lundi 27 septembre 2010

Luttes de pouvoir entre hommes et femmes : pourquoi les fœtus filles doivent mourir


 A propos du film "The housemaid"

La fiche technique
Acteurs
L'histoire d'un combat

Le film "The house maid" me parait exemplaire des luttes de pouvoir entre les hommes et les femmes, en Corée bien sûr, mais aussi dans la la culture asiatique.

L'histoire met en scène l'univers familial d'un homme riche et puissant. Il est marié avec une toute jeune femme qui attend des jumeaux. Une gouvernante régente la maison. La gouvernante est liée à la mère de la jeune femme

Arrive, pour s'occuper des futurs bébés,  une femme de chambre. Elle se laisse séduire par le mari, et vite, se retrouve enceinte.

Considérons l'image suivante : la gouvernante à gauche, l'épouse trompée à droite. Il est dommage que sur cette photo introductive, ne figure pas la mère de l'épouse de l'homme riche


En effet, le film met en scène comment les trois femmes - l'épouse, la mère de l'épouse, la gouvernante - se liguent contre l'intruse. Face à une une telle coalition féminine, l'homme - tout riche et puissant - qu'il soit, voit son pouvoir être neutralisé.

La gouvernante choisira de s'engager vers une conclusion tragique pour elle et son fœtus.

Les racines anciennes du pouvoir des femmes en Asie

Dans ce film, ce qui est en jeu est la reproduction, la légitimité de la reproduction. Par où passe la reproduction légitime. Un nouveau bébé, est-il légitime par sa conception par l'homme, ou bien par la femme ? Le film répond : le bébé légitime est celui qui est conçu par l'épouse, au sein de la famille.

Il y aurait eu, selon Marija Gimbutas, archéologue et anthropologue, dans les sociétés préhistoriques, un système qualifié de matristique qui ne se baserait pas sur une discrimination sexuelle, mais sur l'importance accordée au féminin. La femme incarne la reproduction de l'espèce et son espoir de pérennité dans une dimension temporelle qui n'était pas linéaire comme elle le devint avec le patriarcat, mais circulaire et cyclique où prend naissance le mythe de « l'éternel retour ». La femme est la Déesse mère.

Dans le cas d'espèce, un bébé née de la domination d'un homme riche sur une femme de chambre, est un bébé qui sortirait du cycle naturel, car marqué du "non-féminin".

On peut considérer que la culture du peuple Moso est une survivance de cet éternel retour du féminin

La culture Moso ou la Déitude des femmes

Les Moso (mosuo, ou mossuo) sont un peuple du sud de la Chine, localisé entre le Sichuan, le Yunnan et la frontière Tibétaine.  Leur système familial est dit matriarcal  :
• pas de mariage, ni de vie de couple : les enfants restent vivre chez leur mère toute leur vie.
• pas de paternité : les enfants sont élevés par les oncles.
• tout est transmis par la mère : nom, propriété...
• amours libres : chacun est libre d'avoir autant de relations qu'il le désire, et de changer quand il veut. Il n'y a pas de fidélité : "Chez nous, seuls les sentiments comptent. La situation de chacun n'entre jamais en jeu
• 
tabou de l'inceste : toutes relations intimes sont interdites entre membres d'une même maison.
• ils vivent en communisme familial : la propriété appartient à tout le clan familial, il n'y a pas d'héritage.

Ce sont les femmes qui dominent les affaires familiales, et d'habitude leurs familles sont harmonieuses.
Les hommes gardent par contre le pouvoir politique, et gèrent les affaires extérieures au clan.
On y prend bien soin des personnes âgées et des enfants, tandis que les bébés féminins et masculins sont aussi bienvenus les uns que les autres. Le taux de croissance de la population y serait le plus bas au monde : 0.78%.

Lors de son 50e anniversaire, l'ONU a donné aux Mosuo le titre de communauté modèle. Pourquoi? Parce qu'ici, selon des anthropologues, il n'y aurait pas de rapports de domination entre hommes et femmes, ni de ces querelles courantes dans les sociétés patriarcales concernant la propriété.

Les Moso n'ont pas ressenti le besoin d'inventer des mots pour parler de guerre, de meurtre ou de prison. Ils sont chamanistes-animistes-païens, mélangé avec le bouddhisme Tibétain de leurs envahisseurs. Ils vénèrent de nombreuses déesses-mères : Mère Lac Lu Gu, Mère Montagne Gun Mu... Ils portent le nom totémique de leur clan : Mère Arbre, Mère Tigre, Mère Serpent, Mère Aigle...

Le Chaman assiste les nombreuses cérémonies, tel le rite de passage à l'âge adulte des jeunes filles (13 ans) : la jeune fille prend possession des affaires personnelles de son arrière-grand-mère décédée qui se réincarne dès lors en elle.

la jeune fille possède désormais sa chambre personnelle ("babahuago" : la chambre des fleurs) où elle peut accueillir tous les amants qu'elle désire. La plupart des relations amoureuses restent secrètes. C'est toujours à l'homme de venir dormir chez son amante, jamais l'inverse. Ainsi la femme reste toujours en sécurité dans sa famille.

Le mode de vie des Moso est aujourd'hui menacé, car il entre en conflit avec la conception du pouvoir patriarcal des hommes chinois.

Quelques définitions autour du matriarcat et du matristique

MATRIARCAT (au sens ethnologique, cf "Etude sur les origines de la famille" de Paul LAFARGUE):
• matrilinéarité : toute transmission se fait par le sang maternel.
• matrilocalité : la vie sociale s'organise autour de la mère.
• avonculat : la paternité sociale (éducation) de l'enfant est assurée par son oncle maternel.

Les sociétés dites matriarcales se structurent en clans (grandes familles) collectivistes matrilinéaires, sans mariage, ni paternité génétique reconnue. L'enfant appartient au clan de sa mère dont est exclu le géniteur. Les enfants sont élevés par les hommes de leur clan (oncles maternels) et non pas par leur géniteur.

Il n'y a pas de couple, ni de fidélité, ni de jalousie, ni de possessivité, ni de violence sexiste, ni de prostitution. Les affaires internes à la famille sont plutôt gérées par les femmes, tandis que les affaires extérieures à la famille sont plutôt gérées par les hommes. La répartition du travail se fait au mérite. On parlera plutôt de système matri-centré ou matristique, car la mère n'est pas au-dessus mais au centre de la société.

C'est le premier système familial qu'aurait connu l'humanité. Son origine fut l'ignorance du lien entre la sexualité, le sperme et la reproduction. L'enfant est d'évidence conçu par la mère.

La réaction patriarcale ou pourquoi les bébés filles sont rejetés

On le sait : en Asie, le bébé fils est bienvenu, le bébé fille est regretté. Souvent, le fœtus fille est tué pendant la conception.

Voilà mon interprétation. Les hommes, défendant le pouvoir patriarcal, proposent un compromis : les femmes sont reconnues comme conceptrices en tant qu'elles reproduisent le masculin : le garçon. Lorsqu'elles reproduisent le féminin - la fille, elles se comportent en "résistantes", en combattantes de l'ancien pouvoir matristique.

Donc, rejeter les filles, c'est remettre les femmes à leur place de soumission.

PS : Lue le lendemain de ce message, cette dépêche Associated Press  fait état d'un ratio fille-garçon déséquilibré en Chine, de 119 naissances masculines pour 110 naissances féminines, ratio dû la pratique courante des avortements lorsque l'enfant à naître est une fille :


Cité par la presse officielle, Li Bin, chef de la Commission nationale pour la population et le planning familial, a tenu a mettre un terme aux spéculations selon lesquelles Pékin envisagerait, dans un avenir proche, d'alléger cette politique. "Nous poursuivrons cette politique de planning familial pendant les décennies à venir", a-t-il déclaré samedi lors d'une cérémonie visant à fêter les 30 ans de l'introduction de la politique de l'enfant unique.

En vertu de cette règle, les familles citadines doivent se limiter à un enfant et les familles de la campagne à deux. Si Pékin affirme qu'elle a permis d'éviter un accroissement de la population de 400 millions de personnes, elle a aussi donné naissance à de nouveaux problèmes.

Selon les démographes, il sera de plus en plus difficile de subvenir aux besoins d'une population âgée très nombreuse, alors que la population en âge de travailler va elle diminuer.

Autre conséquence de la politique de l'enfant unique, le ratio fille-garçon déséquilibré en Chine, où il est de 119 naissances masculines pour 110 naissances féminines, avec la pratique courante des avortements lorsque l'enfant à naître est une fille. Une situation qui pourrait compliquer la recherche d'épouses pour les hommes et alimenter le trafic d'êtres humains, selon les démographes. AP


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire