lundi 27 septembre 2010

L'énigme de l'absence de la femme Miao

Si près de la communauté

Dimanche 26 septembre, invité au festival de Paris du Film Chinois, j'ai vu le film Si près du soleil de la réalisatrice Chou Chou, originaire de la minorité Miao. Il n'y a pas d'histoire au sens moderne, mais un récit symbolique, à la façon des contes d'autrefois. Une femme - française - porteuse d'une maladie inconnue est recueillie dans l'eau d'un étang dans une montagne habitée par les Miao. Pour guérir cette femme, une famille puis la communauté Miao la prennent en charge. Gestes de cueillette de plantes pour la soigner. Gestes de dons pour aider la famille d'accueil à financer les frais d'hôpitaux. Gestes rituels pour inviter les esprits à lutter contre la maladie.

Communauté, partage, entre aide : voilà "le soleil" dont l'héroïne française se rapproche, par l'entremise de la culture Miao.

Quelques images du film sont fortes.
Admettons que la femme française symbolise dans ce film la maladie de notre civilisation moderne, y compris la civilisation chinoise. Ici, la succession des deux images suivantes, suggère que le peuple Miao possède les ressources pour soigner la maladie qui se loge dans la modernité.


Image de Si près du soleil de Chou Chou

Image de Si près du soleil de Chou Chou


Cependant, prenons le temps de considérer cette seconde image. Au milieu, la jeune française se baigne dans une eau nourrie des sucs des plantes de la montagne. Lui tenant la main, le médecin du village. A gauche, les enfants, grande fille et petit garçon. Au fond de l'image, à l'extérieur de la maison, tourné de coté, le père regarde la montagne.

Qu'est devenue la femme Miao ?

La question qui se pose est : où est la femme de la famille ? où est l'épouse du mari ? où est la mère ? Dans le scénario du film, la famille d'accueil n'a pas d'épouse, n'a pas de mère, et nulle explication, nul indice est donné sur l'absence de l'épouse, de la mère.

Des épouses, des mères, il y en a, on le suppose, dès que le film montre la communauté des femmes danser la danse du coq.


Femmes Miao dansant la danse du Coq  / Photo : Christian Girault (Kriss)

Je considère cette absence de la femme, de l'épouse, de la mère comme l'indice révélateur d'un symptôme, d'un déplacement au plan symbolique d'un malaise qui ne peut se formuler explicitement.

Au plan symbolique, la femme, l'épouse, la mère ne peut être figurée comme personne individuelle. Ou plutôt, elle est figurée comme l'absence. A sa place vient se substituer une femme d'un autre pays. Une femme d'un pays où les femmes ont des droits, d'un pays où les femmes sont réputées être les égales des hommes.

Donc, à un premier niveau d'interprétation, cela revient à dire que par rapport à une femme qui a des droits, l'épouse, la mère, la femme Miao est privée de ses droits. Donc, privée de ses droits, elle ne peut pas être représentée en tant que personne autonome. Quand la femme apparait, c'est sous la forme collective des femmes qui dansent.

La femme française est dite être "malade" de la civilisation moderne. Mais cette "civilisation moderne" peut symboliser le nouveau fonctionnement social et culturel des villes chinoises créé par l'essor économique.  Dans la nouvelle socio-économie chinoise, pour le film,  la femme chinoise serait symboliquement malade.

Egalement, le film suggère que face à cette maladie, les pouvoirs magiques de la communauté Miao sont tenus en échec. C'est dans un hôpital moderne que la maladie sera soignée. Conclusion du spectateur : "malade, la modernité doit se soigner par les outils de la modernité".

Ce film finalement ne fait que nous suggérer quelques traits culturels de la communauté Miao. Nous n'apprenons rien de précis sur les gestes quotidiens de la famille, sur le comment on fait à manger, le comment on s'habille, le comment on planifie le travail, etc..

Surtout, le film ne nous dit rien sur les activités où se fait la transmission traditionnelle de la culture Miao de la mère à la fille, transmission que nous allons décrire dans la seconde partie de ce message.

Dans le film, c'est le père qui éduque la petite fille. A un second niveau d'interprétation, au sein de la culture Miao, cela suggère que la petite fille ne peut plus compter sur "la Mère", qu'elle ne peut s'appuyer que partiellement sur la communauté des femmes, et que surtout, elle doit se construire par rapport à une femme moderne malade. Rude tâche !

Quelle maladie pour la femme chinoise ?

Mais que se passe-t-il donc pour la femme chinoise actuelle ? Pourquoi, comme nous l'avons vu dans le message précédent, une jeune fille est par principe une prostituée potentielle. Pourquoi l'homme chinois considère que dès qu'il a de l'argent, il doit respecter la coutume virile,  il doit se payer une "femme de compagnie", une "maîtresse" ?

Nous faisons l'hypothèse qu'il  y a aujourd'hui, en Chine, une bataille symbolique entre les hommes et les femmes. C'est une bataille où les hommes refusent l'égalité aux femmes. Bien sûr, cette bataille est d'autant plus violente dans les pratiques sexuelles.

La communauté des femmes - nous verrons plus tard les sources anciennes - est une ressource pour la jeune fille chinoise. C'est pourquoi cette culture communauté est contestée. Soumise au pouvoir de l'argent, la jeune fille chinoise devient la concurrente des autres femmes.

Aujourd'hui, les femmes chinoises de quarante ans qui vivnt dans les grandes villes se désolent : "L'homme chinois n'est pas capable d'avoir un sentiment amoureux. Il va juste apprécier la compagnie d'une jeune femme qui sera la marque de l'argent qu'il possède".

La culture Miao à travers ses broderies

Les Miao sont une minorité chinoise qui a poussée jusqu'à la perfection l'art de la broderie. Pour les femmes Miao, broder n'est pas seulement faire montre de dextérité, c'est aussi développer un véritable langage de motifs figuratifs ou abstraits, qui disent l'origine de leur peuple et ses relations avec l'univers. Selon la légende, les Miao étaient autrefois dotés d'une écriture...Ils la perdirent à jamais en traversant une rivière durant leur lente migration vers le sud. La broderie, comme le chant, est à présent l'expression de leur culture.

Jeune femme Miao présentant ses broderies / Guangxi

Dans le broderie Miao, le papillon est l'élément clef, avec l'oiseau Jiwei raconté dans les légendes Miao. Les compositions des broderies Miao ont toutes un caractère organique, elles célèbrent les métamorphoses permanentes qui mêlent l'humain, le végétal et l'animal : la queue d'un oiseau se change en rinceau de fleurs, des ailes poussent aux épaules des hommes, les poissons deviennent dragons. Le dragon a été emprunté, avec son symbolisme, au bestiaire chinois : porte-bonheur, il garantie le succès dans toute entreprise.

En général, les broderies sont effectuées sur des pièces à appliquer, rarement directement sur le vêtement lui-même. Ces pièces servent aussi de renfort contre l'usure et sont cousues sur les manches, épaules et bords de veste, les bas de jupes et de pantalons.

Le summum de l'art de la broderie Miao est utilisé à l'occasion de la réalisation de la jupe « aux cents plis », un costume de fête qui demande de trois à quatre ans de travail à une couturière



Les jupes aux "cents plis" font la fierté des femmes des minorités chinoises Miao, Buyi, Gejia et Yi, qui les confectionnent et les portent. Treize à quinze mètres de tissu de batik ou brodé sont nécessaires pour réaliser les quelques cinq cents plis de la jupe aux "cent plis".

La longueur varie de la minijupe de 20 cm à la jupe longue tombant sur les chevilles, mais elle est portée en général sur les hanches, non à la taille. C'est qu'une jupe est rarement portée seule lors des grandes occasions et que les 20 ou 30 épaisseurs superposées représentent un poids considérable.


Une fois la jupe confectionnée, on teint et brode le tissu , puis on le plisse en passant plusieurs fils. L'ensemble est glissé le long d'un panier en bambou ou d'un tonneau en bois, trempé dans l'eau puis mise à sécher à l'abri du soleil. On retire la forme, puis les fils, lorsque la toile est sèche. Une autre technique consiste à suspendre la pièce de tissu dans une perche de bambou avant de passer les fils à plisser. 

Le porte bébé traditionnel, une sorte de sac à dos brodé ou les femmes portent leur enfant est également l'occasion de raffinements techniques. Broderie et brocart, damas et appliqué, toutes les techniques de l'ornementation textile sont mises à contribution, transformant le vêtement en un sceau unique et chatoyant de l'identité d'un village.

Le savoir faire des couturières se transmet toujours de mère en fille, et il y a dans l'année toutes sortes d'occasion d'exhiber ses travaux d'aiguille.

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