mardi 2 novembre 2010

Les hommes chinois et l'alcool

Alcool et business : le mélange mortel des notables chinois
Article de Jim Jarrassé (lefigaro.fr)

Issus d'une tradition millénaire, les toasts portés à répétition lors de dîners officiels peuvent avoir des conséquences catastrophiques sur la santé des convives. Plusieurs entrepreneurs français en Chine témoignent.

La semaine dernière, dans un petit village de la province de l'Anhui, dans l'est de la Chine, le secrétaire local du Parti communiste chinois fêtait la signature de trois contrats immobiliers. Comme le veut la tradition, les «ganbei», toasts à l'alcool de riz, se sont succédé pendant tout le repas. Shen Hao, 46 ans, s'est couché très éméché. Et ne s'est jamais réveillé. Il est la troisième victime officielle à la suite d'un banquet d'affaires, cette année.

En Chine, le repas est le lieu de socialisation par excellence. Toute affaire commence et se termine par un banquet. A tel point que l'État dépenserait chaque année 50 milliards d'euros dans l'organisation de dîners officiels. Objectif : resserrer les liens entre partenaires. « On ne négocie pas pendant un repas. On apprend à se connaître », explique Valérie Tamman, qui dirige une entreprise de conseil et de formation des entrepreneurs français travaillant en Chine.


Vingt verres en une heure
Le déroulement des banquets est très codifié. Avant de commencer à manger, l'hôte porte un premier toast. Chacun doit alors boire « cul-sec » son verre de «baiju», cet alcool de riz très apprécié des fonctionnaires chinois mais souvent redouté des étrangers. Et pour cause : le « baiju » peut titrer plus de 65°. « C'est infect, sourit Valérie Tamman. Mais il faut le boire.»

Problème : les « ganbei » se multiplient tout au long du repas. A tel point que les convives peuvent en boire plus de 20 verres en une heure. « Cela commence par des toast communs, puis des toasts individuels », explique Nathaniel Farouz, jeune businessman français installé à Pékin depuis 2006. Si beaucoup ont le foie bien accroché, l'ivresse est souvent inévitable. « Un partenaire , dans son ébriété, s'est mis à nous raconter tout le mal qu'il pensait de nous... Ce qui n'a pas été du meilleur effet pour la suite de nos relations


« Une forme de corruption »
Outre les accidents de parcours lors des négociations, la consommation abusive d'alcool peut avoir de réelles conséquences sur la santé des Chinois. « Dans ma province natale, beaucoup d'entrepreneurs ont des problèmes de foie », assure un professeur de langues à l'Inalco d'origine chinoise. L'un de ses amis en a d'ailleurs fait les frais. « Il ne mangeait jamais chez lui car il était invité à chaque repas. Et à chaque fois, il était obligé de boire. Il disait parfois qu'il avait ‘mal à l'estomac', mais il devait continuer. Il y a deux ans, il a trop bu et il est mort. A 45 ans.»

Autre exemple de l'omniprésence des banquets : « Chaque année, explique ce spécialiste, des délégations sont envoyées par Pékin pour contrôler la production dans les entreprises. Si ses membres n'ont pas bien mangé et bien bu lors de leur visite, cela peut avoir de graves conséquences sur l'entreprise qui les reçoit. Même si tout est en ordre. C'est une forme de corruption. » Idem pour monter une entreprise : « Rien ne se fait avant d'avoir trinqué avec un membre du parti ». Il faut ensuite sans cesse « remercier les autorités ».

Filmée en 2005 par les caméras de Strip Tease, cette vidéo illustre bien l'ambiance alcoolisée d'un banquet officiel. On y voit un investisseur français, Yves Cathala, être accueilli par le gouverneur local.

Stip Tease - A la poursuite de Mme Li - Le Figaro
Extrait de 2005. Copyright France 3.
Mots-clés : striptease chine

Pour autant, Yves Cathala veut éviter toute généralisation. « Les Chinois ne sont pas des alcooliques, assure-t-il. Ils ont simplement le sens de l'accueil et respectent certaines traditions. J'ai assisté à certains repas en France qui étaient bien pires…»

Une opinion que partage Valérie Tamman : « Les Chinois sont épicuriens, comme nous. Le problème est qu'en général, ils ne tiennent pas trop l'alcool. Ils sont donc rapidement ivres. Mais loin d'être tous alcooliques. » Et la consultante d'insister sur les progrès accomplis ces cinq dernières années : « Ils commencent à se calmer. Les mentalités changent, surtout dans les grandes villes. »

Dans certaines provinces, les fonctionnaires chinois ont été interdits d'alcool pendant le déjeuner. Et les contrôles d'alcoolémie se sont renforcés à la sortie des restaurants. Reste à savoir si cela va suffire à faire changer les habitudes. Il y a 20 ans, le gouvernement avait lancé une vaste opération pour réduire le nombre de banquets. L'échec avait été cuisant.

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