spécialiste des solutions de sécurité informatique Kapersky, la Chine arrive loin devant la Russie et les Etats-Unis avec plus de la moitié des attaques informatiques. Le pays serait aussi à l'origine de près d'un tiers des «malwares» de la planète.
Stéphane Pambrun

lundi 24 octobre 2011

Un enfant - une fille - ne vaut rien


D'après libération 21 octobre 2011

La Chine s'interroge sur son «égoïsme» après la mort choquante d'une enfant

Écrasée puis abandonnée sur la chaussée, le décès ce vendredi de la petite Yue Yue a provoqué l'indignation des Chinois qui voient ce drame comme l'illustration d'une dérive de la société chinoise.

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Yue Yue, une filette chinoise écrasée et soignée à l'hôpital de Guangzhou, le 16 octobre. (© AFP Str)
Ecrasée successivement par deux véhicules puis abandonnée sur la chausséedans l'indifférence des passants, la petite Yue Yue, deux ans, est morte vendredi, son sort tragique révulsant des Chinois de plus en plus convaincus que leur société dérive vers l'égoïsme.
Le 13 octobre, la fillette avait été d'abord percutée par une fourgonnette puis écrasée par un camion, devant le magasin de sa famille dans la ville de Foshan (sud du pays).
La scène a été enregistrée par des caméras de surveillance et la vidéo - difficilement soutenable - a été diffusée par une télévision locale ainsi que sur l'internet.
Sur les images on voit une quinzaine d'habitants et de véhicules qui passent à côté de l'enfant, baignant dans son sang. Certains regardent le petit corps disloqué, mais aucun ne daigne s'arrêter.
Une chiffonnière tire finalement la fillette sur le bord de la chaussée, mais ses appels au secours sont ignorés par divers commerçants riverains. Elle parvient ensuite, seule, à prévenir la mère de la petite fille.
"Petite Yue Yue est morte à 00H32", a annoncé vendredi à l'AFP un porte-parole de l'hôpital général militaire de Canton (sud) où elle avait été admise, sans grand espoir vu son état désespéré.

Des réactions indignées

Toute la semaine, le sort de Wang Yue (sa vraie identité, Yue Yue étant son surnom) a suscité des réactions indignées, qui ont redoublé avec son décès.
Les puissants réseaux sociaux chinois, caisse de résonance de l'opinion publique, se sont emparés de cette tragique histoire, mais aussi la presse d'Etat.
"Cette société est gravement malade. Même les chiens et les chats ne devraient pas être traités de façon aussi inhumaine", a ainsi estimé un internaute sur Sina Weibo, l'équivalent chinois de Twitter.
Le drame a été vu comme l'illustration d'une dérive de la société chinoise: beaucoup sont convaincus que le rapide développement économique du pays et l'enrichissement général de la population s'accompagnent d'une montée de l'égoïsme et d'une perte des valeurs collectives de solidarité mises en avant dans la Chine communiste de Mao Zedong.
"Il y a cette idée qui se développe en Chine qu'il y avait auparavant un âge d'or" de l'entraide, a confirmé à l'AFP Jean-Louis Rocca, sociologue spécialiste de la Chine.
Mais "c'est difficile de dire si c'est pire qu'ailleurs", a-t-il relevé, en insistant sur les solidarités "qui existent toujours, par exemple dans la famille ou entre collègues de travail".

Aucune loi pénalisant la non-assistance à personne en danger

Ce fait divers vient s'ajouter à d'autres récents, mêlant violences gratuites et sentiments d'impunité.
Il y a eu ce fils de général, conduisant un luxueux coupé, qui a tabassé un couple pour une broutille ou cet étudiant qui a renversé une paysanne, qu'il a achevée à coups de couteau plutôt que d'avoir à lui verser des dommages-intérêts.
La mort de Yue Yue restait vendredi l'un des principaux sujets de débats sur les sites de microblogs chinois.
"Adieu petite Yue Yue. Il n'y a pas de voitures au paradis", a écrit un internaute.
"Adieu, je te souhaite de ne pas renaître en Chine dans une autre vie", a écrit un autre.
L'affaire Yue Yue "a sans aucun doute exposé un côté sombre de notre société", a estimé de son côté vendredi le journal Global Times.
Aujourd'hui la Chine ne dispose pas de loi pénalisant la non-assistance à personne en danger, a souligné le quotidien, et le pays est loin d'un consensus sur les bienfaits d'une telle loi.
"Il serait plus approprié d'établir un système récompensant ceux qui aident plutôt que de punir ceux qui ne le font pas", a-t-il jugé dans un éditorial.
(Source AFP)