dimanche 13 juin 2010

Fleurs et lignes dans les broderies Qiang

A proximité du marché de Mao Xian se trouve la place des broderies : broderies faites sur des tabliers, des chaussons, des panneaux muraux. Les thèmes des broderies sont typiquement Qiang - des motifs floraux, ou mobilisent les symboles du Sichuan - bambou et panda, ou chinois - le dragon et le phénix.

Les brodeuses sont assises sur le pourtour de la place, devant des tissus blancs ou noirs sur lesquels il y l'esquisse d'un tracé.
Le client choisit son thème. Ou demande un dessin sur mesure.


Le dessin peut être exécuté sous ses yeux.

Par rapport aux broderies habituelles, ce qui frappe est l'importance de la ligne et du motif fleural. Il n'y a pas de surface. Ou plutôt, seules les fleurs occupent une surface proprement dite. Les autres motifs : tige, bambou, panda, phénix, dragon semblent être des lignes qui s'épaississent, sans jamais atteindre l'intensité du déploiement des fleurs. Voici, par exemple, un phénix et un dragon qui ne sont que des lignes ondoyantes, sans épaisseur.

On peut faire l'hypothèse que cette importance de la ligne vient de la technique du tracé de traits. Mais il reste à expliquer pourquoi l'effort de broderie met en valeur la fleur. Comparons ce peu d'épaisseur des figures, où les broderies sont sommaires, avec le déploiement et la complexité d'une fleur.


 A l'entrée du blog, nous avions remarqué la similitude entre l'intensité de cette fleur centrale et l'énergie solaire. Si nous examinons les motifs de broderie, il apparait que le motif de la fleur comme énergie scande un tracé végétal. Tout se passe comme si un chemin est parcouru au cours duquel, à intervalles réguliers, une fleur surgit.

Or, le motif du chemin est repris par le biais des broderies de fleurs sur les semelles. Les semelles-fleurs en marchant font typiquement une opération magique : elles initient les venues régulière de l'énergie au moment de la marche.


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On peut saisir le moment où la magie se transforme en art face à cette représentation de chaussons brodés de fleurs, placée sur un rouleau accroché au mur.

Je fais l'hypothèse que se révèle les dimensions de circulation et de sens de l'orientation qui caractérise jadis et encore aujourd'hui le peuple Qiang.

Ce peuple  Qiang () est l'un des 56 groupes ethniques officiellement reconnus par la République populaire de Chine, avec une population approximative de 300 000 habitants qui vivent principalement dans des secteurs accidentés, sillonnés de rivières et de ruisseaux, au nord-ouest de la province du Sichuan.

La faible population Qiang d'aujourd'hui ne serait qu'un pâle reflet de l'importance passée de ce peuple dont l'histoire remonte jusqu'à la dynastie Shang -1570 à -1045 AV JC . Cette période correspond à l’âge du bronze en Chine et marque une transition entre l’histoire légendaire et les faits archéologiques. Peuple dont les descendants incluent les Tibétains et plusieurs autres minorités du sud-ouest de la Chine.

Cette dimension du chemin, du tracé ne prend sens que dans la montagne. Voici comment se présente un sentier de montagne.


A chaque fois, il faut se repérer, s'orienter, afin de maintenir la continuité du chemin. Chaque fleur semble un moment d'étape. Là où l'on arrive. Là d'où l'on repart, avec la garantie que la prochaine halte, elle aussi, sera "belle comme une fleur".


A Mao Xian, sur les bancs au pied des immeubles, je vois des femmes de tous âges,  de la jeune fille à la grand mère très ridée, broder qui un tablier, qui une semelle, qui un chausson, qui une parure de robe.

On m'explique que la culture Qiang recommande que chaque femme, dès qu'elle a un moment de libre, brode fleurs et lignes ondoyantes, pour ses habits comme pour les habits des amis.

Ainsi, moi et ma femme, avons reçu en cadeau une paire de chaussons magnifiquement brodées.

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