samedi 3 décembre 2011

Introduction à la calligraphie chinoise


La calligraphie, shufa (en chinois) n'est pas simplement 
écrire au pinceau des caractères chinois. Elle peut se traduire par l'expression « discipline d'écriture » ou « méthode d'écriture », signifie . Pour les chinois, ce n'est pas une belle écriture, mais l'art d'écriture, comme on dit écrire de la musique ou de la poésie ou de la danse.

La calligraphie trace sur un papier blanc, par un mouvement alerte, variant selon le pinceau et l'abondance d'encre, des formes signifiées noires et blanches. La calligraphie est un art de forme. C'est aussi un art du corps. Le pinceau est la continuité du corps de l'artiste. Ce corps "est  obligé" par la subjectivité de l'artiste.



Donc la calligraphie est aussi un art expressif : elle reflète la culture, la sensibilité, le savoir et la personnalité de l'artiste. Les chinois disent : « l'écriture est la personne elle-même » ou « écrire pour exprimer son cœur ». Bref, la calligraphie est un art qui exprime l'esprit personnel. 


Par sa pratique de la composition, du rythme, de la résonance et de la règle, la calligraphie a un grand rapport avec la peinture, qu'elle a beaucoup inspiré comme elle a inspiré la sculpture classique, l'architecture et tous les arts,  Pour cela, elle est considérée comme l'âme de l'art chinois.


La calligraphie et la peinture chinoise sont liées dans une subtile hiérarchie, qui fonde l'art chinois; Quand on parle de la calligraphie et de la peinture; « Shu hua », d'abord c'est la calligraphie, puis la peinture. Dans les expressions traditionnelles, on met toujours la calligraphie en premier. Ensemble, elles dirigent les autres arts chinois. C'est comme la relation entre l'Empereur et le premier ministre. 

Tout au long de l'histoire, la calligraphie a une utilité sociale : elle a été le véhicule pour les échanges de pensée et la transmission de la culture. En même temps, elle s'est constituée en discipline plastique à part entière. Les premières traces révélées par les fouilles archéologiques datent de 5000 à 6000 ans. Mais les premières inscriptions qui soient indiscutablement une écriture chinoise constituée sont les oracles sur os, un système qui s'épanouit sous la Dynastie Shang, il y a 3 600 ans.

Dans l'histoire de l'humanité, il y a deux grands types d'écriture:

- L'écriture qui utilise les pictogrammes, représentations stylisées de sujets et d'objets engagés dans des actions et qui se développe en idéogrammes pour représenter symboliquement des qualités comme la blancheur ou l'origine.

- L'écriture qui utilise des signes abstraits (comme les lettres de l'alphabet occidental), qui composent des mots qui signifient, par convention, des sujets et objets avec lesquels il n'y a aucune parenté visuelle.

L'écriture chinoise est de la première catégorie. Cela a sans doute permis le développement de la calligraphie, puisque l'écriture chinoise comprend une représentation graphique et subjective de l'objet signifié et non une combinatoire des éléments simples et abstraits. 



C'est pourquoi l'histoire de la calligraphie est liée à l'histoire de l'écriture considérée comme "institution". On le verra plus loin en identifiant les cinq styles de calligraphie.




La calligraphie et l'esthétique


La calligraphie est un trésor de la culture artistique classique chinoise.


L'esthétique de la calligraphie articule deux dimensions : la réalité et la virtualité, c'est-à-dire, ce qui apparaît et la force agissante.


- «La réalité »  formelle et visuelle est une forme extérieure.


Il est possible d'analyser et caractériser  la manœuvre du pinceau et l'agencement des caractères. 


La manœuvre du pinceau a une vitesse et une lenteur, une fluctuation, un tournant; la pointe du pinceau peut être droit, courbé, coudé, abrégé; la forme du trait est plus carrée ou plus arrondie; il faut aussi avoir l'énergie du pinceau et le mouvement du pinceau. 


L'agencement des traits et des caractères peut être soit éloignée, soit rapprochée. La méthode comporte : la distinction entre principal et secondaire, le visible et l'invisible; la cohérence du geste; l'organisation de l'harmonie.


- «La virtualité » est invisible, c'est la force agissante. La graphie des traits et la composition sont modulées par 'esprit, la résonance et l'inspiration. L'esprit, la résonance et l'inspiration sont virtuels, ils se traduisent dans la manœuvre du pinceau, l'agencement des caractères et la méthode. 


L'esprit est l'âme de la calligraphie, les anciens disaient « d'abord l'esprit, après la forme », mais aussi « pas de règle, alors pas d'esprit ». 


La résonance est le capital de la calligraphie, elle est le pont entre la forme et l'esprit, le moyen d'exprimer les sentiments.  Le calligraphe qui maîtrise la technique, donne son énergie à la pointe du pinceau, et accorde ainsi son geste. A ce moment là, l'esprit peut apparaître sous la forme de l'harmonie. 


L'inspiration est bien sûr le cœur de la calligraphie. L'artiste expose sa personnalité, son style artistique, son émotion au moment du geste créateur. 


  Les styles de la calligraphie 


 Les calligraphes chinois ont formé au fil du temps plusieurs styles calligraphiques différents. Cette abondance de styles peut être divisée en cinq catégories principales: Chuan Shu, ou «écriture sigillaire»; Li Shu, ou «écriture fonctionnaire»; Kai Shu, ou «écriture régulière», carrée et régulière, sans abréviations; Xing Shu, ou «écriture courante», les traits sont liés, certaines simplifications sont admises; et Cao Shu, ou «écriture d'herbe», écriture cursive et simplifiée.


- Dans le style sigillaire, les lignes verticales ou horizontales sont fines et rigoureuses, et ont tendance à être pointues aux extrémités. Ce style atteignit son apogée sous la dynastie des Qin (221-207 av. J.-C.). A cette époque, il était divisé en deux sous-groupes principaux : les Da zhuan, ou grands caractères de sceaux et les Xiao zhuan, ou petits caractères de sceaux. Des échantillons de l'écriture Da zhuan peut être trouvés sur de nombreux tambours de pierre gravés, et sur les vases de bronze. Le style Xiao zhuan est caractérisé par des lignes sinueuses et dessinées avec application, par contraste avec l'écriture moins raffinée des grands caractères de sceaux.


- L'écriture fonctionnaire est apparue pour répondre au besoin d'un style d'écriture plus rapide, afin de traiter le volume croissant de documents officiels. C'est Cheng Miao, un directeur de prison sous la dynastie Qin, qui connut ce style calligraphique large et carré en modifiant le style sigillaire. Ses caractéristiques principales sont des lignes verticales et horizontales très droites et une structure très resserrée. L'écriture fonctionnaire était bien plus facile à composer que la sigillaire, et permettait de gagner un temps précieux. Elle a grandement contribué au développement d'une classe lettrée en Chine.


- L'écriture régulière, ou Kai Shu, s'est développée sous la dynastie des Han (206 av. J.-C. - 220 ap. J.-C.). Elle s'inspire de l'écriture fonctionnaire, et est aujourd'hui appelée écriture normalisée. Comme l'écriture régulière était encore plus aisée que l'écriture fonctionnaire, elle a été largement utilisée pendant la dynastie Han pour satisfaire aux besoins de la vie quotidienne. L'écriture régulière s'est épanouie pendant la dynastie Tang (618-907). Des calligraphes connus, tels Yan Zhenqing (705-785) ont créé leurs propres écoles de calligraphie régulière en utilisant des traits de pinceau larges et épais, ce qui a largement influencé les générations suivantes de calligraphes.


- L'écriture courante est un style qui se situe entre l'écriture régulière et l'écriture cursive. Elle n'est pas aussi carrée que l'écriture fonctionnaire, mais elle n'est pas non plus aussi ronde que l'écriture sigillaire. La meilleure description consiste à en dire que c'est une variation de l'écriture régulière. Les termes chinois indiquant l'écriture courante peuvent se traduire littéralement par «l'écriture qui marche», justement parce que ce style donne au lecteur l'impression de voir les caractères marcher. On estime que cette écriture fut créée par Liu Teh-sheng sous la dynastie des Han orientaux (25-220).


- L'écriture d'herbe est riche de possibilités, qui sont parfois des combinaisons de différents styles. 


-  Il existe aussi une "écriture "cursive sauvage" . Les caractéristiques partagées par tous les styles cursifs sont une structure simplifiée, des traits de pinceau enchevêtrés, tracés rapidement et coulants, ce qui rend l'écriture difficile à déchiffrer. La beauté de ce style est exprimée par un proverbe chinois : « La calligraphie s'arrête, mais la pensée demeure; le pinceau a été reposé mais la force est sans fin ». 


Des six styles de calligraphie chinoise, l'écriture cursive est celle qui se rapproche le plus de l'art abstrait.

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